Persécution du Falun Gong (1)

La persécution du Falun Gong se réfère à la campagne lancée depuis juillet 1999 par le Parti communiste chinois contre les pratiquants de Falun Gong, visant à éliminer cette pratique dans la République populaire de Chine. Selon Amnesty International, elle comprend une campagne de propagande à très grande échelle un programme de conversion idéologique et rééducation forcées, ainsi que toute une variété de mesures coercitives extrajudiciaires telles que des arrestations arbitraires, le travail forcé, la torture, entraînant parfois la mort des victimes, le prélèvement forcé d’organes.

 

Le Falun Gong est une discipline de Qi Gong combinant des exercices lents et une méditation avec une philosophie morale centrée sur les principes de la vérité (ou authenticité), la compassion et la tolérance. Il a été présenté au public par Li Hongzhi en mai 1992 à Changchun, province du Jilin. De 1992 à 1999, alors que l’État soutenait le Falun Gong, ce dernier enregistrait une progression fulgurante en Chine. Le 20 juillet 1999, le Parti communiste a lancé une campagne pour « éradiquer » le Falun Gong. À cet effet, Jiang Zemin, secrétaire général du Parti Communiste de l’époque, créa une organisation chargée d’organiser et de coordonner la persécution au niveau national, le Bureau 610. Celui-ci échappe à toute règlementation et fonctionne en dehors du contrôle gouvernemental.

Les observateurs étrangers estiment que, depuis 1999, des centaines de milliers, voire des millions de pratiquants de Falun Gong ont été détenus dans les camps de « rééducation par le travail », les prisons et autres centres de détention pour avoir refusé de renoncer à leur pratique spirituelle. D’anciens prisonniers, dont beaucoup n’étaient pas des pratiquants de Falun Gong, ont rapporté que les pratiquants de Falun Gong recevaient systématiquement « les peines les plus longues et les plus mauvais traitements » dans les camps de travaux forcés; selon divers rapports, un grand nombre d’entre eux ont été torturés à mort.

Depuis 2006 il y a aussi eu à plusieurs reprises des témoignages et rapports selon lesquelles les organes vitaux de pratiquants de Falun Gong non-consentants auraient été utilisés pour alimenter l’industrie du tourisme de transplantation d’organes en Chine. Le Comité des Nations unies sur la torture a appelé la Chine à effectuer une enquête indépendante concernant ces allégations. En décembre 2013, le Parlement européen a voté une résolution condamnant les prélèvements forcés et systématiques d’organes effectués par l’État chinois, une pratique qui touche les prisonniers de conscience, et en grande partie les pratiquants de Falun Gong.

Origine de la persécution

En RPC, bien que la liberté d’association soit garantie par la constitution, toutes les associations doivent en pratique être déclarées et parrainées par une association gouvernementale. Le Falun Gong s’est d’abord développé conjointement avec la Société de Recherche sur le Qigong Chinois, organisme gouvernemental regroupant les différents Qi Gong. Par la suite, en raison de plusieurs facteurs, le Falun Gong sortit de l’égide gouvernementale.

Enregistrement officiel

Li Hongzhi présente le Falun Gong au public en mai 1992. Cette époque marquait la fin du « boom du qi gong », une période qui a vu la prolifération de milliers de différentes sortes d’exercices lents et méditatifs destinés à améliorer la santé et apporter le bien-être. Durant les premières années de sa diffusion, le Falun Gong, qui se différencie des autres écoles de qigong en faisant renaître des éléments spirituels contenus dans les enseignements bouddhistes et taoïstes, reçoit plusieurs distinctions et récompenses émanant d’organisations gouvernementales. De 1992 à 1994, Li Hongzhi voyage dans la plupart des grandes villes chinoises pour délivrer son enseignement à la suite d’invitations d’organisations de Qigong.

 

Du 11 au 20 décembre 1993, au Salon d’Orient de la Santé tenu à Pékin, Li Hongzhi reçoit le titre de « maître de qigong le plus acclamé ». Le Falun Gong reçoit également le « Prix d’or spécial » et le prix pour « Faire avancer les frontières de la science ».

Les conférences de Li Hongzhi sont organisées par la Société chinoise de recherche sur le Qigong, organe gouvernemental qui profite le plus des frais d’inscription à ces conférences. Li Hongzhi commença par la suite à donner des conférences gratuitement. En 1993, le Falun Gong est admis dans la Société de recherche scientifique sur le Qigong de Chine gérée par l’État (SRQC). Il devient tout de suite une « star » au sein du mouvement de qigong et bénéficie d’un soutien officiel considérable. Toutefois, vers 1996, les relations entre le Falun Gong et la SRQC se durcissent. Selon David Palmer, Li Hongzhi rejette la politique du SRQC qui veut formaliser la structure du mouvement, puis refuse par la suite l’obligation émise par le Ministère des Sports de créer une section du Parti Communiste dans le Falun Gong.

Après avoir refusé d’augmenter les tarifs de ses conférences, à la suite de plaintes d’autres maîtres de Qigong, Li Hongzhi quitte la Société chinoise de recherche sur le Qigong. D’après lui, celle-ci n’essaye simplement que de se faire de l’argent sur le dos des maîtres de Qigong sans faire la moindre recherche. Des sources provenant du Falun Gong affirment, qu’à l’époque, des individus de la Société chinoise de recherche sur le Qigong ont alors commencé à colporter des rumeurs au sujet de Li Hongzhi auprès du gouvernement, le pressant de faire ce qu’il fallait pour limiter son succès grandissant.

Oppositions et critiques initiales

 

Pratique matinale des exercices dans la ville de Shuancheng, province du
Heilongjiang, en
1999, avant le début de la persécution.

David Ownby (agrégé d’histoire à l’ université de Montréal) soutient que l’opposition au Falun Gong au sein du parti n’a commencé qu’en 1994 et a augmenté les années suivantes. Il note qu’il n’y a pas de preuve concluante concernant les motifs initiaux d’opposition au sein du parti. Quoi qu’il en soit, Ian Johnson, (journaliste au Wall Street Journal, correspondant du journal en Chine pendant plusieurs années) note que la croissance phénoménale du Falun Gong fait partie d’une tendance plus large en Chine venant du refus du gouvernement de tenir compte des changements de la société et son refus de revoir certaines politiques rigides en matière de religion qui ont créé l’opposition entre le Falun Gong et le gouvernement.

Le 17 juin 1996, Le Guangming Daily, un des journaux officiels du gouvernement, souvent perçu comme le point de vue de l’intelligentsia chinoise, publie un éditorial titré « Une alarme longue et forte doit être tirée contre la pseudo-science » affirmant que le Falun Gong faisait la promotion de superstitions. Les pratiquants de Falun Gong affirment que ce fut le début d’une « campagne médiatique massive et concertée ».

Six mois plus tard, les agences de police lancent une enquête nationale concernant le Falun Gong sous les ordres de fonctionnaires du Parti communiste – dont Luo Gan – avec pour objectif de trouver des fautes au Falun Gong. Une autre enquête officielle démarre sous le même prétexte en 1998, et la surveillance policière des pratiquants de Falun Gong augmente. Malgré l’évaluation précédente du Falun Gong indiquant que la pratique n’a « que des aspects bénéfiques et ne fait aucun mal ni au Politburo, ni à la société », une circulaire est distribuée dans tous les bureaux de police du pays, désignant le Falun Gong comme une « secte ». Tout écrit émanant du Falun Gong ne peut alors plus être publié par les voies officielles et peut être confisqué.

Le Falun Gong apporte des éléments selon lesquels, plus tard, des agents impliqués dans ces enquêtes auraient commencé eux-mêmes à pratiquer le Falun Gong.

Intensification des critiques

Le 11 mai 1998, He Zuoxiu, un physicien de l’ Académie chinoise des sciences, remonté contre toute forme d’idée « non scientifique » ou touchant au surnaturel, dénonce le Falun Gong lors d’une interview pour la télévision pékinoise. L’émission montrait un site de pratique et désignait le Falun Gong comme une « superstition féodale ». La station de télévision reçoit des lettres de protestations de pratiquants, et 2000 d’entre eux ont manifesté silencieusement en s’asseyant devant ses bureaux.

En 1999, selon les estimations de la République populaire de Chine, il y a entre 70 et 100 millions de pratiquants du Falun Gong en Chine.

Le 11 avril 1999, He Zuoxiu publie un éditorial dans Science et technologie pour la jeunesse, revue éditée par l’Université de Tianjin. Celui-ci se titre « Je ne suis pas d’accord pour que les jeunes pratiquent le Qigong » affirmant qu’un étudiant de l’institut avait connu deux « rechutes d’aliénation mentale » après avoir pratiqué le Falun Gong. Les pratiquants qualifient l’article d’être « inexact, insultant et calomniant injustement la pratique ». Noah Porter suggère que les critiques de He sont peut-être une tentative intentionnelle de provoquer les pratiquants, qui qualifient ses exemples cités en tant que preuves d’« erronés » et de « très choquant ».

Quoi qu’il en soit, la publication refuse d’appliquer un droit de réponse concernant l’article d’He. Des pratiquants se rendent à l’université de Tianjin et dans ses agences gouvernementales affiliées pour faire appel du 18 au 24 avril. La police anti-émeute se rend sur les lieux, des pratiquants sont battus et 45 sont arrêtés, d’après au moins un rapport. Selon Danny Schechter, les pratiquants sont « choqués » par ce « traitement injuste » et se plaignent auprès des autorités locales. Celles-ci les préviennent que les pratiquants emprisonnés ne seront relâchés qu’avec l’accord du gouvernement central.

D’autres académiciens et membres de la communauté scientifique, y compris le directeur de l’académie des sciences, dénoncent alors le Falun Gong. He Zuoxiu, le beau-frère de Luo Gan, un des exécutants en chef de la persécution, est désigné comme étant « devenu un héros national » pour s’être opposé au Falun Gong. D’après le New York Times, He Zuoxiu a joué un rôle important dans le bannissement du Falun Gong. Il déclare au Times que les pratiquants « devraient être chassés et enfermés jusqu’à ce qu’ils aient renoncé à leur croyance » et publie un livre intitulé Comment le Falun Gong m’a harcelé et a harcelé ma famille, dans lequel il décrit le Falun Gong comme étant un « culte hérétique » – un mot qui apparait dans les pamphlets du gouvernement. Il fonde également fondé « l’association chinoise anti-culte » qui a participé à la campagne de diffamation contre le Falun Gong, en le désignant comme un culte mauvais.

Manifestation à Zhongnanhai et ses conséquences

 

Les pratiquants de Falun Gong manifestent devant le quartier gouvernemental de
Zhongnanhai
en avril 1999 pour demander la reconnaissance officielle.

Comme les pratiquants de Falun Gong n’avaient pas accès aux médias de masse, ils n’ont eu d’autres recours que de faire des manifestations pacifiques pour informer le public et faire appel auprès des responsables.

Plusieurs jours après les protestations à Tianjin, le matin du 25 avril 1999, environ 10.000 pratiquants de Falun Gong se rendent à l’enceinte du Zhongnanhai où vivent et travaillent les plus importants membres du gouvernement. Ils restent là-bas en silence pendant 12 heures, lisant et méditant, demandant la reconnaissance officielle de leur foi, la libération des pratiquants emprisonnés et le droit de pratiquer librement. Le premier ministre Zhu Rongji reçoit des représentants des pratiquants; il leur assure que le gouvernement n’est pas contre la pratique et que les pratiquants arrêtés seront relâchés. La foule se disperse, croyant au succès de leur manifestation.

Un article du World Journal soutient que les manifestations au Zhongnanhai pourraient avoir été organisées par le gouvernement afin de « reprendre le dessus contre le Falun Gong, mouvement observé et surveillé par des espions infiltrés depuis des années ». Luo Guan aurait souhaité que la pratique soit interdite depuis 1996, mais manquait de bases légales pour cela. Crédité comme étant le chef communiste ayant organisé la manifestation à Zhongnanhai, Luo est cité pour avoir ordonné directement à la police de créer un incident qui pourrait ensuite être cité contre le Falun Gong. Les pratiquants souhaitaient, selon Danny Schechter, faire appel pacifiquement au bureau d’appel des citoyens, se trouvant dans la rue Fuyou, à côté du Zhongnanhai. Un homme de 74 ans, le général en retraite Yu Changxin, a été arrêté pour avoir organisé le rassemblement et condamné à passer 17 ans en prison en janvier 2000.

D’après plusieurs observateurs du monde chinois, certaines personnes haut placées ont voulu s’en prendre à la pratique pendant quelques années, mais manquaient d’un prétexte suffisant et du support de la population, jusqu’à ce qu’en 1999, aient lieu un certain nombre de manifestations. Par la suite, le gouvernement chinois déclarerait officiellement que cette manifestation du 25 avril constituait selon lui « l’incident politique le plus sérieux » depuis les manifestations de la place Tian’anmen. Selon certaines analyses, le gouvernement s’est inquiété qu’un si grand nombre de personnes puisse se rassembler si près du siège du pouvoir.


Lancement d’une répression à l’échelle nationale

Dans la nuit du 25 avril 1999, le chef du Parti de l’époque, Jiang Zemin, publie une lettre indiquant son intention de supprimer le Falun Gong. La lettre exprime son inquiétude par rapport à la popularité du Falun Gong, et de sa popularité parmi les membres du Parti communiste. Début mai, des rapports indiquèrent que Jiang Zemin créé un groupe de travail spécial dirigé par Luo Gan pour s’occuper du Falun Gong. Les autorités commencent alors à encercler les organisateurs de Falun Gong connus. Un peu plus tard, le 10 juin 1999, le Parti créé le « Bureau 610 », un organisme extra-constitutionnel chargé de la répression du Falun Gong. Ses agents sont placés dans toutes les provinces, villes, cantons, universités, ministères et entreprises d’État en Chine.

Le 20 juillet 1999, juste après minuit, les agents de la sécurité publique procèdent à de nombreuses arrestations à travers toute la Chine, en s’introduisant dans les maisons des pratiquants et « assistants » et en les emmenant de force dans des centres de détentions. Quatre pratiquants de Pékin sont arrêtés en tant que « dirigeants » – par la suite, ils subirent un procès fantoche et furent condamnés à des peines allant de 8 à 18 ans de prison. Sous les ordres du bureau de la sécurité publique, les églises, les temples, les journaux, les cours de justice et la police sont mobilisés rapidement afin de suivre la ligne de Parti pour écraser le Falun Gong. D’après Jiang Zemin, auteur de la persécution, « aucune mesure n’est trop extrême ». Le Falun Gong est ainsi condamné dans les médias, ses livres et vidéo cassettes détruits par le feu et écrasés par des bulldozers le tout filmé par les médias. Le 30 juillet, dix jours après le début de la répression, Xinhua rapporte que plus d’un million de livres de Falun Gong et d’autres documents sont confisqués et que des centaines de milliers ont été brûlés et détruits.

 

Un pratiquant de Falun Gong arrêté par la police à Pékin

Les autorités de la RPC se livrent à une répression globale du Falun Gong, marquée par des vagues d’arrestations et l’emprisonnement des membres ainsi que leur soumission à un programme de « rééducation par le travail ». Des millions d’ouvrages de son fondateur, Li Hongzhi, sont brûlés ainsi que d’autres documents didactiques, les centres et écoles sont fermés et les adeptes forcés de renier et de se détacher du Falun Gong, certains d’entre eux sont soumis à des méthodes de lavages de cerveau et de « réforme de la pensée » dans des écoles et des stades. À partir de la fin de l’année 1999, les pratiquants meurent en détention et à la fin du mois de février 2000, 5.000 étaient détenus dans toute la Chine. Le gouvernement chinois émet également un mandat d’arrêt contre Li Hongzhi, qui vit à New York, et saisit Interpol; sans résultat.

Chaque aspect de la société est mobilisé contre le Falun Gong, y compris l’appareil médiatique de l’État, les forces de police, l’armée, le système éducatif, les entreprises et le cercle familial. Une entité extraconstitutionnelle, le Bureau 610, s’occupe de « diffuser une campagne de terreur » à l’échelle nationale. Les grands médias étatiques (télévision, radio et presse écrite) se livrent tous à une discrimination de la pratique. Les entreprises et les particuliers sont pressés de coopérer à cette campagne activement.

Selon plusieurs rapports, dans le but de les faire renoncer au Falun Gong, ses pratiquants sont sujets à des tortures, à des emprisonnements illégaux, à la soumission, à des viols, à des travaux forcés et à des abus psychiatriques. Les pratiquants de Falun Gong composent 66% des cas de tortures rapportés en Chine ainsi qu’au moins la moitié de la population soumise aux travaux forcés là bas. En juillet 2006, les parlementaires David Kilgour et David Matas ont présenté un rapport concernant le trafic systématique des organes des pratiquants de Falun Gong prélevés à vif.

Motifs et raisons de la persécution

Les observateurs étrangers ont tenté d’avancer une variété de facteurs aboutissant à l’interdiction du Falun Gong : en premier lieu, l’obsession personnelle de Jiang Zemin du secrétaire général du Parti Communiste Chinois, les luttes de pouvoir politique internes au sein du Parti communiste, l’existence de précédents dans l’histoire chinoise de mouvements quasi religieux évoluant en insurrections violentes et l’indépendance du Falun Gong par rapport à l’État et son refus de suivre la ligne du Parti. Pour conclure, on peut supposer que le contenu moral et spirituel présent dans le Falun Gong mettait le peuple chinois en contradiction directe avec les aspects athées de l’idéologie marxiste officielle.

Lisez la deuxième partie de cet article 


yogaesoteric

27 octobre 2017

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