Compréhension structurelle de la Matrice asservissante (10)

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Il y a toujours deux écoles, celle qui dit que l’environnement influe sur la psychologie, l’autre qui dit que de nombreuses dispositions sont héritées. Cependant, bien des preuves montrent que les psychopathes ne grandissent pas dans des milieux destructeurs. C’est donc leur nature qui est différente, cette différence étant le facteur majoritaire qui prime sur l’influence de l’environnement.

 

La psychopathie découle de l’absence d’activation du cortex préfrontal par un trouble (trauma ou facteur génétique) pouvant empêcher le bon développement de ce substrat instinctif humain et en réduire sa plasticité. Le résultat en est un être humain identique à un animal sur le plan neuro-anatomique. Il faut alors s’imaginer la nature émotionnelle d’un crocodile dans un être humain. L’expression « cerveau reptilien » prend ici tout son sens.

Si le substrat instinctif est endommagé, il est fort possible que cela produise des troubles incurables, un comportement antisocial, violent, ou criminel. Un substrat instinctif d’un animal n’est pas normal chez un être humain. Le comportement des psychopathes a une dynamique similaire à celui de certains animaux dans certains états, guidés uniquement par l’instinct.

Les psychopathes adultes ont développé des circuits neurologiques complexes pour satisfaire leurs besoins. Ils peuvent avoir une intelligence brillante, mais elle est au service de la domination. C’est comme si le centre de leur être était une bouche béante entourée de réseaux neurologiques. Ainsi, sous la pression constante de sa « faim », un psychopathe est incapable d’évaluer les besoins d’autrui, ou de comprendre les subtilités et ambiguïtés des situations. Il conforme la réalité extérieure à sa structure intérieure rigide et primitive.

Lorsqu’un psychopathe est insatisfait, il perçoit le monde extérieur comme étant contre lui, donc entièrement mauvais. S’il est confronté à un problème qu’il a causé, il ne peut pas le supporter ni le comprendre et son cerveau le nie et le projette. Un psychopathe ne peut pas admettre d’être dans l’erreur, il est donc toujours dans la projection, d’où cet impératif de besoin de grandeur et de perfection éternelle. Ce n’est pas un choix mais une obligation.

Ainsi un cerveau complexe, associé à une faim insatiable, fait un psychopathe. Ce sont les maîtres de l’identification projective. Tout ce qui ne correspond pas à leurs désirs est « mauvais » et projeté sur autrui. Ils doivent préserver à tout prix ce sentiment de contrôle.

Pour comprendre la psychopathie, il faut comprendre que depuis des temps immémoriaux les psychopathes ont investi le sommet de la société. On leur doit les structures sociales et les systèmes de croyance. On peut parler d’identification projective à l’échelle sociale.

La connaissance de la psychopathie est ce qui ouvre la porte de la cage où on est emprisonné. Mais la plupart des psychologues et psychiatres ont trop peur d’en venir jusque-là. Ils tentent sans arrêt de faire rentrer la psychopathie dans le dogme humaniste qui insiste sur la nature uniforme du soi profond de tout être humain. C’est un vœu pieu, lié à une vision morale, religieuse, ou philosophique de la réalité.

Comme on est confronté à un prédateur intra-espèce qui ressemble aux êtres humains, un psychopathe semble posséder tous les traits que désirent les personnes normales (confiance en soi, etc.). Seuls les psychopathes criminels sont des psychopathes qui ont échoué. Les psychopathes en général sont des machines très efficaces, qui atteignent des positions élevées, mais en bafouant les droits des autres. Dans ces conditions, de nombreuses personnes « normales » qui subissent leur influence s’adaptent en éteignant leur conscience pour survivre.

C’est pourquoi les sociétés sont corrompues par le fait qu’elles contiennent un certain pourcentage d’individus extrêmement déviants, ce petit groupe très actif influençant parfois des millions d’êtres humains. Tout comme le font des pathogènes dans le corps. Les personnalités déviantes, sachant qu’elles sont anormales, vont vouloir contrôler leur environnement pour réduire leur stress. Ces pathogènes dans le corps social veulent juste survivre et se propager, sans tenir compte des dégâts qu’ils causent – comme des virus. Cela est d’autant plus possible quand les sociétés sont affaiblies.

On devrait voir la société comme un corps nécessitant une bonne hygiène pour rester en bonne santé. Contrairement aux psychopathes qui n’ont pas le choix de se comporter différemment, on a le choix de ne pas accepter leur domination. De cela dépend le futur des êtres humains. On est les seuls à pouvoir se sauver, ce ne sera pas une aide extérieure qui le fera.

Dans son ouvrage « W ou le souvenir d’enfance » paru, l’écrivain Georges Pérec (1936/1982) décrit dans le dernier chapitre, le chapitre 36 (chiffre qui représente « le diable ou Satan », ainsi que le mal qu’il personnifie), le monde sombre et froid de W et rappelle cruellement la citation de Raymond Queneau qui introduit l’ouvrage : « Cette brume insensée où s’agitent des ombres, comment pourrais-je l’éclaircir ? » Il rappelle aux gens aussi ce qu’ils sont, et leur condition d’esclave dont ils n’ont pas même conscience.

« L’Athlète n’a guère de pouvoirs sur sa vie. Il n’a rien à attendre du temps qui passe. Ni l’alternance des jours et des nuits ni le rythme des saisons ne lui seront d’aucun secours. Il subira avec une égale rigueur le brouillard de la nuit d’hiver, les pluies glaciales du printemps, la chaleur torride des après-midi d’été. Sans doute peut-il attendre de la Victoire qu’elle améliore son sort : mais la Victoire est si rare, et si souvent dérisoire ! La vie de l’Athlète W n’est qu’un effort acharné, incessant, la poursuite exténuante et vaine de cet instant illusoire où le triomphe pourra apporter le repos. Combien de centaines, combien de milliers d’heures écrasantes pour une seconde de sérénité, une seconde de calme ? Combien de semaines, combien de mois d’épuisement pour une heure de détente ? Courir. Courir sur les cendrées, courir dans les marais, courir dans la boue. Courir, sauter, lancer les poids. Ramper. S’accroupir, se relever. Se relever, s’accroupir. Très vite, de plus en plus vite. Courir en rond, se jeter à terre, ramper, se relever, courir. Rester debout, au garde-à-vous, des heures, des jours, des jours et des nuits. A plat ventre ! Debout ! Habillez-vous ! Déshabillez-vous ! Habillez-vous ! Déshabillez-vous ! Courez ! Sautez ! Rampez ! A genoux !

Immergé dans un monde sans frein, ignorant des Lois qui l’écrasent, tortionnaire ou victime de ses compagnons sous le regard ironique et méprisant de ses Juges, l’Athlète W ne sait pas où sont ses véritables ennemis, ne sait pas qu’il pourrait les vaincre et que cette Victoire serait la seule vraie qu’il pourrait remporter, la seule qui le délivrerait. Mais sa vie et sa mort lui semblent inéluctables, inscrites une fois pour toutes dans un destin innommable.

Il y a deux mondes, celui des Maîtres et celui des esclaves. Les Maîtres sont inaccessibles et les esclaves s’entre-déchirent. Mais même cela, l’Athlète W ne le sait pas. Il préfère croire à son Étoile. Il attend que la chance lui sourie. Un jour, les Dieux seront avec lui, il sortira le bon numéro, il sera celui que le hasard élira pour amener jusqu’au brûloir central la Flamme olympique, ce qui, lui donnant le grade de Photophore officiel, le dispensera à jamais de toute corvée, lui assurera, en principe, une protection permanente. Et il semble bien que toute son énergie soit consacrée à cette seule attente, à ce seul espoir d’un miracle misérable qui lui permettra d’échapper aux coups, au fouet, à l’humiliation, à la peur. L’un des traits ultimes de la société W est que l’on y interroge sans cesse le destin : avec de la mie de pain longtemps pétrie, les Sportifs se fabriquent des osselets, des petits dés. Ils interprètent le passage des oiseaux, la forme des nuages, des flaques, la chute des feuilles. Ils collectionnent des talismans : une pointe de la chaussure d’un Champion olympique, un ongle de pendu. Des jeux de cartes ou de tarots circulent dans les chambrées : la chance décide du partage des paillasses, des rations et des corvées. Tout un système de paris clandestins, que l’Administration contrôle en sous-main par l’intermédiaire de ses petits officiels, accompagne les Compétitions. Celui qui donne dans l’ordre, les numéros matricules des trois premiers d’une Épreuve olympique a droit à tous leurs privilèges ; celui qui donne dans le désordre est invité à partager leur repas de triomphe.

 

Les orphéons aux uniformes chamarrés jouent L’hymne à la joie. Des milliers de colombes et de ballons multicolores sont lâchés dans le ciel. Précédés d’immenses étendards aux anneaux entrelacés que le vent fait claquer, les Dieux du Stade pénètrent sur les pistes, en rangs impeccables, bras tendus vers les tribunes officielles où les grands Dignitaires W les saluent.

Il faut les voir, ces Athlètes qui, avec leurs tenues rayées, ressemblent à des caricatures de sportifs 1900, s’élancer coudes au corps, pour un sprint grotesque. Il faut voir ces lanceurs dont les poids sont des boulets, ces sauteurs aux chevilles entravées, ces sauteurs en longueur qui retombent lourdement dans une fosse emplie de purin. Il faut voir ces lutteurs enduits de goudron et de plume, il faut voir ces coureurs de fond sautillant à cloche-pied ou à quatre pattes, il faut voir ces rescapés du marathon éclopés, transis, trottinant entre deux haies serrées de Juges de touche armés de verges et de gourdins, il faut les voir, ces Athlètes squelettiques, au visage terreux, à l’échine toujours courbée, ces crânes chauves et luisants, ces yeux pleins de panique, ces plaies purulentes, toutes ces marques indélébiles d’une humiliation sans fin, d’une terreur sans fond, toutes ces preuves administrées chaque heure, chaque jour, chaque seconde, d’un écrasent conscient, organisé, hiérarchisé, il faut voir fonctionner ces machine énorme dont chaque rouage participe, avec une efficacité implacable, à l’anéantissement systématique des hommes, pour ne plus trouver surprenante la médiocrité des performances enregistrées : le 100 mètres se court en 23″4, le 200 mètres en 51″ ; le meilleur sauteur n’a jamais dépassé 1,30m.

Celui qui pénétrera un jour dans la Forteresse n’y trouvera d’abord qu’une succession de pièces vides, longues et grises. Le bruit de ses pas résonnant sous les hautes voûtes bétonnées lui fera peur, mais il faudra qu’il poursuive longtemps son chemin avant de découvrir, enfouis dans les profondeurs du sol, les vestiges souterrains d’un monde qu’il croira avoir oublié (…) » Georges Pérec
 
 


yogaesoteric

20 juin 2019

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