L’Italie va-t-elle sombrer, en emportant la France et la zone euro ?

 

On a pas mal d’alertes sur une probable prochaine crise de la zone euro en ce moment – remontée des taux d’intérêt, dette publique massive, créances douteuses pléthoriques, risque d’Itaxit, interrogations sur le potentiel de croissance à long terme… Malgré l’embellie conjoncturelle actuelle, l’Italie reste un danger majeur pour la zone euro et la France !

L’économie italienne se porte mieux, sur fond d’embellie conjoncturelle mondiale. « Le pays revient de loin, alors qu’il a connu une crise majeure en 2011-2012. Il vit actuellement un fort redémarrage de la croissance, notamment sur le front de l’industrie. L’indice PMI des directeurs d’achats, très corrélé à l’activité économique, a atteint 59, un niveau très élevé. Reste que si la croissance accélère depuis quelques mois, elle est restée en queue de peloton de la zone euro en 2017 », rapporte Eric Bourguignon, directeur des gestions obligataires chez Swiss Life Asset Managers.

Il faut dire qu’au-delà du mieux constaté sur le front de la conjoncture, l’économie italienne continue de souffrir de nombreux maux. « Le chômage reste massif, avec un taux supérieur à 11% et même à 33% pour les jeunes. Et le pays a un vrai problème de compétitivité-coûts, qui tend à s’accentuer », souligne Eric Bourguignon. « A long terme, la vrai question pour l’économie italienne est de savoir si elle parviendra à élever son potentiel de croissance. Alors que notre voisin transalpin a accusé depuis 15 ans une faible croissance de la productivité, le gouvernement doit impérativement mettre en œuvre des réformes pour insuffler une nouvelle dynamique », renchérit Julien-Pierre Nouen, directeur des études économiques de Lazard Frères Gestion.

Le risque d’Itaxit a-t-il vraiment disparu ?

Alors que les élections italiennes du 4 mars se profilaient, « la coalition de centre-droit avait bien progressé dans les sondages, mais n’aurait dû a priori pas obtenir de majorité à elle seule, laissant ainsi la porte ouverte à une période de tractations et de négociations », indique Jean-Pierre Nouen. Le parti extrémiste Mouvement 5 Etoiles (M5S), lui aussi était bien placé dans les sondages, est quant à lui revenu sur son projet de référendum en faveur d’une sortie de la zone euro (Itaxit). « Le risque politique lié à l’élection d’un parti ou d’une coalition en faveur d’un Itaxit semble donc écarté, si bien que les investisseurs considèrent actuellement l’issue du scrutin comme un aléa mineur », indiquait Eric Bourguignon. Cependant, comme le dit l’adage, « les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Le M5S a bien compris qu’un Itaxit constituait un véritable épouvantail pour bon nombre d’électeurs. Pour autant, on ne peut pas dire que l’opinion publique italienne soit très enthousiaste vis-à-vis de l’euro », relève Julien-Pierre Nouen.

« Ainsi, à long terme, on ne peut pas exclure que la question d’un Itaxit revienne sur la table. Et s’il devait se concrétiser, la nouvelle devise italienne devrait fortement se déprécier, tandis que les investisseurs de la planète réclameraient une prime de risque (un surcroît de rémunération, pour compenser un plus haut degré d’incertitudes). Autrement dit, les taux d’intérêt à long terme s’envoleraient », expliquait l’expert de Lazard Frères Gestion.

Hausse des taux d’intérêt et dette publique pharaonique : un cocktail détonant, d’autant plus inquiétant que la croissance structurelle reste faible !

Reste qu’Itaxit ou pas, les taux d’intérêt à long terme italiens sont d’ores et déjà orientés à la hausse, même s’ils ont moins progressé que les taux allemands – la référence du Vieux Continent. Or, « si le M5S devait arriver au pouvoir et lancer dans la foulée un plan de relance pharaonique ou des mesures de nature à nettement alourdir les déficits publics, les intervenants pourraient s’en émouvoir, alors que le pays est déjà lesté par une dette publique de 2.300 milliards d’euros – une des plus importantes au monde –, soit 130% du produit intérieur brut ! En réaction, les taux d’intérêt à long terme flamberaient, alourdissant ainsi la charge de la dette… », indiquait Eric Bourguignon. Et ce, même si « l’impact de la remontée des taux d’intérêt ne se diffuse que peu à peu sur le stock de dettes d’un Etat, avec un effet étalé sur plusieurs années », tempérait Julien-Pierre Nouen, qui relevait que « la hausse des taux d’intérêt est un poison lent pour les Etats ».

« Même si elle est détenue aux deux tiers par les Italiens, la dette publique constitue, par son ampleur, un danger pour le pays, au vu d’une croissance structurelle encore famélique, qui pose la question de la capacité de remboursement de Rome ! », soulignait Eric bourguignon.

L’Italie va-t-elle faire basculer la zone euro dans une nouvelle crise, avec la France en première ligne ?

« L’Italie demeure un des plus importants émetteurs d’emprunts d’Etat au monde. Compte tenu de sa dette publique colossale et de son poids économique, qui avoisine 20% du PIB de la zone euro, une grave crise italienne risquerait de provoquer un cataclysme financier pour les autres pays », jugait l’expert de Swiss Life Asset Managers. « D’autant que la taille de l’économie italienne est presque 10 fois plus importante que celle de la Grèce, dont la crise de la dette avait réussi à faire tanguer la zone euro il y a quelques années. En effet, elle avait fait tache d’huile, les investisseurs se penchant alors sur les faiblesses des autres maillons faibles de la zone euro », relevait-t-il.

Si ce scénario devait être réédité avec l’Italie, on assisterait à « une défiance vis-à-vis de l’ensemble de la zone euro, avec une envolée généralisée des taux d’intérêt à long terme à la clé. Et la France serait loin d’être épargnée, son profil étant proche de celui de l’Italie, avec un même double problème de compétitivité et d’endettement. Or, une très forte hausse des taux d’intérêt à long terme devrait logiquement peser sur la croissance… Heureusement, face au danger, la Banque centrale européenne mettrait tout en oeuvre pour éviter un scénario noir, notamment via des achats massifs d’obligations, destinés à contenir les taux d’intérêt à long terme… », soulignait Eric Bourguignon.

Quels risques pour les banques italiennes et françaises ?

Le système bancaire italien « reste lesté par un stock important – quoiqu’en contraction – de créances douteuses (prêts qui ont de bonnes chances de ne pas être remboursés), représentant actuellement 200 milliards d’euros – soit 12% des encours de prêts bancaires », soulignait Eric Bourguignon. Or, « une remontée plus forte que prévu – mettons à 3 ou 4% – des taux d’intérêt à long terme fragiliserait les entreprises sur lesquelles portent ces créances douteuses », relevait-t-il.

Les banques françaises, « en particulier BNP Paribas (qui contrôle notamment BNL, NDLR) et Crédit Agricole (qui s’est renforcé dans la péninsule en 2016, via le rachat de Pioneer par sa filiale de gestion d’actifs Amundi) sont exposées à l’Italie via leurs filiales. Heureusement, ces dernières sont essentiellement financées localement, via les dépôts des particuliers transalpins. Les risques auraient été plus importants si leur financement était assuré par le siège social en France », expliquait Julien-Pierre Nouen.

« Les banques françaises ne détiennent plus que pour 9 milliards d’euros de dette italienne. Leur exposition directe est donc limitée. Néanmoins, compte tenu du poids du pays, une grave crise italienne ne manquerait pas de les affecter indirectement », jugait Eric Bourguignon. Décidément, les investisseurs seraient bien inspirés de surveiller le risque italien…

Après les élections, l’Italie se prépare à une longue période d’incertitude

Après l’Allemagne, qui a mis six mois à se constituer un gouvernement après les élections législatives de septembre 2017, l’Italie va-t-elle à son tour être confrontée à un interminable blocage politique ? Les résultats des élections législatives de dimanche 4 mars n’ont pas accordé de majorité absolue et ni la Chambre des députés ni le Sénat ne disposent de majorité suffisamment claire pour gouverner.

Si le Mouvement 5 étoiles est arrivé largement en tête avec 32,6 % des voix, il n’aura pas assez de sièges au Parlement pour former un gouvernement. Idem pour la coalition de droite et d’extrême droite – la Ligue de Matteo Salvini, Forza Italia de Silvio Berlusconi et Fratelli d’Italia –, qui a obtenu 37 % des suffrages, mais qui ne dispose donc pas non plus de la majorité absolue. Tout est donc désormais dans les mains du président de la République, Sergio Mattarella.

 

yogaesoteric
13 juin 2018

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