Compréhension structurelle de la Matrice asservissante (8)

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Freud percevait et faisait l’expérience de la force créatrice comme de nature principalement sexuelle – d’une manière plus large qu’on le pensait habituellement – mais aussi dans le sens germanique du terme : une sexualité profondément et sombrement passionnée, avec des sous-entendus de soumission ou de triomphe, et d’autres implications de conflit et de guerre. 

Sa psychologie a fourni des normes et des explications aux sentiments des hommes et des femmes sans donner d’importance à l’interprétation individuelle. La psychanalyse pouvait mettre à jour des épisodes personnels d’une nature des plus intimes, mais cela en réaction à des explications déjà données, pour lesquelles les sentiments individuels n’existaient que sur une base standardisée. 

Pour autant, les actes créatifs ne sont pas « standards ». Ils battent les records. Ils ne sont pas prévisibles. Ainsi, la créativité est devenue suspecte. Freud a tenté de la rattacher aux plus grandes craintes de l’homme, de l’enchaîner à des refoulements plutôt qu’à des aspirations ou accomplissements. Les caractéristiques favorisant la créativité étaient suspectes, non-standards, et c’étaient justement celles-là qu’il fallait exorciser. Les idées intuitives étaient donc attribuées à un comportement hystérique, sans que ses normes soient définies. Se consacrer à la contemplation, à la pensée solitaire ou aux arts, particulièrement chez les hommes, devint des plus suspect. Et ceux qui ne canalisaient pas leurs pulsions créatrices vers les buts matérialistes et sûrs de la société démocratique subirent le courroux de cette société. 

Dans ce contexte, le spiritisme est devenu à la mode, tout comme les sociétés religieuses et les diverses pseudo-religions. La Science chrétienne en particulier a tenté de rétablir l’équilibre avec la pensée positive aussi violemment que Freud l’avait fait avec le refoulement. Les gens du commun pensaient qu’il valait mieux ne pas explorer l’inconscient décrit par Freud, et en effet, ils ne pouvaient pas se permettre de le faire. Il ne leur restait qu’un enfer psychologique à la place d’un enfer théologique, sans la compensation d’un paradis. Qui plus est, ils craignaient les capacités créatrices qui auraient pu les libérer – eux et la société. Bien sûr, il y avait des tendances contraires, comme le transcendantalisme, mais c’était l’affaire des intellectuels et pas des gens du commun. 

Les capacités créatrices sont communes dans l’humanité, mais leur expression individuelle est plus rare, faisant ressortir des différences et des schémas qui étendent les capacités de l’action et de l’accomplissement individuels. Quand un individu agit le plus de lui-même, le plus individuellement, et le moins comme les autres, il affiche un comportement créatif et indique aux autres des possibilités d’accomplissement jusqu’alors inconnues – qui forment de nouvelles aspirations pour l’individu et la société. Ces capacités devraient être encouragées par toute nation démocratique qui souhaite survivre comme telle.

Le principe de ritualisation tribale

Tout naturellement est posée au-delà de la sphère familiale la question de l’« éducation » institutionnelle, qui si elle ambitionne dans son discours de produire de grands efforts pour encourager l’esprit inventif – il y a(urait) même des ministères ou secrétariats d’État en charge de l’innovation ! –, peine à se débarrasser complètement de son instinct à réprimer la créativité. S’il est inévitable que des éducateurs considèrent comme une menace de jeunes et brillants étudiants, et qu’il leur faudrait une grande maîtrise de soi pour surmonter cette réaction, c’est parce qu’ils/elles se trouvent en prise avec leur nature de « mâles » dominateurs par-delà le genre sexuel. 

Il existe bien sûr une différence entre le niveau de l’école et le niveau de l’université ou grande école. Si dans la plupart des écoles la domination du maître (maîtresse) sur ses élèves s’exprime de façon forte et directe, aussi bien sur le plan social (vécu collectif) qu’intellectuel, utilisant son expérience plus grande pour mater leur esprit inventif plus grand, au niveau de l’université/grande école, le tableau change, dans la mesure où l’on y attend que l’étudiant mette désormais les faits et données en question, les évalue, et en fin de compte qu’il invente de nouvelles idées. Toutefois, à ces deux stades, à l’école comme à l’université, il se passe autre chose qui n’a que très peu à voir avec l’encouragement de l’expansion intellectuelle aussi sincère soit-il, mais beaucoup avec l’endoctrinement de l’identité super-tribale logée dans l’inconscient collectif depuis des millénaires. Et il en est de même tout naturellement dans le monde professionnel… 

Pratique rituelle tribale 

La raison remonte au mode de fonctionnement des sociétés tribales de nature patriarcale – les sociétés dites du « triangle » –qui, dans de nombreuses cultures aux quatre coins de la planète terrestre, soumettaient au moment de la puberté les enfants à des cérémonies d’initiation « impressionnantes » pour ne pas dire à contenu sidérant. On les séparait de leurs parents et on les mettait en groupes. Ils se voyaient contraints alors à subir de sévères épreuves, allant souvent jusqu’à la torture ou la mutilation, comme des opérations sur leurs organes génitaux. On les fouettait ou on les faisait piquer par des fourmis et insectes (guêpes par exemple). On leur enseignait en même temps les secrets de la tribu. Une fois les rites terminés, ils étaient acceptés comme membres adultes de la société. 

Les conséquences étaient l’isolement de l’enfant presque adolescent de ses parents, qui passait du réconfort quand il souffrait à la douleur et à la peur dans une situation où il ne pouvait plus les appeler à l’aide. Le rituel aidait à briser le sentiment de dépendance envers les parents, et à transférer son allégeance du foyer familial à la communauté tribale dans son ensemble. Le fait de permettre en même temps de connaître le secret des adultes de la tribu renforçait le processus en donnant une base à sa nouvelle identité tribale. Ensuite, la violence de l’expérience affective accompagnant cet enseignement contribuait à graver dans son cerveau les détails des leçons tribales, et ce jusqu’au jour de sa mort. L’initiation correspondait à un enseignement traumatique, expliquant avec une parfaite netteté à l’enfant que, bien que rejoignant les rangs de ses aînés, il n’en demeurait pas moins un subordonné. Il ne pouvait ainsi que garder un souvenir vivace du pouvoir intense exercé sur lui. 

Il va sans dire qu’on retrouve trace de cette initiation ancestrale dans la psyché contemporaine toujours sous domination patriarcale. Les formes ont changé, le fond constitutif demeure. Que ce soit dans l’initiation des sociétés ésotériques comme la Franc-maçonnerie ou de structures institutionnelles comme celles de l’enseignement, la pratique rituelle tribale continue à cadencer le fonctionnement du système prédateur.

L’éducatif sous contrôle

Si les écoles, les universités et grandes écoles modernes n’en sont plus là, le système d’éducation actuel présente à bien des égards de frappantes similarités avec les cérémonies d’initiation tribales primitives. Tout d’abord, on sépare les enfants de leurs parents pour les mettre entre les mains des anciens de la « super-tribu » contemporaine, les enseignants, qui leur en enseignent les « secrets ». Dans bien des cultures, on leur fait encore porter un uniforme pour les mettre à part, et renforcer leur nouvelle allégeance. On peut aussi les encourager à pratiquer certains rites, tels que chanter à la chorale de l’école ou du collège.

Les sévères épreuves de la cérémonie d’initiation tribale ne laissent plus de traces physiques – hormis les pratiques de bizutage –, quoique des épreuves physiques ont persisté presque partout jusqu’à une époque très récente (les années soixante) au niveau de l’école, sous la forme par exemple de corrections administrées à coups de règle (ou de martinet) sur les fesses. Comme les mutilations génitales des cérémonies tribales, cette forme de punition a toujours eu des relents sexuels, et ne saurait être dissociée du phénomène du sexe de statut, masculin en l’occurrence (la polarité électrique). En l’absence d’une forme plus violente d’épreuves imposées par les maîtres enseignants, les élèves plus âgés assument souvent le rôle « d’anciens de la tribu », infligeant eux-mêmes des brimades aux « nouveaux », ces brimades variant suivant les endroits et les traditions. 

Il reste toujours pour les rites officieux d’initiation l’alternative de l’épreuve mentale. Presque tout au long du système d’éducation moderne on la retrouve sous le nom révélateur « d’examen ». Ceux-ci sont menés dans la lourde atmosphère du haut rituel, les élèves étant coupés de toute assistance extérieure. Tout comme dans le rituel tribal, nul ne peut les aider. Ils doivent souffrir tous seuls. A tous les autres moments de leur existence ils peuvent utiliser des ouvrages de références, ou discuter sur des points difficiles quand ils appliquent leur intelligence à un problème, mais non pas durant le rite privé des examens redoutés. L’épreuve est encore rendue plus pénible par la fixation d’une stricte limite dans le temps et par l’accumulation de tous les différents examens dans la brève période de quelques jours ou de quelques semaines. L’effet général de ces mesures est de provoquer une véritable torture mentale, rappelant une fois de plus l’atmosphère des cérémonies d’initiation plus primitives des tribus d’autrefois.

Classes préparatoires : la fabrique des « autoritariens »

Bien entendu, les « autoritariens » s’insurgeront contre une sensiblerie incompatible avec les exigences de la société moderne et de son élitisme dirigeant, les « meilleurs » à la compétition recevant naturellement les récompenses du système prédateur. La réalité est que les entraînements intensifs aux concours en classes préparatoires ont deux conséquences dont ils se moquent éperdument ou qu’ils nient cyniquement : la fabrication de psychopathes et le « massacre » des innocents. S’il se trouve quelques enseignants bienveillants, beaucoup contribuent à l’océan de souffrance psychique à la limite du sadisme qui marque au fer rouge les survivants et alimente leur pathologie qu’ils n’auront de cesse d’exprimer dans leur relation à eux-mêmes comme aux autres. 

Véritables fabriques à élites, les classes préparatoires pâtissent depuis longtemps d’une mauvaise réputation. Apparue au XVIIIe siècle, cette exception française attire de plus en plus d’élèves de tout horizon, avec le pendant de la carotte sociale espérée : rythme intense de travail, notation ultra-sévère, examens répétés, pression des concours à venir… Cet entraînement à la dure telle que privilégiée par l’institution militaire est relayée par différentes formes de harcèlement moral et d’acharnement continu, sous couvert de traditions centenaires. Il en résulte d’inévitables dépressions, troubles anxieux, sentiments d’échec, manifestations physiques (anorexie, boulimie, maux de ventre somatiques), prise d’anxiolytiques, dont toutes et tous ne se relèveront pas aisément. Les fameux « burn-out » dans le milieu du travail sont ainsi préparés pour beaucoup dans l’ensemble de ces filières d’études sélectives jouant sur le terrain des fragilités de la psyché existantes (névroses voire psychoses). 

Ce n’est pas le moindre paradoxe d’une nation se réclamant fièrement des (fausses) Lumières, la culture de l’excellence inculquée à ses élites étant basée exclusivement sur le mental intellect, nécessaire à l’ordonnancement de la gouvernance mondiale entropique en cours et à l’instauration de l’Intelligence Artificielle au sommet de la pyramide, point ultime du calendrier occulte du système prédateur. 

Pour autant, l’esprit de solidarité et de fraternité que beaucoup instaurent comme rempart à l’individualisme oppresseur combiné à la motivation ressentie pour suivre l’enseignement des grandes écoles espérées permet de positiver l’expérience traumatique, et pour celles et ceux qui en auront tiré la leçon, de contribuer plus tard à un exercice digne de leurs responsabilités, en servant plutôt qu’en se servant. 

Une fois les examens finaux terminés, au niveau de l’université, les étudiants qui ont « passé l’épreuve » deviennent qualifiés comme membres spéciaux de la section adulte de la super-tribu. Ils endossent des robes d’apparat sophistiquées, et participent à un autre rituel appelé la cérémonie de remise des diplômes, en présence des anciens de l’université revêtus de leurs robes les plus impressionnantes et les plus spectaculaires. 

La phase d’étudiant à l’université ou grande école dure généralement trois ans sinon plus, ce qui est bien long pour une cérémonie d’initiation. Pour certains, c’est trop long. L’isolement loin de l’assistance des parents et de l’environnement social réconfortant du foyer, joint aux exigences menaçantes de l’examen qui approche, se révèle souvent trop rude pour le jeune initié. Ainsi, dans les universités britanniques, environ 20% des étudiants ont besoin d’assistance psychiatrique à un moment quelconque de leurs trois années d’étude. Pour certains, la situation devient intolérable, et les suicides sont d’une fréquence insolite, le taux à l’université étant de trois à six fois plus élevé que la moyenne nationale pour le même groupe d’âges. 

De toute évidence, les épreuves éducatives n’ont que peu de rapport avec l’idée d’encourager et de prolonger l’esprit ludique, inventif et créateur de l’enfance. Comme les cérémonies d’initiation tribales primitives, elles concernent plutôt l’idée d’inculquer une identité super-tribale. Comme telles, elles jouent un rôle de cohésion important, mais le développement de l’intellect créatif est une tout autre question …

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yogaesoteric

11 juin 2019

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