L’Ukraine poursuit sur sa trajectoire inéluctable vers l’abîme

Pour qui a les yeux bien ouverts, est capable d’analyser la situation de l’Ukraine et celle vers laquelle elle se dirige inéluctablement un peu plus après chaque nouvelle décision de ses « dirigeants », et qui sait à quel point ce qui se passe en Ukraine pourrait dégénérer à l’échelle globale, le chemin que prennent les événements laisse parfois un sentiment de peur mêlé d’impuissance.

 

Comme l’a souvent rappelé Xavier Moreau, mais aussi plusieurs experts ukrainiens, l’Ukraine ne pourra pas payer l’énorme monceau de dettes qu’elle a accumulé. Elle fonce dans le mur. L’Ukraine doit 77 milliards de dette en tout, dont environ 12 milliards de dollars au FMI, 3 milliards plus les intérêts à la Russie auxquels il faut ajouter les 2 milliards de dollars de gaz dus à Gazprom, suite au jugement de la cour de Stockholm.

Et dans un an, l’Ukraine perdra les revenus afférents au transit du gaz russe sur son territoire (2 milliards de dollars par an), après avoir déjà perdu les revenus venant de l’industrie et des mines du Donbass, et après avoir perdu une bonne part de ses marchés en Russie (et 31 milliards de dollars avec en 4 ans).

Et ce n’est pas l’UE qui pourra compenser pour toutes ces pertes. Ianoukovitch l’avait bien compris, quand il a finalement mis de côté l’offre d’accord européen, pour se tourner vers l’accord russe, bien plus avantageux.

L’Allemagne, chef de file de l’UE, a préféré miser sur sa sécurité énergétique plutôt que de se plier au diktat de Kiev et Washington, en donnant un premier feu vert pour la pose des conduites de Nord Stream 2 dans les eaux territoriales allemandes. En offrant ainsi à la Russie une autre voie d’acheminement de son gaz vers l’Europe, l’Allemagne condamne définitivement l’Ukraine à plonger, provoquant l’inquiétude de Kiev, qui voit le mur se rapprocher de plus en plus vite. Et face au gouffre, les autorités de Kiev paniquent et vont vers ce qui semble être la voie la plus facile : la fuite en avant.

La fuite en avant idéologique vers toujours plus de radicalisme antirusse, pour le pas dire vers du néonazisme pur et simple. Et ce quitte à finir par sombrer dans le débilisme le plus total, comme cette proposition de sanctionner financièrement les artistes ukrainiens qui se produisent en Russie, alors même qu’il n’y a aucune déclaration de guerre officielle avec ce pays.

Si cette manifestation du radicalisme ultra-nationaliste croissant en Ukraine peut prêter à sourire, d’autres symptômes sont beaucoup plus inquiétants. Comme la mise en place de milices néo-nazies censées faire respecter l’ordre dans les villes d’Ukraine.

Ces « escadrons nationaux » issus des rangs du régiment Azov, sont financés par des hommes d’affaires, en clair par des oligarques (alors que ces milices prétendent ne pas être soumises à l’oligarchie). Ces milices sont dirigées par Igor Mikhailenko (Cherkass), l’un des dirigeants du régiment Azov.

Ils sont censés coopérer avec la police, mais seulement si cette dernière fait ce qu’ils veulent. S’ils la jugent trop passive, alors ils ne lui obéiront pas. Comme on peut le voir sur cette vidéo, des heurts ont déjà éclaté entre des membres de ces milices et la police officielle.

Lors de leur prestation de serment, ces miliciens ont juré de nettoyer les rues des alcooliques et des drogués (et ce sera quoi la suite, ceux dont la tête ne leur revient pas, ceux qui parlent russe dans la rue ?). Si cela vous rappelle les SA des Nazis cela n’a rien de fortuit.

Pour dire plus clairement : le gouvernement ukrainien est en train de perdre le peu de contrôle qu’il lui restait sur le maintien de l’ordre dans le pays. Comme l’avait prédit assez tristement Tatiana Montian lors d’une interview, l’Ukraine se nazifie et se féodalise.

Chaque région, ville ou quartier va de plus en plus être soumis à la loi et au bon vouloir de l’oligarque ou du potentat local. Ces milices néo-nazies, issues d’un régiment qui a très largement prouvé en quatre ans d’existence son caractère mafieux, vont pouvoir s’adonner à tous les trafics les plus lucratifs en toute tranquillité, puisque désormais la loi ce n’est plus la police, c’est eux.

Conscient de cela, Porochenko essaye de reprendre la main, en mettant les unités militaires de ces milices sous le commandement unifié prévu par la loi de réintégration du Donbass, afin de les utiliser pour relancer le conflit en remplacement de l’armée qui est démoralisée, mal équipée et en sous-effectif (la dernière vague de mobilisation ayant été un désastre). Mais croit-il réellement que les combattants de ces bataillons spéciaux vont mieux obéir demain qu’aujourd’hui, alors qu’en les arrosant d’un peu d’argent, n’importe quel oligarque peut acheter leur loyauté ?

Et pour ceux qui pensent que l’Ukraine ne se prépare pas à relancer les hostilités dans le Donbass (sa capacité à réaliser ses plans sur la comète est une autre histoire), plusieurs nouvelles vont malheureusement dans le sens d’une escalade.

Des armes lourdes et des troupes sont arrivées à Marioupol. L’OSCE a ainsi mentionné dans son rapport l’installation par l’armée ukrainienne en pleine ville (en pleine zone civile), en violation des accords de Minsk, de deux obusiers de 152 mm, et deux canons antichars Rapira de 100 mm. Et on ne parle là que de ce que l’OSCE a vu ! Autant dire seulement une petite partie de la réalité.

Porochenko vient aussi de signer la loi autorisant les étrangers à servir dans l’armée ukrainienne. Le but est bien sûr de bénéficier de la présence de volontaires étrangers sans se retrouver avec de nouvelles unités indépendantes de l’armée qui n’en font qu’à leur tête. Le but étant de pallier le manque de soldats ukrainiens motivés.

Sur la ligne de front, la situation n’inspire pas plus d’optimisme, alors qu’après avoir de nouveau grignoté et déminé une partie de la zone grise près de Gorlovka, l’armée ukrainienne a redéployé près du front de nombreuses armes lourdes (canons et canons-obusiers de 122 mm et 152 mm), et elle occupe désormais le village de Novoalexandrovka qui se trouve dans la zone grise située face à la République Populaire de Lougansk. La présence de snipers sur le front, et l’arrivée de nouveaux instructeurs étrangers (dont des Lituaniens) pour former l’armée ukrainienne ont aussi été signalées.

Dans le même temps, Arsen Avakov, le ministre ukrainien de l’Intérieur, a appelé la Garde Nationale (principalement constituée d’ultra nationalistes-radicaux et de néo-nazis) et la police ukrainienne à se préparer à devoir opérer dans le Donbass, car selon lui « ces zones vont bientôt revenir sous le contrôle de Kiev ». Sauf mise en œuvre miraculeuse des accords de Minsk pour arriver pacifiquement à ce résultat (ce qui a autant de chances d’arriver que de geler en Enfer), il n’y a qu’une seule solution pour parvenir à un résultat aussi rapide : une reconquête par les armes. Ce qui expliquerait d’ailleurs l’avertissement du ministre selon lequel ce sera « un travail très difficile ». C’est sûr que maintenir l’ordre en territoire occupé après une conquête militaire cela n’a rien d’une promenade de santé.

Une nouvelle confirme cette volonté de Kiev de relancer les hostilités à grande échelle. À 19h24, un groupe de diversion ukrainien a tiré sur le bâtiment du ministère de la Défense de la RPD, visant semble-t-il le ministre de la Défense, Vladimir Kononov lui-même. Heureusement averti depuis plusieurs mois de la volonté de Kiev d’éliminer « Tsar » (surnom de Vladimir Kononov), sa sécurité a été renforcée, et cet attentat n’a fait aucune victime.

Les dirigeants ukrainiens se plient de plus en plus aux desiderata de l’idéologie bandériste que prônent les groupuscules ultra-nationalistes ou ouvertement néo-nazis, qui ont permis le Maïdan. Et plus cette idéologie grandit en Ukraine, plus les pays voisins (pourtant responsables de cette situation, en ayant encouragé et soutenu le Maïdan et les groupes ultra-nationalistes) commencent à réaliser que cela devient dangereux pour eux, et prennent des mesures.

Ainsi, la Pologne a voté une loi condamnant la propagande de l’idéologie bandériste et le déni des crimes des nationalistes ukrainiens en Volhynie pendant la Seconde Guerre Mondiale. Dans un sursaut de mémoire historique, la Pologne se souvient d’un seul coup que les ultra-nationalistes ukrainiens sont dangereux pour les Polonais, comme leurs ancêtres idéologiques l’ont été pendant la dernière grande guerre.

Il est un peu tard pour s’en souvenir. La Pologne a commis la même erreur qu’il y a plusieurs siècles en arrière, lorsqu’elle a créé de toute pièce le nationalisme ukrainien pour contrer l’influence russe dans son ancienne possession. Elle a nourri ceux qui finiront par la mordre.

La preuve, au lieu de réagir de manière raisonnable, des officiels ukrainiens comme Sviatoslav Cheremet, appellent ni plus ni moins à voter une loi reconnaissant que la Pologne a occupé l’Ouest de l’Ukraine et a commis des crimes contre l’Ukraine au 20e siècle. De quoi envenimer un peu plus les relations déjà tendues de Kiev avec ses voisins. Porochenko, quant à lui, prétend que la décision polonaise vient d’une évaluation biaisée et inacceptable des faits historiques.

Quand on sait qu’il est prouvé historiquement que plus de 100.000 civils polonais (dont beaucoup de femmes et d’enfants) ont été tués en Ukraine pendant la Seconde Guerre Mondiale par les adeptes de l’idéologie nationaliste ukrainienne (dont se revendiquent idéologiquement la plupart des ultra-nationalistes ukrainiens aujourd’hui), on doit se pincer après avoir lu la déclaration de Porochenko. On sait bien qu’en Ukraine le révisionnisme historique est un sport national, mais à ce point-là c’est grave.

Après avoir fait de Stepan Bandera un héros, voilà que l’Ukraine post-Maïdan veut faire absoudre ses sbires de leurs crimes. C’est comme si les Allemands s’offusquaient de la dénonciation des crimes des Nazis, et prétendaient que cela est une évaluation biaisée des faits historiques. Sic.

 

Malgré les avertissements répétés de la Russie, mais aussi de nombreux experts de plusieurs pays (y compris ukrainiens comme Tatiana Montian), les événements en Ukraine semblent suivre une trajectoire inéluctable vers le gouffre. Tels Cassandre, beaucoup de ceux qui ont les yeux ouverts sur ce qui se passe ont l’impression de prêcher dans le désert, de ne rien pouvoir faire pour empêcher le pire de se produire. De voir jouer devant leurs yeux un film dont ils connaissent déjà la fin sans pouvoir rien faire pour la changer.

Les voix de l’argent et du pouvoir sont plus audibles dans ce monde que celles de la raison. Et c’est cela qui est terrifiant. Pour quelques bouts de papier sur lesquels sont griffonnés des chiffres, nous sommes prêts à tuer, à exterminer, à laisser l’histoire se répéter sans fin comme des poissons rouges amnésiques, voire pire. Nous sommes prêts à jouer avec le feu malgré les avertissements répétés, disant que nous allons nous brûler.

Ceux qui croient que la raison nous empêchera de plonger dans l’abîme, ont oublié que l’humanité dans sa majorité et sa globalité n’est pas gouvernée par la raison. La très grande majorité des gens sont gouvernés par leurs peurs. Pour ne pas avoir à affronter ce qui leur fait peur, les gens sont prêts à tout. C’est en jouant sur les peurs des gens que des personnes comme Hitler ont pu faire commettre à leur peuple des atrocités sans nom.

Même ceux qui courent après l’argent, sont en réalité des gens totalement dévorés par leurs peurs, qu’ils cherchent à rassurer en accumulant toujours plus d’argent, plus de pouvoir. Nos dirigeants ne sont en rien plus rationnels que les populations qu’ils gouvernent. Cette illusion de la raison est une illusion dangereuse. Car elle fait croire à ceux (trop rares) qui sont sensés que tout le monde est comme eux. Ce n’est pas le cas.

Si la raison gouvernait l’humanité, celle-ci ne serait pas dans une situation aussi désastreuse sur les plans écologique, économique, et social, à l’échelle globale. Si la raison gouvernait, le peuple ukrainien aurait depuis longtemps renversé les autorités actuelles pour les empêcher de détruire totalement le pays.

Au lieu de ça, dominés par leur peur, les Ukrainiens regardent leurs autorités ressusciter l’idéologie pro-Nazie de Stepan Bandera, la hisser au rang d’idéologie nationale, et exterminer en son nom ce qui fut une partie de sa population sans rien faire pour l’en empêcher. Ils regardent Kiev envoyer toujours plus de leurs maris, fils et pères se faire tuer sur le front du Donbass dans une guerre fratricide, qui est aussi meurtrière qu’insensée. Ils regardent leur pays prendre une voie sans issue, qui les mène vers la reprise de la guerre et l’effondrement total de l’Ukraine, sans rien dire.

L’absence de raison à l’échelle du pays, comme à l’échelle du monde, pousse l’Ukraine sur une voie inéluctable qui la mène au chaos total et à la désintégration. Mais tel un réacteur nucléaire, la réaction en chaîne incontrôlée qui s’ensuivra pourrait bien avoir des conséquences bien plus lourdes que celles de l’effondrement de tout un pays.
 
 
 

yogaesoteric

12 avril 2018

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