Le 11 septembre indien : qui était derrière les attaques de Mumbai ? (2)

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À cet égard, la pression exercée par l’administration Bush a contribué à bloquer une initiative parlementaire menée par le gouvernement PPP visant à mettre les services de renseignement du pays (ISI) sous autorité civile, notamment sous la juridiction du ministre de l’Intérieur. En d’autres mots, Washington exerce plus de contrôle sur l’ISI que le gouvernement dûment élu du Pakistan.

 

Lt. gén. Ahmed Shuja Pasha (à droite) aux côtés du gén. Ashfaq Kayani sur le USS Abraham Lincoln discutant avec Michael Mullen, chef d’État-major des armées.

Les États-Unis violent la souveraineté territoriale du Pakistan

Les États-Unis ont violé la souveraineté territoriale du Pakistan en bombardant régulièrement des villages des zones tribales et de la province frontalière du Nord-Ouest. La « guerre au terrorisme » sert de prétexte à ces opérations. Alors que le gouvernement pakistanais a « officiellement » accusé les États-Unis d’effectuer des bombardements aériens sur son territoire, l’armée pakistanaise (incluant l’ISI) a « officieusement » endossé ces attaques aériennes.

À cet égard, la nomination opportune du lieutenant général Ahmed Shuja Pasha à la tête de l’ISI était voulue pour assurer la continuité des opérations de « contre-terrorisme » américaines au Pakistan. Avant sa nomination, le lieutenant général Ahmed Shuja Pasha, en étroite collaboration avec les États-Unis et l’OTAN, était responsable des attaques ciblées de l’armée pakistanaise, apparemment contre les talibans et Al Quaeda dans les régions tribales (Federally Administered Tribal Areas, FATA) et la province frontalière du Nord-Ouest (PFNO).

 


Dès sa nomination, le lieutenant général Ahmed Shuja Pasha a profondément remanié l’ISI, remplaçant plusieurs de ses commandants régionaux. ( Daily Times, 30 septembre 2008). À la fin octobre 2008, il était à Washington, aux quartiers généraux de la CIA à Langley et au Pentagone, afin de rencontrer ses homologues américains de l’armée et du renseignement : « Le Pakistan se plaint publiquement des attaques aériennes américaines. Mais le nouveau directeur du renseignement, le lieutenant général Ahmed Shuja Pasha, était à Washington la semaine dernière en compagnie de militaires et d’espions de haut rang, et tout le monde semble être parti en souriant. » (David Ignatieff, A Quiet Deal With Pakistan, Washington Post, 4 novembre 2008, souligné par l’auteur)

Le moment choisi pour les attaques de Mumbai

Les attaques aériennes sur les zones tribales, dont ont découlé d’innombrables morts de civils, ont créé une vague de sentiment anti-américain à travers le Pakistan. De la même manière, dans les mois précédents les attentats de Mumbai, ce sentiment anti-américain a aussi servi à promouvoir une nouvelle atmosphère de coopération entre l’Inde et le Pakistan.

Alors que les relations entre les États-Unis et le Pakistan etaient à leur plus bas, les gouvernements d’Islamabad et de New Delhi ont fait des efforts significatifs dans les derniers mois de 2008 pour promouvoir les relations bilatérales.

À peine une semaine avant les attaques, le président du Pakistan Asif Ali Zardari « a incité à ouvrir un débat publique sur la question du Cachemire en Inde et au Pakistan, et à laisser la population décider de l’avenir du Cachemire indien (IHK) ». Il a également demandé « d’amener les relations bilatérales à un autre niveau », et de forger une union économique entre les deux pays.

Diviser et régner

Quels intérêts sont servis par ces attaques ?

Washington a utilisé les attentats de Mumbai pour :
1) Encourager les divisions entre le Pakistan et l’Inde et faire dérailler le processus de coopération bilatéral entre les deux pays;
2) Promouvoir des divisions sociales, ethniques et sectaires à la fois en Inde et au Pakistan;
3) Justifier l’action militaire américaine au Pakistan, incluant le meurtre de civils, en violant la souveraineté territoriale du pays;
4) Fournir une justification à l’extension de la « guerre au terrorisme » américaine dans le sous-continent indien et en Asie du Sud-Est.

En 2006, le Pentagone avait prévenu qu’une « autre attaque terroriste considérable de type 11 septembre pourrait provoquer à la fois la justification et l’opportunité qui manquent actuellement pour réagir contre certaines cibles connues » (Fuite d’un communiqué d’un officiel du Pentagone remis au Washington Post, 23 avril 2006). Les attaques de Mumbai ont été considérées comme « une justification » pour traquer des « cibles connues » dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan.

Le premier ministre indien, Manmohan Singh avait affirmé que des « forces externes » ont perpétré les attentats, faisant allusion au rôle possible du Pakistan. Les reportages médiatiques ont pointé aussi dans cette direction, en laissant entendre que le gouvernement pakistanais était derrière ces attaques : « Des officiels et législateurs américains se sont abstenu de nommer le Pakistan, mais leur condamnation du “terrorisme islamique” laissait peu de doute quant à leurs inquiétudes. C’est la propre évaluation de l’administration Bush – coulée dans les médias – qui a donné de la force aux dernières accusations contre Islamabad. Selon cette évaluation, l’agence de renseignement pakistanaise ISI était liée aux attentats à la bombe de l’ambassade indienne à Kaboul quelques semaines auparavant, attentats qui ont fait près de 60 morts, dont un diplomate indien très admiré ainsi qu’un officiel senior respecté de la défense. » (Times of India, 27 novembre 2008)

Les attaques ont provoqué un sentiment anti-pakistanais en Inde

Les attaques ont servi à promouvoir un sentiment anti-pakistanais en Inde, ainsi que des divisions sectaires entre les musulmans et les hindous.

Le Time Magazine a visé, en des termes non équivoques, le rôle insidieux « de la puissante organisation ISI, souvent accusée d’orchestrer des attaques terroristes en Inde », sans reconnaître que le nouveau chef de l’ISI a été nommé sur ordre de Washington. (Time online)

Le reportage du Time avait suggéré, sans preuves, que les architectes des attaques sont vraisemblablement des groupes islamiques financés par le Pakistan, dont Lashkar-e-Taiba (Armée des purs), qui fait partie du réseau Al Qaeda, Jaish-e-Mohammed, une organisation séparatiste cachemirie appartenant à Al Qaeda, ayant revendiqué les attentats terroristes de décembre 2001 au Parlement de l’Union à Delhi, ainsi que le Mouvement des étudiants islamiques d’Inde. (Ibid)

Lashkar-e-Taiba et Jaish-e-Mohammed sont reconnus comme étant soutenus par l’ISI.

Démarches diplomatiques entre Islamabad et Delhi


Le président pakistanais Asif Ali Zardari avait signalé que son gouvernement collaborerait entièrement avec les autorités indiennes.

Le gouvernement du Pakistan a été contourné par ses propres services de renseignement, qui demeuraient sous la juridiction du haut commandement militaire.

Le gouvernement du Parti du peuple pakistanais, mené par le premier ministre Yousaf Raza Gilani, n’avait aucun contrôle sur l’appareil militaire, ni sur l’appareil de renseignement, qui continuaient à entretenir des rapports étroits avec leurs équivalents américains. À plusieurs égards, le gouvernement civil du Pakistan ne contrôlait pas sa politique étrangère. L’armée pakistanaise et sa puissante aile de renseignement menaient la barque.


Asif Ali Zardari

 

Dans ce contexte, le président Asif Ali Zardari semblait jouer des deux côtés : collusion avec l’appareil de l’armée et du renseignement, dialogue avec Washington et faux-semblant avec le premier ministre Gilani et l’Assemblée nationale.

Le 28 novembre 2008, deux jours après les attentats de Mumbai, Islamabad annonçait que le nouveau chef de l’ISI, le lieutenant général Ahmed Shuja Pasha, serait envoyé à Delhi pour des consultations avec ses homologues indiens, dont le conseiller à la Sécurité nationale M K Narayanan, ainsi que les dirigeants de l’agence de renseignement extérieur, la Research and Analysis Wing (RAW), et du Intelligence Bureau, responsable du renseignement intérieur. La RAW et l’ISI pakistanais sont connus pour s’être fait la guerre clandestinement durant plus de 30 ans.

Le jour suivant (29 novembre 2008) Islamabad a annulé la visite du lieutenant général Shuja Pasha en Inde à la suite « du ton très agressif du ministre des Affaires étrangères indien, Pranab Mukherjee, envers les officiels pakistanais [lors d’une] conversation téléphone après les attentats de Mumbai ». (Press Trust of India, 29 novembre 2008, citant Geo News Pakistan).

Situation tendue : les relations indo-pakistanaises se sont détériorées

Les attaques de Mumbai avaient déjà créé une situation extrêmement tendue, qui ont servi largement les intérêts géopolitiques américains dans cette région.

Islamabad envisageait de relocaliser quelque 100.000 militaires de la frontière afghane à la frontière indienne, « s’il y a escalade des tensions avec l’Inde, ce qui sous-entendait l’implication d’éléments pakistanais dans le carnage de Mumbai ». (Source d’information pakistanaise citée par PTI op. cit.)

« Ces sources ont affirmé qu’on a dit à l’OTAN et au commandement américain que le Pakistan ne pourrait pas se concentrer sur la guerre au terrorisme et s’attaquer aux militants autour de la frontière afghane, puisque la défense de ses frontières avec l’Inde s’avérait beaucoup plus importante. » (Ibid, Geo News citant le journaliste senior pakistanais Hamid Mir.)

Ingérence américaine dans la conduite de l’enquête policière indienne

L’ingérence totale de Washington dans la conduite de l’enquête policière indienne a était également significative. Le Times of India a révélé « une coopération sans précédent du renseignement impliquant des agences d’enquête et des groupes d’espions de l’Inde, des États-Unis du Royaume-Uni et d’Israël. »

Le FBI et les Services secrets britanniques, MI6, ont des bureaux de liaison à Delhi. Le FBI a envoyé des policiers, des officiers du contre-terrorisme et des médecins légistes à Mumbai afin d’enquêter sur les attaques qui ont fait des victimes américaines […]. Des experts de la Police métropolitaine de Londres ont aussi été dépêchés à Mumbai : « “L’hypothèse” du gouvernement américain voulant que les groupes militants Lashkar-e-Taiba et Jaish-e-Mohammed soient des suspects des attentats a retardé l’enquête qu’avaient entreprises les autorités pakistanaises, a affirmé l’officiel. Les deux groupes militants cachemiris ont des liens avec Al Qaeda. » (Wall Street Journal, 28 novembre 2008)

Le rôle du contre-terrorisme américain, britannique et israélien et des officiels de la police a consisté essentiellement à manipuler les résultats de l’enquête de la police indienne.

Un fait mérite toutefois d’être mentionné, notamment que le gouvernement de Delhi a refusé la requête d’Israël d’envoyer une unité des forces spéciales de l’armée pour assister les commandos indiens dans la libération d’otages juifs à l’intérieur du Chabad Jewish Center de Mumbai. (PTI, 28 novembre 2008.)

Bali 2002 comparé à Mumbai 2008

Les attaques terroristes de Mumbai ressemblent à certains égards aux attaques de Bali de 2002. Dans les deux cas, des touristes occidentaux étaient ciblés. Le centre de villégiature de Kuta, sur l’île de Bali en Indonésie, a fait l’objet de deux attaques distinctes, ciblant principalement des touristes australiens. (Ibid)

Le 9 novembre 2008, les présumés terroristes des attentats à la bombe de Bali en 2002 ont été exécutés à la suite d’un long procès. (Michel Chossudovsky, Miscarriage of Justice: Who was behind the October 2002 Bali bombings? Global Research, 13 novembre 2008). Les architectes politiques des attentats de Bali n’ont jamais été traduits en justice.

Un rapport de novembre 2002 émanant des hauts gradés indonésiens, révélait l’implication du chef du renseignement indonésien, le général General A. M. Hendropriyono et de la CIA. Les liens entre Jemaah Islamiyah (JI) et l’agence de renseignement indonésienne (BIN) n’ont jamais été soulevés dans l’enquête officielle du gouvernement indonésien, enquête menée dans les coulisses par le renseignement australien et la CIA. De plus, peu après les attentats, le premier ministre australien, John Howard, « a admis que les autorités australiennes avaient été avisées de possibles attaques à Bali, mais qu’elles avaient décidé de ne pas sonner l’alerte ». (Christchurch Press, 22 novembre 2002).

En ce qui concerne les attentats de Bali de 2002, les témoignages de deux anciens présidents indonésiens, qui signalaient la complicité de l’armée et de la police indonésiennes, ont simplement été écartés dans les procédures judiciaires. En 2002 le président Megawati Sukarnoputri a accusé les États-Unis d’être impliqués dans les attaques. En 2005, dans une entrevue avec la chaîne australienne SBS TV, l’ancien président Wahid Abdurrahman affirmait que l’armée et la police indonésiennes avaient joué un rôle dans les attentats de Bali de 2002. (Cité dans Miscarriage of Justice: Who was behind the October 2002 Bali bombings?, op cit)
 
 
 

yogaesoteric

17 décembre 2018

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