L’histoire d’une révélation


„Dieu était en moi, Il m’attendait.”

Henriette Yvonne Stahl, écrivaine d’origine roumaine, est une personnalité peu connue. Sa vie a été caractérisée par une recherche continue du „sens” de la vie, par un désir intense de connaître un bonheur „parfait et permanent”. „Le besoin inné de bonheur parfait, la nostalgie sans raison, poétique, que tout sujet connaît pendant certains moments, doivent être la preuve incontestable de l’existence de ce bonheur parfait. Répétant à nouveau et à nouveau le déclenchement de la joie par diverses formes, j’ai compris que j’étais un siège où la joie habitait. Et que cette joie existe comme une virtualité éternelle en chacun de nous.” Dans son ouvrage „Le Témoin de l’Eternité”, elle décrit la rencontre avec le maître spirituel, celui qui l’a guidé sur la voie du non-dualisme, vers l’expérience de la réalisation du Soi.

„Ce trouble que je vivais devenait palpable, tangible. Je touchais les objets autour de moi comme si je voulais me convaincre de leur réalité, je regardais les gens avec la certitude que bientôt ils allaient être tous morts. Je savais que moi-même, inévitablement, j’allais mourir. Mourir sans avoir compris pourquoi je suis venue au monde, pourquoi j’ai vécu, pourquoi j’ai souffert et cherché ? Ou devenir un Surhomme pour voir autour de moi que de la souffrance ? Bien sûr, il n’existe pas que de la souffrance dans ce monde, mais la joie n’efface pas les larmes, les gémissements ni la laideur.

Décidément, j’étais obsédée, je ne pensais qu’à cela, jour et nuit. Oh, ces nuits où mon esprit ne dormait jamais en totalité, et ces jours lorsqu’engourdie par le manque de compréhension, je vivais en attente du miracle qui aurait pu tout expliquer ! J’aurais voulu prier Dieu qu’Il ait pitié de moi ! J’ai pris ce Dieu dont je ne croyais pas à l’existence. Je L’ai prié d’avoir pitié de moi. Je me souviens l’heure, l’heure exacte de cette soumission. Mais, même en L’implorant, je n’étais pas complètement soumise à la prière, étant toujours décidée à Lui lancer la provocation de L’attendre toujours, jusqu’à la fin de ma vie. Mon âme languissait de pouvoir s’élancer vers l’amour. J’ai parlé à Dieu comme à un amant virtuel et, dans un fou désespoir, je Lui ai promis que je n’allais aimer personne d’autre avec la même intensité que Lui.

A genoux, j’ai fait acte d’obéissance. J’ai sentis mon visage inondé de larmes, j’ai sentis tout mon corps, tout mon être tendus, et j’ai entendu ma voix consacrant le „pacte” entre Dieu et moi. Je Lui ai demandé, je L’ai imploré de se montrer à moi, en Lui promettant qu’après je serais pour toujours à Son service. Sans savoir pourquoi je prenais cette décision, j’ai promis aussi qu’« après », je n’abandonnerais plus les gens, ces êtres qu’Il a créé si loin de Sa perfection et qui, pourtant, se déclarent à Son image. Epuisée, incapable de rester encore à genoux, je me suis allongée au sol. Je suis restée là longtemps, resserrée contre moi, le visage baigné dans des larmes. Puis avec un dernier reste de force, je me suis soulevée et me suis allongée sur mon lit. Un moment de relaxation, les yeux fermés. Involontairement, je me suis souvenue de l’exercice de la rose que j’avais lu dans un livre de Rudolf Steiner. J’ai imaginé une rose. Elle était rouge, en velours et très très fraîche, la rosée brillait sur ses pétales. Je regardais la rose les yeux fermés. Elle était belle, pure, si proche de mon visage. J’ai senti son parfum. Ce parfum glissait dans mon cœur. Ensuite il n’y eut plus de rose. L’essence de la rose avait tout accaparé. C’était comme si l’essence du parfum de rose m’avait remplacé à l’intérieur de mon cœur. Ensuite un vide. Un vide immense s’est ouvert en moi, me gardant éveillée. Puis je suis tombée dans ce vide, m’identifiant à lui. Et dans le vide de mon être, Dieu a trouvé Sa place. Il était là. Il m’attendait.

Le moment où nous faisons de la place en nous à Dieu, ressemble à la mort. Celui qui meurt c’est toi-même, celui que tu as été jusqu’alors. J’ai senti moi-même cela et c’est exactement cela qui m’a libéré de mon moi. Alors c’est l’éternité qui a habité en moi. Une peur sacrée m’a aidé à assister à cette mort de mon propre être, m’offrant un bonheur sans limites, m’offrant ensuite la chance de comprendre ce qu’est de naître à nouveau. Il m’a été impossible de savoir combien a duré cet état unique : deux minutes ? Un quart d’heure ? Une heure ? En revenant à l’état de conscience quotidienne, la première chose dont je me suis rendue compte était que j’avais du mal à reprendre la respiration normale. Je soupçonnais que pour un certain temps je n’avais même pas respiré. Donc, on peut vivre sans respirer ! Donc la vie est indépendante du corps ! Ces pensées m’ont semblé, pour le moment, de moindre importance ; elles ont traversé mon esprit instantanément.

Ce qui avait de l’importance à ce moment était la qualité de la joie qui me dominait. Une joie calme, profonde. Elle ne ressemblait pas du tout à une ivresse, c’était un état éveillé, d’amour accompli. Un amour sacré. Chaque fibre de mon être bénéficiait de cette révélation. Mais d’une importance suprême, éblouissante, a été la découverte qu’au-delà de tout ce qu’on pourrait penser et sentir, il existe quelque chose d’inconnu, de caché en nous qui dépasse toute attente, toute imagination. La sacralité de cette découverte était comblante. Par aucun moyen cérébral, par aucune force volitive on n’aurait pu atteindre cette nouvelle dimension de la conscience. Dépassant de façon absolue le cadre logique du mental, il était évident que le langage humain ne pouvait pas être un instrument adéquat pour exprimer une chose existant dans une dimension ultramentale. Je me suis rendue compte avec humilité qu’on reproche à tort aux mystiques, aux yogis le fait qu’ils ne parlent pas de leurs expériences extatiques. Même si on le voulait, on ne le pourrait pas. Ne pas être capable d’exprimer ce bonheur, cet état de grâce, devient une torture pour celui qui, après avoir vécu l’extase en sa „réalité” directe, se trouve dans l’impossibilité de partager avec les proches qui veulent le comprendre. Il ne leur reste plus rien d’autre à faire que de s’exprimer par l’exemple de leur propre vie. Est-il possible d’expliquer la musique à un sourd alors que, pour la comprendre, il faut l’écouter?”

„Le Témoin de l’Eternité s’était éveillé en moi, je suis devenue consciente moi-même de cette Eternité. La fusion entre la conscience et l’éternité une fois réalisée, chaque moment est implicitement devenu éternel, par le fait qu’il se passe dans cette Eternité. Ne pas être que ceci : Être. L’éternité, contenant une infinité de modalités, englobe facilement l’Illusion. Le paradoxe n’avait plus de valeur, qu’il s’agisse d’une affirmation ou d’une négation. Toute chose surajoutée ne modifiait en rien la perfection originaire absolue de l’Eternité. C’était troublant, c’était pratique, naturel, viable, réel, exaltant. Je ne dépendais de rien. J’existais. J’existais éternellement. Cette ouverture qui peut opérer dans l’homme par une dilatation naturelle de son être continue dans une autre dimension. L’homme s’en laisse emporter avec lucidité, maître de lui-même et apte pour assumer la responsabilité de la vie. Une extase, une béatitude inconsciente est une expérience humaine de plus, et, quoique extravagante, elle reste plus ou moins égale à toute autre expérience humaine. Pourtant, une liaison directe avec l’Absolu – étant établi dans l’Absolu – est une expérience qui peut te projeter au-delà de tout ce qui est familier, au-delà du mental, pour mieux dire, qui te permet de dépasser toute expérience en les englobant toutes.”


yogaesoteric
septembre 2015


 

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