Qui avait payé et armé Hitler ? (2)

Lisez la première partie de cet article

L’inflation rend le mark allemand sans valeur


 

Il avait été décidé, dans les négociations de Versailles de 1919, que l’Allemagne devrait payer des dommages de guerre pour compenser toutes les destructions que l’armée allemande avait causées aux populations civiles dans les pays que l’Allemagne avait envahis. Une commission de réparation, nommée par les pays alliés, allait décider, le 1er mai 1921, la somme à payer pendant au moins trente ans. L’Allemagne allait payer, avant le 1er mai, la somme de 1 milliard de Livres Sterling. La somme devrait être payée en plus grande partie, en marchandises, principalement en houille (charbon).

À la fin du mois d’avril 1921, la commission de réparation des alliés fixa la valeur des dommages et intérêts allemands à 6,6 milliards de Livres Sterling, une somme que l’Allemagne pouvait très difficilement payer. Ceci allait faire de l’industrie allemande une partie de l’appareil de production de la France et de la Grande Bretagne pendant une longue période à venir. Devant l’occupation de la Ruhr, où 80% de l’industrie du charbon et de la sidérurgie se trouvait, le gouvernement allemand accepta pourtant, le 11 mai 1921, l’exigence des alliés. A la fin du mois d’août, l’Allemagne avait payé 50 millions de Livres Sterling comme tranche du milliard qui devrait immédiatement être payé. Mais l’économie allemande avait, en ce temps-là, déjà commencé à s’essouffler.

Au milieu de l’année 1920, le mark allemand tomba du taux normal de 20 mark pour une Livres Sterling, à 250 mark. Ceci était considéré comme une dépression qui allait être rétablie. Mais une année plus tard, lorsqu’en 1921, l’Allemagne avait besoin d’emprunter la monnaie étrangère pour commencer à payer les dommages de guerre, la valeur du mark allemand commença à se détériorer de manière dramatique. En novembre 1921, c’était déjà 1000 mark pour une livre. Le mark allemand continua de perdre de la valeur pendant l’été 1922, mais cette fois avec une grande rapidité.

Les événements politiques du début de 1923 accélèrent davantage la chute du mark. En janvier, les troupes belges et françaises entrèrent et occupèrent la région allemande de la Ruhr. La justification de cette occupation avait été que ces pays n’avaient pas reçu leur tranche de payement aux titres des dommages de guerre. L’occupation de la Ruhr déclencha une grande crise politique. Le gouvernement allemand déclara la résistance pacifique et interdit toute collaboration avec le pouvoir d’occupation. Ceci conduisit la France, en guise de réaction, à interdire tous les contacts entre la partie occupée et le reste de l’Allemagne. Personne ne pouvait entrer ni sortir de la Ruhr, centre de la grande production de l’Allemagne. La Ruhr arrêta de fonctionner et à travers elle, la vie économique de toute l’Allemagne. L’économie allemande fut très rapidement ruinée.

Au moment de l’occupation de la Ruhr, le mark allemand était descendu jusqu’à 35.000 marks par Livre Sterling et elle était tombée jusqu’à un niveau totalement impensable au courant de l’été. Les salaires étaient payés en des montagnes des billets désormais de plus en plus sans valeur qui devaient immédiatement être utilisés dans l’achat des produits alimentaires. L’image la plus connue est celle d’un travailleur allemand transportant son salaire hebdomadaire dans une brouette wagon. L’inflation continua pendant toute l’année avec une très grande vitesse et en 1923, le mark allemand valait le 1/500 milliardième de sa valeur de 1918 ! Une livre britannique valait alors 50 milliard de mark allemand. Il y avait 93 trillions de mark allemand en circulation ! Le salaire hebdomadaire d’un travailleur suffisait à peine à acheter un repas. Au même moment, la classe moyenne allemande fut ruinée lorsque l’argent de l’épargne disparut dans l’explosion de l’inflation. Cette classe moyenne ruinée allait devenir le pilier du nazisme allemand.

L’aide économique au revanchisme allemand

Le grand capital allemand spéculait sérieusement dans les affaires monétaires à grands bénéfices. On achetait de grandes quantités de monnaies étrangères avec de l’argent emprunté à la Banque Centrale allemande, ce qui avait comme conséquence, une inflation élevée et une valeur élevée de la monnaie étrangère vis-à-vis du mark allemand. L’emprunt pouvait par la suite être remboursé avec une moindre partie de la monnaie étrangère achetée lorsqu’elle était à nouveau changée en mark.

L’inflation était aussi bonne pour ceux qui possédaient les grandes usines. La production des marchandises était payée dans une monnaie sans valeur et les marchandises pouvaient être vendues à l’étranger dans le but d’obtenir la monnaie étrangère. Les bénéfices étaient très grands. Le marché des exportations allemandes fut vite rétabli. Les dettes et impôts qui, en Allemagne, étaient toujours maintenus dans leurs anciennes valeurs monétaires, pouvaient être avec presque rien. L’industrie allemande fut de cette manière renforcée par l’inflation catastrophique. Mais n’oublions pas que quelqu’un en paya le prix ! Le niveau de vie de la classe ouvrière allemande fut ruiné, tout comme la classe moyenne vit ses épargnes devenir sans valeur.

 

La faillite de l’économie avait au même moment rendu impossible le payement de quelques dommages de guerre. Ceci était une forte raison pour laquelle le gouvernement allemand avait laissé l’économie tomber en ruines. Une monnaie sans valeur était un bon argument contre l’exigence de payement. M. Philip Dawson, alors membre du parlement britannique et un des observateurs officiels en Allemagne, écrivit en 1925 : « Après beaucoup d’entretien avec les grands magnats financiers, industriels et agricoles dans tous les grands centres d’habitation allemands, il n’existe aucun doute au fait que tout ceci avait été un effort calculé, coordonné, pour ruiner la crédibilité du pays et se rassurer de ne pas payer les dommages de guerre. »

Mêmes les alliés, Etats-Unis, Grande Bretagne, France et Belgique, l’avaient compris. Un changement radical était nécessaire. Un comité d’experts commun fut mis en place pour mettre en marche l’économie allemande de manière professionnelle. Et bien entendu, pour amener l’Allemagne à commencer à payer les dommages de guerre. Le président de ce comité fut le général américain Dawes. Le comité reçut l’appellation de « Comité Dawes » et eut sa première réunion à Paris en 1924. La première proposition du Comité Dawes fut de créer une monnaie allemande avec laquelle on pouvait travailler.

La monnaie allemande avait totalement perdu sa valeur à la fin de 1923. Les valeurs économiques allemandes se trouvaient rassemblées chez quelques très solides groupes économiques des propriétaires des industries, des mines et des forêts. Le gouvernement allemand voulait rétablir le mark à une valeur stable. Le gouvernement créa un nouveau mark sous le nom de Rentenmark avec la même parité que le mark avait vis-à-vis de la Livre Sterling avant le début de l’inflation, soit 20 mark pour une Livre sterling. Mais le Rentemark n’avait pas suffisamment de support en or et en monnaie étrangère, et était par conséquent une monnaie moins sûre.

Le Comité Dawes proposa alors une nouvelle monnaie du nom de Reichmark avec la même valeur vis-à-vis de la Livre Sterling, 20 pour 1, mais sous le contrôle des alliés à travers une Banque d’Emission indépendante du gouvernement allemand. L’Allemagne allait alors avoir un prêt de 40 millions de Livres de réserves monétaires mais aussi comme aide pour payer la première tranche des dommages de guerre sur les 50 millions annuels en conformité du Plan Dawes. La sécurité du prêt était constituée des obligations dans les chemins de fer et les industries allemandes ainsi que des impôts sur l’alcool, le tabac et le sucre. Lorsque le Reichmark de Dawes fut adopté, l’inflation allemande prit fin. Le prêt allemand fut vite investi chez les alliés où il existait un grand intérêt parmi les prêteurs.

Le Plan Dawes avait l’avantage de mettre en ordre la question du payement des dommages de guerre. Mais avec l’augmentation du standard économique qui suivit l’application du Plan Dawes, l’obligation de payement se renforça. Ce qui rendit l’épargne publique impossible. Mais le prêt contenu dans le Plan Dawes avait un côté inattendu. Il déclencha une interminable fièvre d’emprunt jamais observée, surtout aux Etats-Unis et en Grande Bretagne.

Toutes les communes importantes, les institutions et les grandes entreprises allemandes en grande partie, prirent de plus en plus de grands prêts ou des crédits. Cet afflux de capital donna lieu à un accès à beaucoup de monnaies étrangères et causa, en 1925, une relance dans l’économie allemande. Les exportations allemandes augmentèrent de manière significative à partir de cette année. Au point qu’en 1927, elles atteignirent le niveau déjà atteint en 1913 (calculé aux prix de 1913). Ce développement donna à l’Allemagne, la possibilité de rembourser le prêt Dawes sans avoir besoin de faire des efforts ou d’utiliser ses propres moyens. En réalité, l’Allemagne a payé des dettes aux alliés avec de l’argent provenant des prêts pris aux Etats-Unis. Ca fonctionna bien aussi longtemps que les prêts provenant des Etats-Unis continuaient à affluer en Allemagne.

L’afflux du capital étranger en Allemagne pendant les années 1924-1929 est évalué à 15 milliards de mark en investissements à long terme et à 6 milliards d’investissements à court terme. Les investissements des Etats-Unis comptaient pour 70% de l’ensemble des prêts à long terme. Ceci conduisit à un renforcement significatif du potentiel économique allemand, spécialement pour l’industrie de réarmement. Les industriels se trouvant derrière la plus grande partie des prêts allemands étaient des magnats industriels des maisons financières Du Pont, Morgan, Rockefeller, Lamont et d’autres monopoles des Etats-Unis.

L’industrie allemande de l’équipement tournait à plein régime. Le revanchisme, au sein du grand capital allemand qui voulait reconquérir une position de leadership économique et militaire en Europe et dans le monde, avait un avenir clair devant soi. Pour commencer la guerre, l’on doit avoir beaucoup de minerais de fer pour les armes, du pétrole comme combustible, du caoutchouc pour les pneus et le nitrate pour les matières explosives. Toutes ces industries eurent un coup de pousse de la part des prêts étrangers. Des nouveaux investissements modernisèrent les industries de fer et la sidérurgie et augmentèrent considérablement la capacité de production. En ce qui concerne le pétrole et le caoutchouc, produits que l’Allemagne était obligé d’importer, les investissements de l’industrie chimique furent déterminants.

Dans une percée mondiale unique, l’industrie allemande découvrit de nouvelles matières synthétiques, des matières artificielles qui pouvaient être utilisées en lieu et place des matières premières importées et des produits naturels. L’Allemagne se rendit libre et indépendante de toute importation ! L’évolution de la situation allait montrer que l’industrie chimique allemande et ses leaders importants joueraient un rôle décisif dans les événements tragiques des années 1930-1940 dans le monde.

 

Les prêts accordés à l’Allemagne en conformité du Plan Dawes étaient la pièce maîtresse nécessaire pour commencer une nouvelle grande guerre. La suppression du Plan Dawes pour le payement des dommages de guerre et l’avènement du Plan Young pour le payement des dommages au cours des années 1929-1930, devinrent, comme nous allons le voir, le début d’une vague nationaliste qui ouvrit le chemin à la prise du pouvoir par les Nazis, en Allemagne, trois ans plus tard. L’industrie allemande d’armement était alors assez suffisamment forte pour que l’Allemagne commence une nouvelle fois à défier les alliés.

L’industrie chimique Allemande


Des matières synthétiques colorées au gaz toxique, à la poudre et à la main-d’œuvre esclave

L’industrie chimique allemande a derrière elle une histoire unique de grandes découvertes. Le tout avait en fait commencé en Grande Bretagne avec la découverte des matières synthétiques en couleur. Jusqu’au milieu du 18è siècle, toutes les couleurs qui étaient utilisées dans la fabrication des textiles, dans la peinture, etc., étaient provenaient des plantes et des animaux. Aucune couleur artificielle, synthétique, n’était alors connue. Mais un jeune étudiant en chimie produisit, au milieu du 18è siècle, en Grande Bretagne, la première couleur synthétique, à partir du goudron de la houille. Cette découverte de premier rang mondial n’eût cependant aucun succès commercial en Grande Bretagne. Les matières synthétiques en couleur ne pouvaient pas prendre le dessus sur les matières traditionnelles sur le marché. Mais les chercheurs allemands qui travaillaient en Grande Bretagne amenèrent ces connaissances en Allemagne où les plusieurs matières synthétiques colorées continuèrent à être découvertes. Avec une organisation industrielle et commerciale moderne en Allemagne, ces matières synthétiques eurent un grand succès commercial. Au point qu’au début du 19è siècle, six entreprises allemandes dominaient la production mondiale et la distribution des matières synthétiques (BASF, Bayer, Hoechst, Agfa, Casella, Kalle). Ce succès contribua par ailleurs à une série des découvertes d’autres produits chimiques (aspirine, héroïne, méthadone, le sulfate, atabrin) difficiles à penser lorsque l’on fait la recherche sur les matières colorées.

La recherche sur les matières synthétiques devint une porte d’entrée à chimie de plus en plus avancée. Les entreprisses allemandes travaillant dans l’industrie chimique commencèrent alors un processus de rapprochement et de fusion afin de mettre fin à la concurrence entre elles et de pouvoir exploiter de manière avantageuse le marché mondial. Il se créa des cartels pour les prix communs et le commerce. Six grandes entreprises allemandes créèrent, au début du 19e siècle, deux cartels (Bayer, Agfa et Hoechst, Casella, Kalle) du nom de Interessen Gemeinschaft (communauté d’intérêts). La formation du cartel était même importante pour rassembler les grandes ressources économiques nécessaires pour des nouveaux projets.

BASF initia un projet de recherche très couteux pour essayer de produire de l’azote synthétique. Cette matière dont 78% sont composés de l’air que nous respirons, est très importante comme engrais chimique destiné à l’agriculture. Mais l’azote, sous la forme naturelle qu’on pouvait traiter, se trouvait seulement dans les grands gisements de nitrate et de salpêtre au Chili. Tous les pays qui voulaient utiliser les engrais dans leur agriculture devaient importer les salpêtres du Chili là où ceux qui possédaient les mines, se sentaient libres d’augmenter les prix comme ils l’entendaient. Cette situation changea radicalement en 1909. BASF réussit à produire l’azote synthétique dans un laboratoire. Le chercheur Fritz Haber chauffa l’azote de l’air et l’hydrogène (vätgas) sous une très haute pression et obtint un produit traitable, l’ammoniac. Un jeune ingénieur, Carl Bosch, reçut par après la mission de monter une usine à Oppau pour une production industrielle. Achevée en 1923, l’usine commença à produire massivement de l’ammoniac. Le monopole du Chili fut cassé (Bosch reçut le prix Nobel en 1923).

Lisez la troisième partie de cet article
 

yogaesoteric

9 janvier 2020



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