Immanuel Velikovsky : un génie traîné dans la boue (2)

Lisez la première partie de cet article

Plusieurs facteurs ont conspiré pour aider à ce que la situation du livre de Velikovsky devienne une des meilleures ventes.

Le premier était que la réputation personnelle de Velikovsky et son association de longue durée avec des projets et des gens à haut profil, tout cela mis ensemble fit de lui un hérétique difficile à ignorer purement et simplement, car il possédait déjà une réputation bien établie.

Le second était que sa théorie d’une récente naissance de Vénus contredisait directement la théorie planétaire moderne et les conceptions scientifiques du mouvement correct des planètes.

Le troisième a pu provenir de la pure stupéfaction des scientifiques traditionnels auxquels Velikovsky était supposé offrir une théorie qui s’opposait aux limites traditionnelles de nombreuses disciplines académiques, et le faisait sortir de son domaine propre d’expertise pour entrer entièrement dans un autre – à savoir l’astronomie – pour faire valoir son opinion.

Le quatrième était qu’il jugeait approprié de citer comme une preuve de sa théorie des anciennes références de textes qui, selon l’estimation de nombreux astronomes de l’époque, étaient classés comme valeur aussi probantes que les contes de fée pour enfants.

Ces preuves – qui provenaient de domaines de l’histoire ancienne et de l’archéologie – tombaient en plus bien loin de la capacité de la plupart des astronomes pour essayer même de les évaluer, et encore moins de les réfuter.

À l’aide d’une publicité très efficace – comprenant un condensé du livre qui apparut dans un magazine populaire et des exemplaires préliminaires du livre envoyés à plusieurs astronomes de premier plan – l’indignation des astronomes fut efficacement entretenue. Leur rage professionnelle aida le livre à se propulser au statut de best-seller. La popularité en pleine ascension du livre de Velikovsky mit le monde astronomique sens dessus dessous.

Le chahut dirigé contre Velikovsky l’hérétique approcha des niveaux inconnus depuis la persécution notoire de Galilée par l’église catholique au milieu des années 1600.

À posteriori, l’outrage était compréhensible : dans le monde de 1950 qui était devenu de plus en plus darwinien, la théorie de Velikovsky menaçait de ressusciter une sorte de religion apocalyptique que le monde scientifique avait combattu pendant plus d’un siècle pour l’éliminer.

De même, en contredisant la vision que toutes les planètes devaient être âgées de milliards d’années, la théorie de Velikovsky menaçait de saper les visions uniformitariennes qui servaient de fondations au darwinisme lui-même. La théorie de Darwin exigeait un univers stable et immuable pour caser les processus d’une lenteur imperceptible de l’évolution qu’il proposait. Plusieurs astronomes de renom écrivirent à la direction de MacMillan pour pousser la société à bloquer la publication du livre.

Le Dr Harlow Shapley (alors directeur de l’Observatoire de Harvard) conspira pour organiser un boycott dans des collèges et universités du très rentable livre de MacMillan, espérant faire pression financièrement pour faire chuter la vente du livre.

MacMillan – espérant désamorcer le boycott sans se soumettre réellement aux demandes des astronomes – fit la démarche inhabituelle de transférer ses droits lucratifs de publication du livre chez Doubleday, l’un de ses concurrents qui ne touchait aucun intérêt dans la vente.

Au moment de la publication de Mondes en collision, de nombreux aspects des théories de Velikovsky étaient qualifiés catégoriquement de pures absurdités par les autorités du monde de l’astronomie. La vérité ferait plus tard surface selon laquelle certains des plus durs critiques de Velikovsky n’avaient jamais vraiment lu son livre avant de faire leurs déclarations, mais n’avaient basé leurs critiques que sur les résumés du livre avant publication.

Il est certain que la vision de Velikovsky d’une Vénus jeune et chaude allait à contrario de la sagesse conventionnelle de 1950, qui supposait que Vénus possédait une atmosphère semblable à la Terre et se prouverait finalement colonisable. Les conditions acrobatiques apparemment nécessaires pour les déplacements de Vénus décrites par Velikovsky dans son livre – se mouvant d’abord comme une comète mais ensuite venant finalement d’une manière ou d’une autre posséder l’une des plus circulaires et régulières orbites de toutes les planètes – apparaissait contredire catégoriquement les lois de Newton sur le mouvement.

Carl Sagan soulignait que la grande quantité d’énergie nécessaire pour éjecter un corps de la taille de Vénus hors de Jupiter aurait probablement vaporisé de grandes portions de Jupiter et laissé ces zones intensément chaudes, même aujourd’hui.

Même Einstein, dont l’impulsion naturelle était une sympathie envers son ami et collègue, prit parti au début contre Velikovsky, écartant nettement sa suggestion que des forces électromagnétiques devaient jouer un rôle significatif dans les dynamiques des planètes.

La théorie de Velikovsky, quand on la considère soigneusement, apporte plusieurs possibilités ou conséquences logiques qui, si elles n’étaient pas toutes à la portée de scientifiques pour les prouver ou les réfuter expérimentalement en 1950, deviendraient sûrement vérifiables un jour prochain. Par exemple, une naissance géologiquement récente de Vénus exigerait que la planète soit intensément chaude (d’après des études récentes, il y aurait 470° à sa surface). De même, cela impliquerait que Vénus montre un ensemble de formations géologiques non évolué. De plus, si Vénus avait sillonné le système solaire pendant des siècles comme un corps astronomique solitaire, nous nous attendrions alors à trouver certaines anomalies dans son orientation et sa rotation en la comparant à d’autres planètes. Nous serions finalement capables de détecter si Mars ou Vénus avaient une fois souffert d’un impact direct avec un corps de la taille d’une planète.

Si Vénus et Mars s’étaient approchés très près de la Terre dans des temps anciens, nous pourrions identifier des signatures chimiques, géologiques ou magnétiques associées à ces événements. Velikovsky lui-même avait fourni une longue liste de ses propres « pronostics » – observations découlant de ce qu’il sentait devoir s’avérer finalement réel, si les faits confirmaient ce qu’il considérait comme les piliers inamovibles de sa théorie.

Peu après la publication du livre, certains « pronostics » de Velikovsky commencèrent à se confirmer, pas toujours pour les raisons précises données par leur auteur. Par exemple, l’avis controversé de Velikovsky sur le rôle de l’électromagnétisme dans l’interaction des corps planétaires – celui qu’Einstein avait d’abord refusé – fut confirmé par la découverte accidentelle d’émissions radio venant de Jupiter et l’acceptation de l’existence, basé sur le travail de Van Allen, d’un champ magnétique conséquent qui entoure la Terre.

Dans les années 60, Velikovsky fut considéré comme une autorité suffisamment crédible sur les questions d’astronomie pour être embauché par un réseau de télévision renommé pour devenir consultant et commentateur de l’alunissage en direct de la NASA en 1969.

En 1974, un symposium composé de scientifiques (Velikovsky compris) fut organisé à San Francisco pour débattre des théories de Velikovsky qui se termina en enterrant plusieurs critiques majeures contre lui. « L’interprétation » officielle qui ressortit de cette conférence – et l’impression laissée sur le public – fut que les théories de Velikovsky avaient finalement été réfutées définitivement.

Pourtant depuis cette époque, comme de nouvelles preuves continuent d’émerger, une tendance persistante pour les nouvelles découvertes qui – tout du moins ouvertement – semblent soutenir une bonne part des « pronostics » de Velikovsky.

Quand de nouvelles découvertes récentes sont faites qui pourraient potentiellement rappeler la controverse, elles sont le plus souvent présentées sans mention officielle du nom de Velikovsky. Elles sont à la place habituellement annoncées emmitouflées dans une nouvelle théorie d’accompagnement, dont l’effet net est de mettre une distance avec les théories controversées de Velikovsky.

Par exemple, quand des preuves montrèrent que la planète était en fait intensément chaude – un point-clé cité par Velikovsky comme une démonstration cruciale de la justesse de sa théorie – les scientifiques écartèrent complètement la question en postulant préventivement un effet de serre incontrôlé pour expliquer cette haute température inattendue.

Quand on découvrit que Vénus avait bien moins de cratères d’impact qu’on s’y attendrait pour une planète vieille de plusieurs milliards d’années, les astronomes proposèrent à nouveau que « des forces géologiques inconnues » avaient dû d’une manière ou d’une autre entraîné un resurfaçage global, géologiquement récent, de Vénus, effaçant donc le problème des cratères.

Avec certaines propositions de Velikovsky qui semblaient à première vue tirées par les cheveux – surtout ses fantasmes douteux sur les interactions chimiques qu’il supposait s’être produits entre les atmosphères de Vénus, Mars et la Terre – il y a une perspective dont nous pourrions profiter en considérant soigneusement certains aspects de sa théorie.

Par exemple, sa suggestion qu’une planète pourrait se former suite à un gros impact avec une planète gazeuse géante semble aussi raisonnable que l’une des deux théories dominantes traditionnelles de la création planétaire – certains astronomes pensant que les deux théories souffrent de sérieuses (voire fatales) difficultés théoriques. De même, la théorie de formation de la Lune comme produit dérivé d’un impact est déjà en partie accepté.

Il n’est sûrement pas déraisonnable de penser que ce qui peut arriver sur une petite échelle dans notre système solaire pourrait également se produire à plus grande échelle.

Certains critiques de Velikovsky disent qu’il est déraisonnable de penser que l’orbite vagabonde de Vénus en tant que comète aurait pu la rendre circulaire en tant que planète dans un temps si court – et pourtant il est bien connu qu’il existe des comètes qui ont apparemment réalisé des orbites circulaires autour de notre soleil.

Des théories suggèrent qu’une queue de comète peut fournir l’entraînement nécessaire pour rendre circulaire son orbite. D’autres prétendent que les forces gravitationnelles des marées peuvent entraîner les orbites à devenir circulaires.



yogaesoteric

20 mars 2018

 

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