Shiva Dhurjati



                                                                     Shiva, dans l’hypostase de l’ascète
 

                                                                                                                        un article de Gregorian Bivolaru

“Hommage à Toi, Conscience Suprême, unique Dieu qui porte au cou des guirlandes de crânes!”… “Ceux qui ont vaincu le monde et auxquels Toi, qui te trouves partout, Tu leur as offert Ton amour infini, ô, Toi, qui es omniprésent, ils doivent être vénérés dans l’Univers entier. Même la mer orageuse et terrible de l’incarnation n’est plus pour eux qu’un lac où ils jouent.” – Utpaladeva.

L’ascète suprême, nommé Kapardin ou Kapalin, avec les cheveux resserrés dans un chignon, ayant un serpent comme cordon sacré et portant le feu cosmique (agni) dans son poing, anime et fait vibrer, par Ses sauts rythmés, la guirlande de crânes qu’il porte autour du cou et qui symbolise la fête de la danse cosmique éternelle. Sous cet aspect, Shiva symbolise la Conscience Divine universelle (Bhairava) qui donne de la vie, du pouvoir et du mouvement aux individus limités, dépourvus de vie et de conscience personnelle. Elle (la Conscience Divine universelle) est celle qui danse dans le “cimetière” immense de l’Univers soumis au temps et à l’avenir, buvant dans un crâne la liqueur enivrante, sublime, qui a la saveur essentielle du cosmos tout entier. Elle est le feu cosmique du sacrifice (Homa-Bhairava), où brûle l’univers non différencié, donné comme offrande, feu de l’ascèse spirituelle “dont la splendeur purificatrice est couverte (occultée) par la grande cendre de l’univers qu’Il, Shiva, consomme sans arrêt.”

Shiva, l’ascète primordial, celui qui est couvert de cendre, errant seul (à cause de l’unicité absolue du Suprême Divin) dans le désert des endroits de crémation et dans la solitude du désert de la manifestation éphémère, est l’image archétypale du yogi. Porteur du feu mystérieux, de la destruction de l’ignorance, Il piétine, durant sa danse terrible (tandava) les liaisons et les impuretés de Son adorateur plein de ferveur, transformant le cœur pénétré par la flamme de Sa grâce dans un vide extatique dépourvu, à cause de la transcendance, de la connaissance discursive limitée, des plaisirs incontrôlés des sens et de la volonté égoïste.

Pourtant, ces grands sages, adeptes de la voie de la renonciation, qui sont des adeptes du shivaïsme de Cachemire, s’opposent aux soi disants ascètes et aux soi disats saints (muni) qui cherchent à limiter Shiva de façon superficielle, mais qui n’arrivent pas à le découvrir, malgré les tortures auxquelles ils soumettent leur corps. Utpaladeva écrit plein d’ironie à ce sujet: “Seulement pour s’amuser, Shiva a trompé l’ignorant, en apparaissant déguisé comme un ascète.”

Vraiment libre est celui qui à travers Shiva…

La véritable renonciation, source de la mystérieuse “nuit” spirituelle, doit être purement intérieure, signifiant en réalité la mort (la transcendance) totale de l’ego, la renonciation à tout ce qui est limité et séparateur, à la douleur et à la joie égoïste, à la connaissance limitée par la logique discursive, à l’effort personnel qui n’est pas toujours en harmonie avec le Suprême Divin, aux pouvoirs paranormaux, à l’attachement envers l’état d’illumination et même au bonheur et à l’amour d’ordre spirituel, s’ils sont accompagnés de la moindre limitation. Ce détachement total de tout ce qui n’est pas le Suprême Absolu (Dieu) ne peut être obtenu que par une permanente et exclusive focalisation de l’attention sur Shiva, unique et éternel, parce que seulement de l’attachement exclusif envers Lui découle l’oubli complet de soi (la transcendance de l’individualité).

Cette ascèse de l’amour consiste donc en ne pas nous isoler de l’Univers, mais d’être en permanence en Dieu. Les vrais sages renoncent spontanément à tout, parce qu’ils ont soif seulement de Lui (Dieu) et seulement de Lui (Dieu). Le don généreux de soi va jusqu’au sacrifice : les grands yogis se sacrifient en s’offrant en totalité au feu de la Conscience Divine non différenciée, la flamme purificatrice de celle-ci les transformant alors en une représentation parfaite et tout à fait analogique à Shiva, représentation qui, en se consumant dans cet amour de Dieu, d’une intensité comblante, apporte le témoignage de la toute puissance divine. Dorénavant, seulement Shiva régnera et agira à travers eux. Devenus les serveurs de Shiva, ils s’offrent en totalité à Lui. En transcendant la volonté limitée et égoïste, perdus dans la volonté infinie, ils brûlent devant Dieu, reconnaissant le néant de l’ego limitatif et illusoire.

Puissant est seulement celui qui porte sur le front l’emblème de la prosternation, la poudre qui se trouvait sur les pieds du Divin; le seul vraiment libre est, apparemment un paradoxe, seulement le serveur de Shiva (Dieu). Dans ce sens, le sage Utpaladeva dit: “Parmi les dieux, les sages et les gens, dans ce triple univers illusoire et dépourvu de liberté, sont seulement vraiment libres ceux qui vivent en éternité à travers Toi, ô, Être Suprême et totalement libre.” Ils vivent en permanence en Lui (Dieu), ne vivant plus du tout les limites imposées par l’ego. L’écho de cette idée peut être aussi trouvé chez le sage soufi Mandsour Al-Hallaj, qui dit: “et tout ce que, dans mon cœur, j’ai désiré qu’il se produise, m’est arrivé, car me voilà souverain de tous les êtres, une fois que Toi, Dieu, Tu es devenu mon Souverain.”

En conformité avec la loi du détachement et de la renonciation, qui est fondamentale dans toute ascèse spirituelle, , seulement celui qui, en réalisant vraiment Shiva, s’offre totalement et de façon inconditionnée à Celui-ci peut devenir souverain de lui-même et de l’Univers tout entier. Toujours le sage Utpaladeva dit: “Hommage à Toi, Seigneur, Souverain de l’Univers, qui offre Ton Soi!” Ce don représente au niveau cosmique l’action par laquelle Shiva crée le monde à partir de Son Soi universel (Paramatman), mais au niveau humain il s’agit de l’incontournable don de la grâce lorsque Shiva entre dans notre cœur et s’unit avec lui, le transfigurant et le rendant cosmique dans une embrassade gigantesque et pleine d’amour.
 

yogaesoteric

2008


 
 
 
 
 

Also available in: Română

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