Révélations d’un journaliste polonais d’investigations sur les immigrants – détails terrifiants

 
Interview réalisée par Jakub Jałowiczor
Traduction par Anca Cernea
 

Witold Gadowski est un célèbre journaliste polonais d’investigation et reporter de guerre. Il a visité la Syrie et la Turquie l’été de 2015 pour se documenter sur l’Etat Islamique et la vague d’immigrants qui se déverse sur l’Europe. Dans une interview accordée à la publication polonaise fronda.pl, il a déclaré que toutes les frontières de l’Etat Islamique sont contrôlées par les troupes de frontière dirigées par l’émir Al-Turki, et la punition pour ceux qui veulent s’enfuir est la crucifixion. Ce qui suppose qu’on peut partir de ce territoire seulement avec l’accord de l’Etat Islamique. « Chacun peut en tirer les conclusions », dit Witold Gadowski.

Spécialiste dans des problèmes de sécurité et de réforme de la police, expert dans l’activité des services secrets, Witold Gadowski est l’auteur de quelques ouvrages sur les activités secrètes russes FSB, GRU et SVR sur le territoire polonais. Il a réalisé plusieurs films documentaires sur le terrorisme, le crime organisé, la corruption et les anciennes structures communistes. Il enseigne le reportage journalistique à l’Université pontificale Jean Paul II, la Faculté de Journalisme et de Communication Sociale. (Plus sur l’activité de Gadowski, à la fin de l’interview.)

– Jakub Jałowiczor, fronda.pl : Vous présentez dans le film «Insha Allah. Le sang des martyres » la situation dramatique des yaziz et des chrétiens en Irak et en Syrie – viols, meurtres, enlèvements commis par l’Etat Islamique (EI). L’afflux d’immigrants pourrait faire que de telles choses commencent à se passer aussi en Europe? Ou le danger est-t-il cependant loin ?

– Witold Gadowski : Je dois commencer par le début. Premièrement, je vois une grande injustice dans ce qu’il se passe en Europe, parce que les vraies victimes de la guerre se trouvent à présent [ndlr – 2015] dans les camps du Kurdistan irakien, au sud de la Turquie et du Liban. Ils sont là depuis plus d’un an. Ils sont chiites, yazidis et chrétiens. Je les énumère délibérément dans cet ordre, car c’est dans cet ordre qu’ils sont persécutés. Les chiites sont tout simplement tués sur place. Les femmes yazidies sont violées, les enfants yazidis sont vendus aux marchés d’esclaves, et les hommes sont tués. Les chrétiens passent soit à l’Islam et sont ensuite à la merci ou non des membres de l’Etat Islamique, soit ils sont tués ou chargés d’une taxe nommée Jizya, dont le quanta est déterminé de façon arbitraire. Ce sont les groupements les plus persécutés sur le territoire de la Syrie et de l’Irak. On parle des provinces irakiennes Diyala, Anbar, une partie de Ninive ainsi que Salah ad Din. En Syrie, il s’agit pratiquement de deux tiers du territoire.

Ces victimes de la guerre se trouvent depuis plus d’une année dans les camps car elles ont dû fuir leurs villes. Un exemple dans ce sens est la dépopulation de la ville Karakos de la Valée de Ninive, d’où soixante milles chrétiens ont été obligés de s’enfuir en un seul jour à cause de l’Etat Islamique. Tous sont arrivés dans le Kurdistan irakien. Vous pouvez imaginer la fuite subite d’une ville de soixante mille habitants. J’ai parlé avec l’épître Nicodème, qui fut le patriarche de Mosul et qui a du s’enfuir lui aussi. Il a raconté que là-bas la religion est traitée comme dans les jours de la révolution bolchevique. Les hordes envahissent les églises, les pillent, les profanent, les dévastent. Pendant qu’il parlait, l’épître a pleuré.

Ce sont les vraies victimes de la guerre.

Ceux qui envahissent maintenant l’Europe sont surtout des hommes jeunes, venus d’on ne sait pas d’où. Ces gens violent toute règle, ils entrent en Europe par des voies d’infraction et sont immédiatement présentés comme des réfugiés. On nous dit que l’Europe leur doit de l’assistance humanitaire. Pourquoi l’Europe n’aide pas ceux qui sont les victimes depuis une année dans les camps de réfugiés et qui font des démarches, sans succès, en essayant d’obtenir un visa pour les pays européens. L’Europe ne leur accorde pas de visa. Ici il se passe une profonde injustice.

Ces infracteurs qui envahissent l’Europe prennent la place des victimes réelles de la guerre. Parmi eux il y a très peu de chrétiens, très peu de yazidis et très peu de kurdes, qui souffrent vraiment à cause de l’Etat Islamique. La plupart d’entre eux sont des escrocs qui ont pu se permettre de payer dix mille dollars pour être transportés sur le vieux continent par la mafia qui. Quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux sont arrivés ici par voie infractionnelle par la mafia turque, albanaise et russe.



fronda.pl : L’Europe prétend financer les camps de réfugiés du Moyen Orient. Ceci n’est pas une aide réelle ?

W. G. : C’est trop peu. A présent, l’aide vient de France, d’Allemagne, une petite aide de la Grande Bretagne, quelque chose de la Pologne. C’est tout. L’aide est illusoire. Imaginez comment c’est de passer toute l’année dans une tente, lorsque la température dehors est de cinquante degrés et qu’en hiver, elle baisse à zéro degré et parfois il y a de la neige. Des familles entières souffrent, tout simplement. Et ces gens, personne ne les aide. En échange, tout le monde s’est précipité pour aider les infracteurs qui ont envahi l’Europe et essaient de s’établir ici par la méthode du fait accompli. Ils n’ont pas de papiers, on ne sait pas qu’ils sont, on ignore leurs intentions. La majorité sont des musulmans qui ne vont pas s’intégrer dans la société, dans les endroits où ils vont s’installer. Il s’agit tout simplement d’un danger, car il y aura un problème islamique dans chacun des pays où ces réfugiés arrivent. Et ce qu’est un problème islamique, on peut le voir dans l’Europe de l’Ouest. On le voit surtout à Paris, Bruxelles et, récemment, dans les villes allemandes.

fronda.pl : Là, Marseille est un exemple classique.

W. G. : Marseille est tout simplement une ville arabe.

fronda.pl : L’Etat Islamique a prédit déjà depuis quelques mois l’invasion de l’Europe avec des immigrants et que parmi ceux-ci seront dissimulés des terroristes. Assistons-nous à la réalisation de ce scénario ?

W. G. : Je connais très peu de choses sur l’Etat Islamique, comme tout le monde, mais j’essaie de me procurer toutes les informations disponibles. J’ai quelques sources d’informations. De mes informations, il résulte que toutes les frontières de l’Etat Islamique sont minutieusement contrôlées par les dites troupes de frontière dirigées par l’émir Al-Turki. Pourquoi? Parce que la plupart des revenus EI proviennent de la contrebande et du trafic transfrontalier. Par conséquent, EI doit contrôler les frontières pour obtenir l’argent nécessaire pour exister et se développer. C’est un organisme normal d’Etat. Le budget de l’Etat Islamique monte à présent à plus de huit cents millions de dollars par an. L’Etat Islamique vend en illégalité plus de soixante mille barils de pétrole par jour.

fronda.pl : Une grande partie en arrive en Europe.

W. G. : Toute la quantité est achetée illégalement par des compagnies iraniennes et turques. Plus tard, elle arrive en Europe et dans d’autres pays. Par exemple, en Israël, comme pétrole turc. Ou dans d’autres pays – sauf en Israël – comme pétrole iranien. Les dealers achètent ce combustible à moitié prix, environ 25 dollars le baril, d’EI. C’est une des raisons pour laquelle EI garde ses frontières. Même pas une sourie ne peut passer par là. La punition pour fuir est, attention : la crucifixion. Ceci est vraiment un facteur de découragement. Personne n’a confiance en personne. Tout au long de l’Etat Islamique agissent les services secrets AMNI qui fonctionnent parfaitement et qui utilisent la provocation et toutes les méthodes classiques. Si de Syrie partent soudainement quelques milliers de gens, cela peut se passer seulement avec l’accord de l’Etat Islamique. Chacun peut tirer seul des conclusions.

fronda.pl : Comment ont été organisées ces choses ? L’Etat Islamique a été rejoint par plusieurs officiers et ouvriers des différents services de l’Irak de Saddam Hussein. Ils forment l’appareil de répression et l’appareil d’Etat du califat ?

W. G. : L’Etat Islamique est une créature très intéressante. Il reste en conflit avec Al-Qaeda, avec l’aile armée de celle-ci en Syrie, c’est-à-dire le Front Jabbat al-Nusra. Cet état n’aurait pas existé faute d’une coïncidence de plusieurs facteurs et on peut se demander si cela fût hasardeux.

En premier, des prisons iraniennes et surtout syriennes ont été libérées des milliers d’individus qui expiaient des punitions pour terrorisme et pillage. D’un coup, au cours de quelques mois, ces individus ont été libérés. Bien sûr, immédiatement ils ont grandi les rangs de l’Etat Islamique. C’est une observation.

En deuxième, après qu’en 2003, les Américains aient vaincu Saddam Hussein, l’administrateur américain de l’Irak, Paul Bremmer et le premier ministre Al-Maliki ont retiré de l’armée tous les officiers supérieurs. Ces officiers supérieurs sont arrivés dans l’armée de l’Etat Islamique. Ils se sont transformés de socialistes, souteneurs du parti BAAS, en des islamistes. Ils se sont laissés pousser la barbe et composent maintenant l’Etat majeur militaire d’EI.

L’Etat Islamique est dirigé par des gens de l’Irak, non pas de Syrie. En outre, le gouvernement chiite d’Al-Maliki a commencé la persécution contre les sunnites. Cela a conduit à ce que les tribus sunnites rejoignent, quelles le veuillent ou non, l’Etat Islamique et se soumettre au calife auto proclamé d’Al-Baghdadi. Et encore une chose, Al-Maliki a dissout la milice sunnite qui luttait contre les extrémistes. Ils étaient plus de 100.000 personnes. Parmi eux, quatre-vingt-cinq mille se sont retrouvés hors du système dans un seul jour. Que s’est-il passé avec eux ? La plupart ont rejoint EI. Instruits, armés et expérimentés. Ces gens forment à présent les cadres EI. Certes, de nouveaux arrivés s’y joignent, comme un large groupe de tchétchènes très appréciés là-bas.

fronda.pl : Il y a aussi des européens.

W. G. : Oui, mais là-bas arrivent premièrement des individus de l’Arabie Saoudite, du Qatar, du Yémen, des Emirats Arabes Unis. Il y a plein d’individus de ce genre. De Qatar et de l’Arabie Saoudite coule aussi l’argent des sponsors informels, cachés. Tout ceci explique pourquoi l’Etat Islamique grandit.

Il a sa propre structure : il est dirigé par Al-Baghdadi, qui a en sous-ordre deux premier ministres – l’un en Syrie et l’autre en Irak – qui se servent seulement de pseudonyme, pas de noms. EI n’utilise pas les communications téléphoniques ou satellites. A cette fin il a un excellent département de courrier qui a été si élargi que toute information est transmise en quelques heures, par des relais, de bouche à oreille, dans tout le pays.

fronda.pl : Une telle transmission ne peut pas être interceptée par des moyens électroniques.

W. G. : Absolument. L’Etat Islamique a tiré des conclusions de la défaite des talibans en Afghanistan et ne forme nulle part des formations militaires de grandes dimensions. Les troupes sont placées parmi les civils, ce qui rend impossibles les attaques aériennes et rend la guerre impossible à gagner par des bombardements aériens. Le conflit avec l’Etat Islamique peut être gagné seulement au sol et personne ne pense à le faire, à l’exception des kurdes et des chiites.

Mais ni les chiites du sud de l’Irak, parmi lesquels plus de 120.000 font partie des milices, et encore moins les kurdes ne sont armés par les Etats Unis et les pays alliés. Peshmerga (« ceux qui affrontent la mort ») kurdes, qui ont arrêté l’offensive de l’Etat Islamique au nord de l’Irak, utilisent des armes de l’époque soviétique ainsi que les armes capturées de EI. Par contre, l’Etat Islamique détient les équipements américains les plus modernes. Parce qu’EI a capturé au mois de juin de l’année 2014 à Mosul la dotation de trois divisions, y compris des unités blindées et d’artillerie. Ces divisions se sont tout simplement enfuient de la ville et ont abandonné tout le parc de voitures et de l’armement. EI est bien dirigé, bien armé et crée en permanence de nouvelles variantes stratégiques d’action. Il est très difficile de le vaincre par l’abord classique « on va bombarder et on verra ce que cela va donner ».

fronda.pl : De nombreux pays d’Occident abordent le problème ainsi. Maintenant la France aussi s’engagera de plus en plus dans des raids.

W. G. : Les raids sont entièrement inefficaces. En plus, ils sont exécutés principalement sur les raffineries, pour affecter le système financier d’EI. Mais, tout de suite après ces raids surgissent des spécialistes de Chine, d’Iran et de Russie qui, pour des sommes immenses, reconstruisent rapidement les installations abîmées. De plus, l’Etat Islamique a des installations portables en miniature pour raffiner le pétrole. Elles ont certes un rendement réduit, parce qu’une telle installation peut produire environ mille barils par jour, mais elles coûtent seulement quelques dizaines de milliers d’euros et peuvent remplacer les raffineries classiques. La capacité d’exploitation des terrains capturés est évaluée à cent vingt mille barils par jour. La production réelle est d’environ soixante mille barils. Cela signifie un revenu de plus de trois millions de dollars par jour, seulement du pétrole.

De surcroît, l’Etat Islamique pratique intensément le trafic d’objet d’art, des objets archéologiques. Ce n’est pas vrai que les monuments culturels antiques sont détruits. Ils sont vendus et font de grands revenus. Cela se fait en proportion de quatre-vingt-dix pour cent par la mafia russe.

Suite à la création de l’Etat Islamique et à la vague de réfugiés, ceux qui gagnent sont les mafias russes, turques et albanaises.

Du port Vlora d’Albanie part un exode énorme de barques gonflables à grande vitesse manœuvrées par la mafia albanaise. Quelle est la source de cette vague de réfugiés ? A mon avis, quelques boutons ont été appuyés. L’un à Ar-Rakkah, représentant la capitale de l’Etat Islamique : on fait couler un flot incontrôlé de réfugiés en Europe et, parmi eux, on infiltre des agents AMNI. Dans le cadre d’AMNI, je vous rappelle, il y a un département pour les assassinats et les suicides. Un département séparé est en charge de ces aspects et maintient la communication avec tout le réseau de loups solitaires dispersés partout dans le monde et prêts à devenir des shaheeds, c’est-à-dire des terroristes suicidaires. Cette chose est très dangereuse et difficile, pratiquement impossible à détecter. Un autre bouton a été appuyé à Ankara, ce qui a libéré un grand flot de réfugiés.

fronda.pl : Ils nettoient leur terrain des kurdes.

W. G. : Ils nettoient leur terrain des kurdes, mais les kurdes ne veulent pas partir. Par contre, environ deux millions de réfugiés de Syrie se trouvent au sud de la Turquie. Ceux-ci sont libres de partir en Europe.

A mon avis, un autre bouton a été appuyé à Moscou, qui veut s’impliquer dans le Moyen Orient plus que jusqu’à présent. Et qui veut, à travers cette vague de réfugiés, tenir l’Europe en échec – et même les Etats Unis, dans une mesure plus réduite. En conséquence, il y a de l’intérêt d’au moins trois directions et je crois que Téhéran aussi est impliqué.

La biographie de Witold Gadowski:

• Pendant les années ʼ80, membre NZS (La Solidarité des Etudiants) et fondateur du club politique souterrain Okop (la Tranchée); membre fondateur du Comité Civique la Solidarité de Malopolska.
• Dans les années ʼ 90 il a été correspondant de guerre aux Balkans; il a organisé des convois d’aide pour les victimes de la guerre de Kosovo.
• 2000-2002 – directeur du Département d’Informations de l’Université Nicolaus Copernicus et porte-parole du maire de Cracovie Andrzej Gołas.
• 2007-2009 – directeur de la filiale Cracovie de la Télévision polonaise, mai – octobre 2010, chef du Programme 1 de la Télévision Polonaise.
• Il a publié, entre autres, dans Rzeczpospolita, Wprost, Dziennik Polskil et des journaux polonais de l’exile.
• Journaliste et reporter d’investigation à la Gazette Polska, depuis 2012 collabore à la revue Wsieci.
• Il a réalisé la série de reportages Les Commerçants de la Mort, sur le terrorisme contemporain.
• Co-auteur de quelques interviews de Ilich Ramirez Sanchez (« Carlos le Chacal») et de la femme de celui-ci, Astrid Proll, fondatrice de Rote Armee Fraktion (RAF), Peter Juergen Boock, un des leaders de la deuxième génération RAF, et la fille de Ulrike Meinhof.
• Coréalisateur de deux reportages concernant les connexions polonaises de Abu Nidal.
• En 2004, lauréat du prix Grand Press, catégorie journalisme d’investigation pour les films de télévision La Mafia du combustible 1 et 2.
• En 2006, nominé pour le prix Andrzej Wojciechowski.
• En 2006, lauréat du prix Watergate, de l’Association des journalistes Polonais, catégorie journalisme d’investigation pour le reportage Le Match pour PZU (sur les enjeux liés à la privatisation de la compagne d’Etat d’assurances pendant le communisme).
• En 2008, lauréat du prix Watergate pour le reportage la Mafia russe, le gouvernement polonais et le gaz.
• En 2009, lauréat du prix Grand Prix au IIIème Gala des Reportages TV d’Investigation et Intervention Caméra Cachée de Łodz,
• Lauréat de Gala Bazar, Poznan, lauréat du Prix des Journalistes de Malopolska pour journalisme d’investigation.
• Auteur du volume Les Commerçants de la Mort. Les connexions polonaises avec le terrorisme mondial, publié en 2010.
• Il a mis en scène le premier documentaire de Pologne sur le marché international du trafic d’organes humains.
• En 2013, lauréat du prix international accordé par l’Organisation Internationale pour Migration, au Festival International de Film de Chisinau.
• Lauréat du Grand Prix pour la mise en scène du meilleur film polonais au Festival International de Film Human Doc.

yogaesoteric

25 février 2017

 

Also available in: Română

Leave A Reply

Your email address will not be published.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More