La théologie du père François Brune (1)

 

Rédigé par Christophe H.

Proche par la pensée des Pères grecs, le Père Brune insiste sur la théologie de la divinisation qu’il a étudiée dans son ouvrage Pour que l’homme devienne Dieu et en tire les conclusions sur le caractère non définitif du statut accordé au défunt après sa mort.

– Il se réfère tout d’abord à la théologie des énergies incréées : celles-ci sont des émanations de Dieu ne cessant pas d’être Dieu lui-même se donnant en participation.

– Il s’appuie également sur les messages attribués à Pierre Monnier et Roland de Jouvenel selon lesquels chaque âme renferme en elle le souffle de Dieu ; étant Dieu en l’homme, elle lui permet de dire comme Dieu : Je suis. Cette parcelle de l’homme, issue du souffle de Dieu est la personnalité qui demeure et est appelée à l’éternité. Les âmes seraient dans cette optique des substances spirituelles formées par Dieu, des « possibilités d’âmes », issues directement de la pensée créatrice de Dieu et que l’action conjugale appelle à la naissance définitive. Dieu ne rend indépendantes ses parcelles de lui-même que pour lui permettre de s’anoblir car il aime la lutte qui glorifie toute victoire et sanctifie les combats. Roland de Jouvenel également cité par le Père Brune parle de rayons qui émanent du centre sans cesser d’être le centre. C’est la théologie de la divinisation de l’homme développée par les pères grecs et les théologies orthodoxes contemporains que François Brune.

– Il adhère à l’idée d’une trichotomie de l’homme par la distinction de l’âme, de l’esprit et du corps contre saint Thomas d’Aquin qui comme Aristote ne reconnaît que deux éléments dans l’homme. Pour François Brune, il faut distinguer activité spirituelle et activité intellectuelle : l’activité du chercheur dans son laboratoire n’est pas celle du moine dans sa cellule. Il critique la dichotomie qui tend à présenter la prière contemplative très différente de toute activité intellectuelle comme inutile. Pour François Brune, la méditation est une réflexion sur Dieu, l’oraison est un contact établi avec Dieu. Il faut dans cette perspective distinguer esprit, âme, corps. L’intelligence subit les avatars du corps et périt avec lui, l’âme est éternelle car l’âme est une parcelle de Dieu en chacun.

– Selon François Brune qui cite Maître Eckhart, c’est au sein du troisième élément de la nature humaine où se réalise l’union avec Dieu. Ce contact direct entre la substance de l’âme et celle de Dieu est une vraie divinisation, comme dans la théologie orthodoxe.

– L’idée de divinisation joue un rôle central dans la théologie orthodoxe mais est aussi présente chez les catholiques : elle est par exemple clairement exprimée dans la Constitution Dei Verbum sur la Révélation, no 2 : « Il a plu à Dieu dans sa bonté et dans sa sagesse de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté, grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent à l’Esprit Saint, auprès du Père, et sont rendus participants de la nature divine. » Ces mots sont repris d’une Épitre de saint Pierre qui parle également de participation de la nature divine mais contrairement aux orthodoxes les catholiques réduisent souvent cette participation à la nature divine et donc à l’être divin à une participation à la béatitude divine, sous l’influence de la notion de vision béatifique, ce qui est beaucoup moins fort et corrige injustement la pensée de saint Pierre confirmée par les messages venus de l’au-delà. Le Père Brune s’appuie sur les témoignages des EMI selon lesquels la relation à Dieu est une relation d’union avec Dieu et non de simple vision de Dieu.

– Le Père François Brune défend l’idée que la divinisation étant un processus ayant lieu après la mort et qui peut se développer dans l’au-delà, l’enseignement selon lequel les êtres humains seraient fixés pour l’éternité, dans le degré d’union à Dieu que nous aurions atteint est désespérante et constitue une grave erreur courante dans la théologie catholique traditionnelle même s’il existe des courants indépendants au sein du catholicisme qui ne le professe pas. S’appuyant sur le témoignage des messages attribués à Pierre Monnier et Roland de Jouvenel, le Père Brune affirme que la vie dans l’au-delà permet une progression continue et infinie vers Dieu et la perfection divine. Il en découle également que Dieu accepte le repentir au-delà de la très courte période que les hommes passent dans leur corps matériel. S’appuyant sur le Traité du Purgatoire de sainte Catherine de Gênes, le Père Brune met en avant que les zones de purification et de souffrance que doit traverser le défunt sont une étape dans la voie de la participation à la nature divine, qui suppose au final l’éloignement de ce qui en soi sépare des autres. Néanmoins, certains êtres ne pourraient évoluer et resteraient à l’état d’entités malfaisantes.

La prédication de l’Évangile aux morts

Pour le Père Brune, la descente de Jésus après sa propre mort au séjour de ceux qui étaient morts avant lui qui n’est pas un mythe mais correspond à la réalité décrite par saint Pierre dans le Nouveau Testament et évoquée dans le symbole des Apôtres. Cette prédication est confirmée par de nombreux messages supposés venus de l’au-delà : certains décédés sont missionnés par Dieu pour prêcher l’Évangile à ceux qui ne l’ont pas connu sur la Terre. Cette idée est reprise dans un ouvrage du IIe siècle, le Pasteur d’Hermas qui explique qu’à leur mort les apôtres vont à leur tour proclamer la Bonne Nouvelle à ceux qui sont morts, Note 13. Chaque défunt s’épanouirait dans un domaine qui reflète son savoir, ses connaissances, sa sensibilité et son vécu et les âmes se répartiraient en groupements selon leurs affinités.

Les messages de Pierre Monnier cités par François Brune affirment d’ailleurs que le Christ est descendu dans les régions des « ténèbres du dehors » avant même de consoler les apôtres désolés afin d’« apporter aux âmes en détresse la certitude glorieuse qu’il y avait pour elle une lumière sur le chemin de la sombre vallée des regrets et des larmes. » Selon les messages, le repentir est possible dans la patrie spirituelle où les anges de l’Éternel s’emploient aux rachats des condamnés qui ne sont pas sans espérance.

Orientations théologiques fondamentales

Proximité avec la tradition théologique orthodoxe

Dans son œuvre, le Père Brune regrette régulièrement la division des églises orthodoxes et de Rome. À ce titre, il constate que les églises uniates constituent par leur existence même un obstacle au rétablissement de la parfaite communion des églises : elles ont eu leurs martyrs et il serait difficile de leur demander de réintégrer l’église orthodoxe.

François Brune affirme que le vrai christianisme doit être cherché chez les Pères grecs ou orientaux (arméniens, syriaques, coptes, géorgiens) ; en effet, lors des 7 premiers conciles œcuméniques, ceux qui ont précisé l’essentiel de la foi chrétienne, sur plus de 3000 évêques, seuls 25 étaient de langue latine. Qui prétend se rattacher à la foi de la primitive Église, doit aller la chercher avant tout dans ceux qui ont fait ces conciles. Il regrette la part prise par saint Augustin en Occident qui s’explique par la perte de la connaissance du grec en Europe occidentale au Moyen Âge qui a laissé à son œuvre dont il reconnaît l’ampleur exceptionnelle par ailleurs.

La théologie des églises occidentales (catholique ou protestantes) s’est coupée de la grande Tradition des Églises d’Orient et le Père Brune regrette la tendance de nombre de théologiens occidentaux, « à la merci des courants d’air qui passent », à retraduire en vocabulaire chrétien toutes les nouvelles modes, du structuralisme aux sciences humaines, psychologiques et sociologiques, ce que saint Thomas d’Aquin avait fait déjà fait en son temps avec l’aristotélisme. Pour François Brune, les commentateurs occidentaux sont tellement peu habitués à la pensée des Pères grecs que quand ils en étudient un isolément, ils croient que sa position est originale et le soupçonne d’hérésie alors que celle de tous les chrétiens d’Orient.

De fait, sur le péché originel, l’essence de Dieu comme amour et Lumière, le mécanisme de la rédemption, la divinisation, le Père Brune se sent beaucoup plus proche de la tradition théologique orthodoxe que des traditions théologiques occidentales. François Brune reconnaît qu’il aurait pu rejoindre l’Orthodoxie mais il ne l’a pas fait, parce que les passages d’une Église à l’autre rendent les rapports entre elles délicats et qu’indépendamment de la théologie, les dogmes aux catholiques et aux orthodoxes étant largement communs, c’est par l’Église catholique que l’Amour de Dieu même parfois déformé est annoncé en France et en Occident. Par ailleurs, le Père Brune constate que l’enseignement des Pères des Églises orthodoxes d’Orient est confirmé par les expériences des mystiques catholiques d’Occident plus que par les théologiens occidentaux. Enfin, concernant les dogmes, il souscrit au mot attribué à Jean XIII : « fermeté sur ce qui est sûr, liberté sur le reste » ; or, ce qui est sûr se résume aux définitions des premiers conciles et il existe selon les mots de Pierre Monnier de « dogmes surnuméraires » que les théologiens ont imposé et qui ont eu pour conséquence de diviser parfois cruellement les chrétiens.

Exégèse

François Brune défend certaines positions relatives à l’exégèse des textes bibliques.

– Il dénonce les dégâts pour la foi des datations tardives des Évangiles destinés selon lui à leur ôter toute valeur historique. Ce glissement dans le temps qui attribue les Évangiles non aux témoins proches mais aux premières communautés chrétiennes n’a selon lui aucun raison objective. À ce titre, il salue les efforts de Benoît XVI visant à appuyer des datations beaucoup plus proches des événements, en conformité avec les travaux de toute une nouvelle vague des exégètes. François Brune dénonce les exégètes qui ont construit leur carrière sur une œuvre gratuite de destruction de l’autorité des Évangiles et donc les fondements de la foi.

– Le Père Brune regrette l’effet desséchant d’une religion sans mystère, basée uniquement sur les possibilités actuelles des connaissances humaines. Il cite Benoît XVI pour dénoncer une certaine exégèse dont le critère fondamental d’identification de la vérité des actes et des paroles de Jésus rapportés dans les Évangiles est de savoir de quoi on estime capable, compte tenu de ses conditions de vie et de son horizon naturel, un Juif pauvre du début du Ier siècle : les excès d’une hypercritique historique dont l’hypothèse de base est que Jésus n’est un homme et que tout doit être rapporté à son condition sociale et son milieu pour accréditer ou non le contenu du Nouveau Testament relèvent selon lui dialectique partiale et orientée dont il faut orienter qu’elle ait pu se déployer dans les facultés et les ouvrages des éditeurs catholiques.

– Il promeut les travaux d’André Paul pour qui dès l’époque du Christ on utilisait des carnets de note, en latin membranae, « parchemins » ou en grec membranaï ; composé de quelques feuilles, ce type d’objet était le précurseur direct du codex ou cahier à pages, modèle antique du livre. De Rome, il fut diffusé dans de larges secteurs du Proche-Orient et ce sont des membranaï que Paul de Tarse au début des années 1960, demanda à Timothée de lui apporter. Selon François Brune, parmi les proches de Jésus, les lettrés ont pu utiliser ces supports dans leurs propres missions : ils y auraient inscrit les paroles du maître et être l’origine des traditions recueilles et transmises par les premiers documents chrétiens relatant les faits et paroles de Jésus.

– Il est convaincu que l’évangile selon Jean ne peut avoir été écrit que par un compagnon direct de la vie de Jésus ; François Brune s’appuie sur les travaux des auteurs qui défendent cette position et qui se sont heurtés à une opposition violente de ceux qui ont bâti leur carrière sur l’hypothèse d’une rédaction tardive influencée par la philosophie grecque. En particulier, le Père Brune s’appuie la découverte par Claude Tresmontant de nombreux aramaïsmes dans cet évangile et sur les travaux du Père Jean Carmignac, François Le Quéré, Jean Colson, Oscar Cullmannet de Jacqueline Genot-Bismuth pour qui seul un Juif parfaitement au courant des usages, des rites, des fêtes, de la géographie de la Palestine, et qui avait suivi le Christ au jour le jour avait pu écrire ce compte-rendu détaillé. François Brune s’appuie également sur le témoignage de Pierre Monnier qui affirme que saint Jean est bien l’auteur principal et le témoin direct et même privilégié de la vie de Jésus et non pas un sorte d’intellectuel pétri de philosophie grecque, inventant dans son cabinet de travail un personnage et tout un récit à partir de traditions réinterprétées.

– Le père Brune attribue l’Épître aux Hébreux à Silas.

– Indépendamment de ses propres travaux ou de celui des exégètes comme Oscar Cullmann ou Jacqueline Genot-Bismuth, le Père Brune s’appuie sur les témoignages de Pierre Monnier pour qui si les évangiles ne rapportent pas toujours la phrase textuelle prononcée par Jésus, c’est bien « Sa pensée et Sa volonté qui se sont manifestées par l’intermédiaire des apôtres », dans les synoptiques comme chez Jean.

– François Brune pense que l’Ancien Testament peut contenir des erreurs matérielles mais qui ne sont gênantes pour la foi car il ne contient pas d’erreurs spirituelles.

– Il considère que la traduction de la Bible de Jérusalem est plus juste que celle de la Traduction Œcuménique.


Lisez la deuxième partie de cet article

 

yogaesoteric
15 janvier 2019

 

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