Un nid d’espions : agents doubles, décès troubles

Un agent russe irradié, un Anglais retrouvé dans son sac ou encore un parjure irlandais : la mort des espions laisse souvent plus de questions que de réponses. Alors qu’un ex-agent russe est dans un état critique en Angleterre après avoir été empoisonné, Sputnik revient sur cinq cas de morts suspectes d’espions en Grande-Bretagne.

 

Le Royaume-Uni est décidément un pays dangereux pour le monde de l’espionnage ! Le 4 mars dernier, Sergueï Skripal, un ancien colonel des services de renseignement militaires russes ainsi que sa fille ont été retrouvés inconscients aux abords d’un centre commercial de Salisbury, une petite ville à 150 km de Londres.

Transférés à l’hôpital local, ils se trouvaient aux dernières nouvelles dans un état critique et étaient soignés «pour une exposition présumée à une substance toxique ». Selon The Guardian, la substance utilisée serait du fentanyl, un analgésique très puissant à base d’opium ayant des propriétés paralysantes.

L’homme, passé par le ministère des Affaires étrangères russe, avait été recruté comme agent double par les services britanniques en 1995, avant d’être démasqué et arrêté en 2004 puis condamné en 2006 à 13 ans d’emprisonnement pour trahison.

Durant cette période, le transfuge avait fourni au MI6, les renseignements extérieurs britanniques, les noms de plusieurs dizaines d’agents opérationnels sur le sol européen. M. Skripal avait également partagé des informations sur l’armée russe, notamment concernant la disposition et la préparation des unités militaires. Il aurait reçu, en échange de ses services, la somme de 100.000 dollars sur un compte situé en Espagne.

Libéré en 2010 dans le cadre d’un échange qui avait permis à Moscou de rapatrier dix agents dormants en Amérique du Nord contre la libération de M. Skripal ainsi que de trois autres Russes reconnus coupables d’espionnage au profit de Washington, l’homme vivait depuis en Angleterre.

Depuis le début des années 2000, plusieurs personnes liées d’une manière ou d’une autre au monde du renseignement et de l’espionnage sont décédées dans des circonstances étranges.

Voici quelques cas parmi les plus énigmatiques :

Denis Donaldson : le parjure irlandais

 

Militant républicain catholique du Sinn Féin depuis l’adolescence et membre de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), Denis Donaldson a été approché par le MI5 britannique dès les années 1980 pour fournir des renseignements sur les figures républicaines irlandaises.

Accusé en 2002 d’utiliser sa position à l’assemblée de Belfast pour transmettre des informations à l’IRA, il avouera en 2005 avoir été un agent du service antiterrorisme de Scotland Yard après avoir échappé à la justice et créé le doute sur sa loyauté.

Donaldson est retrouvé mort en 2006, dans une maison isolée sans eau ni électricité, après avoir reçu « plusieurs balles de fusil à pompe » et avoir été « probablement torturé », selon un article de Libération, publié deux jours après sa mort. Sa main était en effet « presque coupée à hauteur du poignet », toujours selon le quotidien. La mort de Donaldson a été attribuée par les uns à l’IRA, son meurtre ressemblant fort à l’exécution d’un traître par l’organisation clandestine, et par d’autres aux services britanniques, qui auraient saisi l’occasion de supprimer un témoin potentiel et de mettre à mal les négociations de paix en Irlande du Nord.

L’enquête se poursuit et le mystère reste entier.

Alexander Litvinenko : l’agent russe empoisonné

 

Membre du KGB depuis 1986, Alexander Litvinenko avait accusé Vladimir Poutine d’être un pédophile en plus d’être le responsable des attentats de Moscou en 1999 et complice de la corruption d’État. Réfugié à Londres depuis, l’homme était proche de membres sulfureux de la diaspora tchétchène dans la capitale britannique.

En novembre 2006, il est empoisonné à Londres. Admis au University College Hospital, son état se détériore rapidement et les médecins détectent rapidement des hautes quantités de radiations, « probablement dues à une substance appelée Polonium 210 », un isotope très radioactif issu de la fission nucléaire.

L’homme décède rapidement, mais aucune hypothèse n’est écartée par Scotland Yard. Encore aujourd’hui, les conclusions sont pour le moins controversées. En 2016, le rapport Owen conclut que le Kremlin « a probablement approuvé le meurtre à Londres d’Alexander Litvinenko » et affirme s’appuyer sur des preuves, mais ne les rend pas publiques, invoquant leur caractère « sensible ».

En Russie, beaucoup – à l’image du Président des affaires extérieures de la Douma – accusent la diaspora tchétchène d’avoir assassiné Litvinenko pour discréditer Vladimir Poutine. Cette hypothèse est étayée par le fait que des traces de Polonium 210 ont été retrouvées au domicile de Boris Berezovsky, un oligarque russe proche à la fois de M. Litvinenko et des milieux djihadistes tchétchènes.


Ashraf Marwan : le « suicide » d’un agent multiple

 

Ashraf Marwan, homme d’affaires égyptien proche du Président Nasser avait travaillé au cours de sa vie pour les services de renseignement égyptiens, israéliens, italiens, américains et britanniques. Le 27 juin 2007, l’homme se serait suicidé en sautant du balcon de son appartement en plein cœur de Londres. Mais était-ce vraiment un suicide ?

L’homme d’affaires aurait, dans les derniers mois de sa vie, confié à sa femme craindre pour sa vie, expliquant seulement qu’il avait « de nombreux ennemis différents ». L’une des quatre personnes qui avait rendez-vous avec lui à ce moment dit avoir vu deux hommes au balcon alors qu’il tentait de ranimer M. Marwan. De plus, la famille du défunt affirme que le texte de ses mémoires ainsi que ses enregistrements ont disparu.

Aujourd’hui encore, un voile opaque couvre la mort d’Ashraf Marwan. Comme l’expliquait un article d’Ulyces repris par L’Obs, « de nombreuses exemptions protègent les documents des services de renseignement britanniques sur le sujet. »

Gareth Williams : l’« accident » bête

 

L’agent britannique Gareth Williams était un spécialiste des techniques de décryptage et des communications pour le MI6. En 2010, il est retrouvé mort, nu dans un sac de sport cadenassé, dans la baignoire de son appartement. L’hypothèse d’un suicide est avancée, l’homme ayant consulté des sites dédiés au sadomasochisme et à la claustrophilie, selon la BBC. Pourtant la famille estime qu’il a été assassiné et considère que des éléments de preuve ont été supprimés.

Gareth Williams était devenu « un véritable cauchemar diplomatique » pour Sir John Sawers, alors directeur du MI6 selon une source reprise par le Sun on Sunday et RT. Selon cette même source, le jeune agent travaillait en effet sur le piratage de la correspondance de Bill Clinton et son travail « arrivait à un stade extrêmement sensible avec les États-Unis ».

Si une possible élimination de M. Williams par les services britanniques ou américains a été démentie à plusieurs reprises par la police responsable de l’enquête, l’hypothèse reste répandue. Les déclarations de Martin Hewitt, haut responsable des services de police, affirmant être « convaincu que la mort de Gareth Williams n’est en aucune manière liée à son travail » n’ont pas suffi à stopper la polémique.
 
 
 
 

yogaesoteric

9 octobre 2018

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