Qui avait payé et armé Hitler ? (3)

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Il y a un autre aspect important sur la question de l’azote synthétique. Les salpêtres étaient une matière importante dans la fabrication de la poudre ! Aussi, la plupart des pays du monde importaient les salpêtres du Chili pour la fabrication de la poudre et les armées de tous ces pays étaient dépendantes des salpêtres du Chili pour la fabrication des matières explosives ! L’Allemagne eut donc la possibilité unique de se débarrasser de cette dépendance. Théoriquement, on pouvait obtenir l’acide de salpêtre en oxydant l’ammoniac. Carl Bosch était conscient de cela. Il avait aussi eu de petites quantités de salpêtre au cours des expérimentations dans l’usine d’Oppau. Mais on ne put avoir plus que cela. Les autorités militaires allemandes ne comprirent pas l’importance de la découverte de Bosch et continuèrent à importer les salpêtres du Chili.

 

Carl Bosch

La situation resta ainsi jusqu’à la première guerre mondiale. Lorsqu’au début de 1915 les militaires allemands découvrirent qu’ils avaient commencé la guerre sans avoir suffisamment de salpêtres pour fabriquer les matières explosives pour une longue guerre. Ils avaient suivi la philosophie de la guerre utilisée lors de la guerre de 1871 contre la France, celle d’une attaque de grande envergure et d’une guerre éclaire. Mais il n’en fût pas ainsi cette fois-ci. Ce fut une longue guerre. La flotte britannique avait mis l’Allemagne en blocus et aucune marchandise importée n’arrivait en Allemagne. Et plus important encore, aucun salpêtre ne venait du Chili. Le manque de salpêtres devint une menace très sérieuse pour l’armée allemande. Les matières explosives allaient se terminer dans quelques mois et la guerre allait être perdue pour les Allemands. Il faut dire ici que le niveau d’intelligence n’était pas non plus élevé de l’autre côté du front. Le commandement de la guerre des alliés ne découvrit jamais le problème du manque de salpêtres de l’Allemagne…

L’industrie chimique allemande avait prévenu les militaires de ce développement, mais personne ne s’en était soucié. L’armée était sûre d’une victoire rapide. Lorsque la vérité sur le manque de salpêtres sauta aux yeux des dirigeants de l’armée, la panique se répandit. La direction de l’armée convoqua une réunion avec les dirigeants de l’industrie chimique et accepta toutes leurs conditions. Entre autres, une nouvelle usine de fabrication de l’acide de salpêtres devait être construite. Une telle fabrication industrielle n’avait pas jamais été faite auparavant. Ça allait devenir une grande expérimentation industrielle. Il fallait beaucoup d’argent et beaucoup de travail d’ingénierie. L’industrie chimique allemande reçut les contrats avantageux qu’elle exigeait du gouvernement allemand et l’ingénieur Carl Bosch reçut la mission de transformer l’ammoniac en acide de salpêtre à grande échelle. Le destin de l’Allemagne logeait dans les mains de Bosch. Les chimistes découvrirent, grâce à un grand effort, le processus de fabrication en masse de l’acide de salpêtre.

Mais ceci prit du temps. Il fallait au même moment stopper la France. La solution fut la guerre toxique. L’utilisation des poisons dans la guerre était interdite depuis la Convention de la Haie de 1907. L’Allemagne ne prit en pas cela en considération. L’industrie allemande de la couleur, Bayer et BASF pouvaient fabriquer les poisons nécessaires et en reçurent l’autorisation. La première attaque toxique eut lieu le 22 avril 1915. Elle causa une tuerie horrible dans les rangs français qui n’y étaient pas du tout préparés. La France fut obligée d’aller à la défensive. La guerre s’arrêta et les Allemands eurent le temps dont ils avaient besoin pour la fabrication de l’acide de salpêtre.

Quelques semaines plus tard, Bosch réussit, en 1915, la fabrication en masse des nitrates synthétique dans l’usine d’Oppau. Les militaires allemands ne furent plus jamais dépendants des salpêtres du Chili. S’il ne s’agissait que de la question d’accès à la poudre, la guerre pouvait continuer infiniment. Une nouvelle usine fut construite à Leuna en Allemagne du Centre. La guerre procure du profit. La production des usines d’Oppau et de Leuna procura de très importants bénéfices aux actionnaires. En réalité, des bénéfices de l’ordre de 25% sur le capital investi pendant le reste de la période de guerre ! La production de l’acide des salpêtres sauva l’Allemagne d’une défaite rapide. La guerre continua pendant trois ans de plus. Les industries chimiques allemandes continuèrent à s’approcher les unes des autres pendant ce temps afin de pouvoir défendre leur position de monopole sur certains produits. En 1916, huit entreprises chimiques allemandes fusionnèrent (BASFT, Bayer, Hoechst, Kalle, Casella, Agfa, Ter Meer, Greisham) et formèrent Interessen Gemeinshaft der Deutschen Terfarbenindustrie (Communauté d’intérêts de l’industrie allemande de la couleur). Le groupe fut connu sous le nom d’IG-entreprises.

La guerre alla mal pour les Allemands mais bien pour les industries chimiques. La guerre exigea beaucoup de quantités de poudre, un profit énorme pour l’industrie chimique. Il y avait cependant un problème. Pour produire la poudre, il faut des travailleurs ; pas de profit sans travailleur. La force de travail ne suffisait pas ; beaucoup des travailleurs étaient à la guerre. Bien plus, les salaires des travailleurs augmentèrent. Le président des IG-Entreprises, Carl Duisbourg, s’en plaignit auprès du gouvernement allemand. Duisbourg exigea du gouvernement « d’ouvrir le réservoir de la classe des travailleurs belges ». En d’autres mots, Duisbourg voulait que le gouvernement força les travailleurs de la Belgique occupée de venir en Allemagne travailler dans les usines allemandes comme main d’œuvre esclave. Le gouvernement allemand accepta les exigences de Duisbourg. L’armée allemande commença alors une importation très brutale des travailleurs belges.

Les soldats allemands menaient des raids contre les maisons, les places publiques, et les marchés. Plus de 66.000 belges furent amenés de force vers l’Allemagne et utilisés comme main d’œuvre esclave dans les IG-entreprises. Mais une fois en Allemagne et bien que menacés et punis, personne n’amena les travailleurs belges à travailler. Le projet fut abandonné après quelques mois et les Belges furent renvoyés chez eux. C’était la première fois que les IG-entreprises avaient exigé d’utiliser de la main d’œuvre esclave. Elles purent fonctionner en grande partie avec de la main d’œuvre esclave plus tard pendant la deuxième guerre mondiale dans les usines les camps de concentration où beaucoup de gens payèrent de leurs vies les bénéfices énormes des IG-entreprises.

 

Les IG-entreprises s’adaptent à la paix.

Malgré les nouvelles découvertes, la première guerre mondiale n’alla pas bien pour l’Allemagne. Le manque des matières premières et de la nourriture était criante pour l’Allemagne. Le pétrole commença à prendre fin lorsque la Roumanie rejoignit les alliés en août 1916. Le caoutchouc également, à cause du blocus britannique. L’industrie chimique travaillait à plein régime pour trouver des produits de substitution au pétrole et au caoutchouc. C’étaient les nouveaux challenges qui allaient rendre l’Allemagne indépendantes de toute importation des matières premières nécessaires pour conduire la guerre et donner aux IG-entreprises davantage de bénéfices. Mais les IG-entreprises ne réussirent pas dans cette tâche avant que la guerre ne fût perdue par l’Allemagne. Un remplacement du caoutchouc fut découvert et produit mais il avait était impossible de l’utiliser dans la fabrication des pneus.

Lorsque l’interdiction sur les armes arriva, le 11 novembre 1918, les IG- entreprises s’adaptèrent à la situation et se fixèrent pour objectif de survivre. Les accusations sur la guerre de gaz furent sérieuses. Les alliés voulaient amener les responsables devant la justice et avoir connaissance des procédés secrets de fabrication des gazes toxiques, des matières explosives, des matières colorées et des nitrates. Les IG-entreprises s’opposèrent à ceci déclarant que ça allait porter atteinte à leurs chances de s’affirmer dans le commerce comme entreprises après la fin de la guerre. L’argument peut paraître étrange dans une situation de défaite lorsque l’on a causé autant de souffrances. Mais c’est un point de vue accepté en économie capitaliste. Les exigences les plus dures vinrent de la part de ceux qui étaient les plus touchés, la France. La France voulait seulement que toutes les usines d’armement allemandes fussent détruites, même les usines de production des couleurs et des nitrates. Ça allait sonner la fin des IG-entreprises. Mais il n’en fût pas ainsi. Les IG-entreprises avaient pu se créer, grâce à la ruse et à la corruption, une place dans les discussions et les délibérations. Même avec la France.

Lorsque le négociateur des IG-entreprises, Carl Bosch, quitta Versailles en 1919, l’on était tombé d’accord de garder la plus grande partie des secrets et toutes leurs usines. On avait pu acheter la France en partageant avec elle la connaissance et la technique sur la fabrication des couleurs. L’entreprise française, Compagnie Nationale, reçut les secrets de fabrication des IG-entreprises contre 50% des bénéfices nets pendant 45 ans. La connaissance sur la fabrication des couleurs se répandit. La grande entreprise DuPont avait, pendant la guerre, pris le contrôle des usines des usines des couleurs des IG-entreprises aux Etats-Unis. En achetant plusieurs ingénieurs allemands appartenant aux IG-entreprises, même DuPont avait appris à fabriquer les couleurs.

La concurrence internationale sur le marché des couleurs devint un fait quelques années plus tard. La domination des IG-entreprises dans la fabrication des nitrates allait elle aussi petit à petit prendre fin. L’idée d’une collaboration internationale accrue en matière de vente, commença alors à se développer au sein des IG-entreprises. Les huit entreprises étaient toutes positives sur ce sujet. Mais Carl Bosch avait des projets encore plus grands. Il proposa plutôt en 1942 d’unir toutes les IG-entreprises en un seul groupe et de cette façon, de rassembler toutes leurs activités et toutes leurs finances dans une même grande entreprise. Celle-ci allait devenir une entreprise énormément puissante. La proposition de Bosch fut acceptée par les sept autres entreprises et les IG-entreprises s’unirent en décembre 1925 en une seule entreprise du nom de IG-Farbenindustrie Aktiengesellschaft. Carl Duisbourg en devint président du conseil d’administration et Carl Bosch directeur exécutif. La fusion devint un grand succès d’affaires. Bien que l’économie allemande se portait très mal, la valeur des IG-actions se multiplia plus de trois fois pendant l’année 1926.

IG Farben, le pétrole et le caoutchouc à partir du charbon

IG Farben était la création de Bosch et celui-ci avait des plans concrets pour cette entreprise et les nouveaux produits qu’il allait développer à travers la chimie de la haute pression. Bosch pensait maintenant réaliser/ produire en grand quantité, ce qui, en laboratoire, avait été calculé théoriquement et fait à petite échelle. Bosch allait transformer les ressources allemandes de charbon en essence ! L’essence, le plus joli de tous les produits pétroliers ! Il y avait, selon Bosch, de grands profits à tirer de là. Bien plus, Bosch voulait libérer l’Allemagne de la dépendance des ressources pétrolières étrangères. Le pétrole était une nécessité absolue en temps de guerre. Mais l’utilisation du pétrole commençait effectivement à augmenter de manière remarquable, même en temps de paix, avec l’augmentation de la circulation automobile. Même en Allemagne. Mais aussi parce que le gouvernement allemand avait, en secret, commencé un réarmement de son armée et avait besoin d’essence en grandes quantités. L’objectif était de pouvoir entretenir une armée mécanisée constituée des chars, d’avions d’attaques et de bombardiers sans pétrole provenant des ressources pétrolifères. Les revanchards réjouissaient déjà d’avance d’une nouvelle guerre qui devrait reconquérir la place de leader à l’Allemagne.

Bosch et IG Farben ne voulaient pas seuls se jeter dans le projet charbon-essence. Car le projet était très cher. C’était en 1926, une époque à laquelle les prêts provenant des Etats-Unis affluaient en Allemagne. Bosch cherchait un partenaire dans le chef de la plus grande entreprise du monde, Standard Oil of New Jersey, dont les ressources financières étaient, en grande partie, illimitées. En 1926, le chef du département du développement de Standard Oil, Frank Howard, vint aux laboratoires d’IG Farben, à Ludwigshagen, pour examiner la recherche de cette entreprise sur le processus charbon-essence. Howard fut extrêmement impressionné et fit rapport à son chef Walter Teagle sur la façon dont IG Farben pouvait « fabriquer une essence à moteur de haute valeur à partir du lignite et d’autres sortes de charbon de basse qualité, en une quantité qui correspond à la moitié du poids du charbon. Ceci implique totalement et clairement l’indépendance européenne en matière d’approvisionnement en essence ».

 

Standard Oil proposa, en 1927, à IG Farben, une coopération économique en matière de développement de ce processus. Mais IG Farben avait, bien avant cela, déjà suffisamment avancé dans le projet. « On commença par construire une nouvelle usine à Leuna, en juin 1926, pour la production en masse du pétrole synthétique. L’objectif était de produire 100.00 tonnes par an. » Il fut découvert que la fabrication massive de l’essence à partir du charbon, était un processus difficile à maîtriser, processus qui fit sérieusement augmenter les coûts. Ce qui nécessita encore plus d’argent. Ce que Standard Oil avait donné n’était pas suffisant. Une coopération économique renforcée était nécessaire. Bosch ne parla jamais des difficultés de fabrication et réussit à amener Standard Oil à investir plus d’argent. Bosch vendit les droits au processus de fabrication dans le monde entier à l’exception de l’Allemagne. IG Farben obtint 20% des bénéfices futurs. IG Farben obtint en plus ce qui sauva l’entreprise pour le moment. Standard Oil donna à IG Farben 2% de tout son stock en capital, 546.000 actions à une valeur de 35 millions de dollars !

Bosch n’arrêta pas par ici ses efforts destinés à obtenir plus d’argent de la part Standard Oil. Il réussit même à embarquer Standard Oil dans un projet commun pour fabriquer et vendre du caoutchouc synthétique, du caoutchouc buna, fabriqué à partir du charbon. La fabrication du caoutchouc buna était toujours très couteuse et ne pouvait concurrencer le caoutchouc naturel. Bosch espérait que Standard Oil pouvait répandre l’utilisation du caoutchouc buna parmi les fabricants des pneus aux Etats-Unis. Mais la coopération s’arrêta ici cette fois-ci. La grande dépression économique qu’il y eût aux Etats-Unis et plus tard dans le monde, avait mis fin à tous les investissements dans les nouveaux produits. Il fut, en plus, presque au même moment, découvert de nouvelles grandes réserves de pétrole au Texas, et le prix du pétrole tomba dramatiquement.

Le prix de la fabrication d’un litre de pétrole synthétique était entre 40 et 50 Pfenning allemands et un litre du pétrole naturel était de Pfennig en 1930. Le prix du caoutchouc naturel tomba encore davantage pendant la dépression. Tous les plans de production de l’essence et du caoutchouc à partir du charbon furent annulés aux Etats-Unis. Malgré cela, Bosch et IG Farben avaient de toute façon eu ce dont ils avaient besoin: de l’argent pour pouvoir continuer la recherche et la fabrication. Mais maintenant que les prix des matières naturelles étaient si moins chers, seule une chose pouvait sauver les profits. Seule une Allemagne en guerre aurait besoin du pétrole et du caoutchouc fabriqués à partir du charbon. Ce fut le prochain projet de Bosch et d’IG Farben.

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yogaesoteric


13 janvier 2020

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