Le secret de la vie après la mort, de Stéphane Allix

Voici une interview suivi d’une vidéo d’une conférence de Stéphane Allix qui parle de son enquête sur la vie après la mort. Stéphane Alix explore depuis dix ans les frontières de la vie et de la mort. Fondateur de l’INREES (Institut de recherche sur les expérience Extraordinaires), journaliste d’investigation et ancien reporter de guerre, il présente maintenant sur M6 l’émission « Enquêtes extraordinaires » et partage ses recherches sur la vie après la mort dans un livre très personnel : La mort n’est pas une terre étrangère.

– Comment avez-vous commencé à travailler sur le sujet de la mort ?

– Le 12 avril 2001, mon frère Thomas est mort sous mes yeux dans un accident de voiture en Afghanistan. Cela a transformé la curiosité intellectuelle que j’avais vis à vis de la mort – et qui m’avait poussé à devenir reporter de guerre – en une interrogation vivante qui traverse tout mon être. Notre société vit dans une irréalité de la mort qu’elle essaye de mettre le plus loin possible de notre quotidien. Mais quand une mère, un frère, un ami meurt, cette réalité fait irruption dans votre vie. Et face à ce gouffre, que faites-vous ? Jusqu’ici des structures – entre autres religieuses –, nous accompagnaient dans ce processus, mais aujourd’hui notre société laïque refuse toute interprétation. On a jeté les aides « à penser la mort ». Chacun est seul pour penser la sienne, celle de ses proches et s’y préparer.

« Tout ce qui compte dans une vie », disent les indiens Navarros, « c’est la façon dont on va mourir ». C’est aussi ce que disent les psychologues. Je crois que si j’intègre le fait que je vais mourir, que je commence à y réfléchir pour y penser plus sereinement, j’aurai moins peur. 

– C’est ce qui s’est passé pour vous après la mort de votre frère ?

– Oui pour moi, et pour mes parents, la mort de Thomas a fait naître, au-delà de la douleur, de la tristesse, qui demeure dix ans après, – un deuil dure toute la vie ! – une interrogation : Y a-t-il une vie après la mort ? Mon frère est-il quelque part ? Puis-je le contacter, lui parler ? Au fur et à mesure que j’explore cette question, des portes s’ouvrent sur des questions mystérieuses qui me renvoient à moi-même. Je n’ai pas de preuve que la vie s’arrête ou continue. Mais pourquoi suis-je là ? Et si ma vie s’arrête, comment m’y préparer ? Depuis dix ans, mon existence est habitée par la nécessité de se préparer à cet instant. De me rendre présent à ceux que j’aime, disponible aussi à l’idée de vieillir…

– Qu’avez-vous fait durant ces dix ans pour tenter d’explorer cette question ?

J’ai d’abord suivi une démarche journalistique rationnelle. En enquêtant, notamment aux Etats-Unis, sur les expériences de mort imminente. Ces personnes qui font l’expérience de sortir de leur corps durant un coma ou une mort clinique. Quels mécanismes se mettent en marche ? Avons-nous affaire à des hallucinations du cerveau ? Je suis arrivé à la conclusion que non, qu’il s’agirait plutôt d’une forme de préparation à la mort, un peu comme le passager qui attend, dans la salle d’embarquement, le départ d’un vol imminent. D’ailleurs, les personnes qui font ces expériences de mort imminente en reviennent apaisées. Je me suis aussi intéressé à ce qui fait la conscience, ce qu’en disent les spiritualités. Quel est cet esprit qui nous habite, cette âme qui perdure après la mort du corps ? Y a t il un fondement scientifique ? La dimension spirituelle de l’être humain peut-elle être identifiée par les savants qui travaillent sur le cerveau ?

– Et où vous a mené cette recherche ?

– J’ai rencontré des médecins, des chercheurs, des médiums… Et je n’ai pas découvert le secret de la vie après la mort ! Mais je suis arrivée à cette conviction : la réalité n’est pas réductible à ce qui est scientifiquement répliquable ou prouvable. Je suis convaincu que nous baignons dans une réalité invisible, une autre dimension que nous percevons parfois à travers la création, les arts, la spiritualité, les religions… Nous ne sommes pas réductible à notre corps, la conscience n’est pas un sous-produit de l’activité cérébrale. Cela ne me dit pas ce qui se passe après, ni si la religion voit juste, mais qu’il y a un large fossé entre nos raisonnements intellectuels et nos intuitions intimes.

– Avez-vous personnellement éprouvé des intuitions de cette autre dimension spirituelle ?

– Au moment de l’accident de mon frère, je suis arrivé presqu’aussitôt sur les lieux, je me suis activé, j’ai pris en main la situation, les secours. J’ai tout maîtrisé d’instinct, l’évacuation, le rapatriement de son corps. Et, pourtant, je ressentais une sorte de confusion en moi et j’ai éprouvé le besoin de parler, de rassurer Thomas : « Tu es mort… Je m’occupe de tout ». Plus tard, j’ai compris que cette confusion, ce n’était pas la mienne, mais celle de mon frère qui s’interrogeait sur ce qui venait de lui arriver. Ai-je ressenti ce qu’il sentait ? Est-ce que ce sont des croyances subjectives et personnelles ? Un autre jour, beaucoup plus tard, j’étais en train d’écrire et j’ai senti la présence subtile de Thomas dans la pièce. J’ai arrêté de travailler et j’ai pu lui dire que j’étais content qu’il soit là.

J’aime la rigueur, j’ai travaillé sur des sujets ardus, des enquêtes sur le terrorisme, la drogue qui nécessitaient de vérifier toutes les infos, mais le rapport totalement objectif à la question d’une autre présence des défunts n’est pas possible.

– Qu’est-ce qui a changé en vous depuis ces événements ?

– La futilité m’est devenue inutile. Je suis devenu un peu « jésuite » dans mon mode de fonctionnement. J’ai besoin aussi que les choses soient intenses. Après dix ou douze ans d’enquête, je crois que ce lien actif qui perdure n’est pas une simple projection psychologique. Un devoir de distance est imposé par la mort mais ça ne veut pas dire une rupture. Les morts, je le crois, ont besoin de nous, que nous nous mettions à leur écoute et ce dialogue-là, il faut le maintenir. Je ne sais pas ce qu’il y a après et la science est incapable de me prouver qu’il n’y a pas de vie après la mort, mais je choisis de croire qu’il y a quelque chose.

– Vous avez créé, en 2007, l’INREES, l’Institut de recherche sur les expériences extraordinaires. Quel en est le but ?

– Créer un espace de dialogue, d’information et d’échange autour de l’extraordinaire. C’est un cadre pour parler de science et de spiritualité sans préjugés. Plus de 50% des personnes qui ont perdu un proche vivent des expériences de contacts subtils avec leurs défunts mais ce sont des questions taboues et ils ne savent pas quoi en faire. Face à l’irrationnel, en France, le scientifique vous dit : « ça n’existe pas », le thérapeute met cela sur le compte de la souffrance et le prêtre ou le rabbin vous invitent, au mieux, à croire que l’amour reste. Mais cela ne suffit pas. Vous avez besoin d’être écouté.

Il y a un vide de réponse spirituelle dans notre société. Nous accueillons donc un large public pour des conférences mensuelles à la Sorbonne. Nous éditons aussi un magazine Inexploré qui explore les sujets aux frontières de la psychologie, de la spiritualité et de la science. Nous avons formé un groupe de dix bénévoles de professionnels de santé qui répondent au courrier. Et les questions sont nombreuses. « Ma mère, décédée il y a trois jours, me parle intérieurement » ou « Mon enfant a des visions ».

Les connaissances psychiatriques actuelles permettent de vérifier l’état mental de la personne, les raisons objectives qu’elle aurait d’halluciner. On ne donne pas d’adresses mais des recommandations, des cadres éthiques. Je suis conscient des dérives possibles, c’est pourquoi j’ai réuni des professionnels de santé, qui ont travaillé sur ces sujets et savent se mettre à l’écoute des discours qui sortent de l’ordinaire.

– Vous avez rencontré des médiums, ces personnes qui disent avoir la capacité d’entendre des défunts. A quelle conclusion êtes-vous arrivé ?

– J’ai beaucoup enquêté sur ce sujet en rencontrant de nombreux médiums, en les testant avec rigueur. J’en connais qui font un travail sérieux et accompagnent le deuil à leur manière. Certains psy travaillent même avec des médiums et certains médiums ont des formations en psychothérapie. Une simple consultation, bien cadrée, peut ouvrir la porte à un apaisement, aider à franchir une étape intérieure, j’ai ainsi rencontré des personnes qui sont sorties de situations suicidaires après une consultation. Mais si vous en abusez, comme les antis dépresseurs, cela peut être dangereux. Le danger serait de s’enfermer dans cette quête de communication morbide.

La mort n’est pas un départ en voyage, on ne va plus toucher ni voir l’être aimé, une séparation doit donc se faire, mais dans toutes les civilisations, on dialogue malgré tout avec l’au-delà. Il y a des centaines de médiums en France, je rêverais d’une véritable recherche scientifique sur leur travail.

– Contactent-ils vraiment des défunts ? Ont-ils développé une sorte d’hyper intuition qui leur permet de puiser des informations dans la conscience de la personne qu’ils ont en face d’eux ?

– Il faut étudier ces choses-là pour ne pas laisser le champ libre à des charlatans.

– La mort, écrivez-vous, n’est pas une terre étrangère. Les frontières entre la vie et la mort sont-elles encore étanches pour vous ?

– Ce que je sais, c’est que ma recherche spirituelle s’est trouvée enrichie par mon parcours, je n’ai plus le même rapport à la mort, je l’envisage avec plus de sérénité. La vie ne s’arrêtera pas avec elle. Cette intuition s’est imposée dans les minutes qui ont suivi la mort de Thomas et s’est trouvée renforcée par mon enquête depuis dix ans. C’est ce genre d’intuition, d’expérience directe, de « grâce » qui, comme celle de St Paul sur le chemin de Damas, vous transforme, vous fait pénétrer par quelque chose de plus grand.

J’étais habitué depuis tout jeune à réfléchir aux grandes questions philosophiques. La mort de Thomas a balayé instantanément ce qui n’était pas solidement ancré en moi, comme un drame peut vous faire perdre une foi superficielle et creuser en vous les vraies questions. Je me suis beaucoup nourri d’échanges avec des lamas, avec un ami prêtre jésuite aussi. Une image, d’ailleurs, m’a frappé dans le christianisme. C’est celle de Jean-Paul II, acceptant de remettre sa mort en direct – ou presque – au regard du monde, le chef de l’Eglise chrétienne montrant l’exemple de ce qu’est l’issue de notre existence.

C’est extraordinaire… Je ne suis pas un grand consommateur de rites, mais je me retrouve dans l’expérience spirituelle. J’ai vécu des expériences transcendantes dans une église, dans des mosquées en Afghanistan, un temple bouddhiste au Tibet. Je crois que chaque religion permet ces contacts.

Je crois aussi qu’il faut risquer sa liberté. Cette interrogation sans fin sur la mort m’a appris qu’il n’y a pas de réponse. Être sans certitude me met dans un rapport d’ouverture, de partage des questions.

– Est ce que ça vous a rendu plus heureux ?

– Plus conscient en tous cas de la conséquence de mes actions. Je pense que la façon dont je me comporte aujourd’hui, avec mes proches notamment, colorera la façon dont je vivrai après ma mort.



yogaesoteric

3 mars 2018 

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