Est-ce Gregorian Bivolaru l’ennemi n° 1 des services secrets roumains? (2)

 
par Mihai Vasilescu

 
Lisez ici la première partie de cet article

 
La résistance des yogis devant la répression de la Securitate est, selon le chercheur Gabriel Andreescu, un phénomène unique en Roumanie pendant la période communiste. Cette résistance tenace des yogis est due en grande partie aux qualités que la pratique du yoga éveille chez l’humain: dignité, force intérieure, courage, patience, etc. Malheureusement, étant donné que les conditions pour la pratique du yoga en Roumanie n’ont pas beaucoup changé aujourd’hui, les yogis doivent démontrer encore et encore ces qualités au fil des années face à l’injustice, aux abus des autorités et aux attaques haineuses des médias. Et ce que nous trouvons derrière l’ensemble du phénomène, si l’on regarde attentivement, ce sont justement les intrigues de la Securitate et de son descendant direct, SRI. Dans un régime apparemment libre, les yogis sont redevenus par la force des circonstances, un groupe de résistance et leur persévérance a commencé à susciter l’admiration des gens intelligents qui parviennent à voir au-delà des apparences. 

Le dossier de Bivolaru rédigé par la Securitate peut être consulté par les chercheurs et les journalistes dans les archives de CNSAS. Ceux qui auront un minimum de curiosité à le consulter découvriront les efforts faits par les tortionnaires de la Securitate pour lui mettre en scène des délits de droit commun. Ce qui a terriblement énervé les employés de la Securitate est que, bien qu’ils aillent des informateurs dans tous les groupes de yoga coordonnés par Gregorian Bivolaru, ils n’ont pratiquement réussi à « documenter » aucun acte illégal, sauf la pratique du yoga, que la Securitate avait déclaré comme illégale. Les raids, les arrestations, les interrogatoires, les représailles brutales au travail, les menaces ont échoué à arracher des pratiquants de yoga des fausses déclarations, incriminant leur professeur de yoga. L’effort de la Securitate s’est alors orienté vers la fabrication des preuves (déclarations qui correspondent aux objectifs poursuivis, des photos manipulées, etc.), mais ceux-ci ne suffisaient pas pour une condamnation.

En ce qui concerne Gregorian Bivolaru, la documentation de la Securitate montre clairement la vie introvertie qu’il menait, passionné par l’étude, par les livres, la pratique du yoga. Après des raids répétés à son domicile (quand à chaque fois lui étaient confisqués des livres de yoga qu’il avait réussi à trouver ou copier) est ressorti que Gregorian Bivolaru entretenait une correspondance avec Mircea Eliade, considéré alors « ennemi du régime ». Cependant, même alors, la Securitate n’a pas opté pour une condamnation politique. Il lui étant impossible de trouver quoi que ce soit, la Securitate a bricolé une accusation sur la base de « diffusion de pornographie ». Il s’agissait de quelques magazines Playboy trouvées dans sa maison – magazines alors illégales – mais l’enquête ne pouvait pas bouger trop, parce que quand il a été interrogé, Gregorian Bivolaru a dit que ces magazines il les avait reçus d’un officier de la Securitate.

Dans l’article précédent nous avons parlé à propos de l’obsession de certains membres éminents de la Securitate pour prouver que Gregorian Bivolaru planifiait une attaque paranormale à l’adresse de Ceausescu. Il était une fiction conçue pour obtenir la promotion et l’appréciation du dictateur. Enfermé et brutalement interrogé pour reconnaître le « complot », Gregorian Bivolaru échappe. Par son propre témoignage, il l’a fait parce que c’était la seule forme de protestation qui lui était accessible, mais aussi pour informer ses amis de ce qui lui était arrivé, pour que les membres de la Securitate ne s’imaginent pas pouvoir l’emprisonner, torturer ou tuer sans que cela soit connu. Finalement, Gregorian Bivolaru a été capturé à nouveau et emprisonné, accusé d’avoir échapper à la garde de la Securitate, et cette fois des chaînes de 10 kg lui ont attachées aux pieds. Voici, bien que dans les actes il n’y ait aucune accusation formelle contre lui expliquant pourquoi il a été fermé (pour avoir d’où échapper), Gregorian Bivolaru a fait prison pour « évasion ». Ceci est juste l’un des nombreux paradoxes aberrants du cas juridique Bivolaru.

Une période de carrefour de ces événements dramatiques est venue avec la décision que, au lieu de lui mettre en scène certaines infractions, il soit déclaré malade mental et emprisonné ensemble avec d’autres prisonniers politiques (qui n’étaient pas appelés ainsi à l’époque), à Poiana Mare. Les communistes étaient au moins cohérentes sur le plan juridique, ce qui ne peut pas être dit au sujet du régime actuel: une fois qu’ils ont abusivement déclaré Gregorian Bivolaru comme malade mental dangereux, ils ne l’ont plus accusé d’infractions pénales parce que, par la loi, les malades mentaux ne peuvent pas être tenus responsables devant la loi pour leurs actions. La grande chance de Gregorian Bivolaru, en 1989, est que le psychiatre de Poiana Mare l’a aidé à dissimuler qu’il suivait le traitement et donc supporter la période de détention dans le « sanatorium » psychiatrique, qui était en fait une prison pour les détenus politiques, hospice déguisé, où ceux-ci étaient contraints de prendre des médicaments qui les tournaient en « légumes ».

La Révolution de 1989 a trouvé Gregorian Bivolaru à Poiana Mare, d’où il a été immédiatement libéré, mais sans aucune preuve à l’appui, parce que les médecins craignaient de ne pas être accusés par la suite de faute professionnelle et d’abus. Compte tenu de l’histoire impressionnante de la dissidence de Gregorian Bivolaru pendant le régime communiste, il était attendu qu’il soit absous, après 1989, de toutes les accusations absurdes apportées par la Securitate pour qu’il puisse mener une vie normale pour profiter de tous les droits de citoyen garantis théoriquement par la Constitution de l’Etat roumain: le droit à la vie privée, le droit d’association, le droit de choisir ses propres croyances, etc. Malheureusement, tandis que pour d’autres (beaucoup moins opprimés par le régime communiste) la soi-disant révolution de 1989 a marqué une nouvelle liberté, pour Gregorian Bivolaru cela n’a apporté ni de justice, ni de reconnaissance des abus, ni de tentative pour compenser toutes les souffrances endurées.

S’il existe encore des naïfs en Roumanie qui s’imaginent qu’en 1990 que notre pays a dit adieu au régime et à la mentalité communiste ou que les structures répressives du communisme ont été abolies, une brève analyse du dossier de Bivolaru va leur montrer combien ils ont tort. Il y a une différence notable: ce qui était alors dans l’ombre, maintenant, il se déroule dans la lumière du jour. Les autorités ont maintenant réussi non seulement à fabriquer et documenter avec des fausses déclarations une infraction de droit commun, mais aussi d’obtenir une condamnation pour « acte sexuel avec une mineure » alors qu’il n’y a pas de victime!

La première grande injustice de laquelle les autorités du régime postcommuniste se font coupables dans le cas de Bivolaru est le fait qu’elles n’ont pas reconnu le caractère politique de son hospitalisation psychiatrique. Selon la déclaration du professeur de yoga, lorsqu’il a demandé de clarifier cette question et de recevoir un document qui prouve son état de santé mentale, la réponse (verbale) qu’il a reçu était non seulement une négation véhémente, mais aussi l’assurance pleine de venin reçue de ceux qui l’avaient enquêté avant 1989 que « toute sa vie il aura des papiers de fou ». Dans ces circonstances, où les autorités roumaines « post-révolutionnaires » ont refusé d’annuler l’abominable abus du régime Ceausescu, nous ne pouvons ne pas remarquer une autre bizarrerie de ce cas : Gregorian Bivolaru est le seul Roumain qui est, simultanément, avec les actes « légaux » délivrés par l’État roumain, irresponsable mentalement, et aussi condamné à la prison, comme ce certificat n’existerait pas. Ce double aspect (de malade mental et de condamné) est un autre paradoxe absurde du cas Bivolaru.

La continuité des représailles contre les yogis et, en particulier, contre Gregorian Bivolaru, avant et après 1989, montre également la continuité du fonctionnement des services secrets roumains qui, après la restructuration de 1990, ont reçu un nouveau nom, SRI au lieu de Securitate, mais c’est tout ce qui a changé en ce qui les concerne. En prévision du prochain article nous présentons ici quelques arguments sur ce que les services secrets se trouvent derrière la campagne visant à discréditer Gregorian Bivolaru et sont également responsables du fait qu’il soit chassé par les corps juridiques et de police: après 1990, divers journaux dont les liens avec les services secrets ont déjà été prouvés, sont ceux qui a donné le ton de la campagne contre lui. A peu près tous les journalistes impliqués « corps et âme » dans la campagne contre Gregorian Bivolaru se sont révélés être des informateurs, des collaborateurs, des employés ou des cadres supérieurs SRI. Ces preuves sont surgies plus tard et nous permettent maintenant, à une analyse rétrospective, de comprendre qui a commencé cette campagne, qui l’a entretenue et qui a fourni du matériel pour elle. En 1992 et 1993, avant la création de CNSAS, avant qu’on puisse consulter légalement les fragments du dossier Bivolaru, des fragments de ce dossier sont apparus dans la presse: il s’agit exactement des fabrications des documents pour les infractions de droit commun.

Très ouvertement, SRI est responsable pour inoculer l’idée que MISA serait une « secte » et plus encore, une « secte dangereuse ». SRI a supervisé plus ou moins légalement (ou carrément illégalement) l’activité de MISA de sa fondation jusqu’à présent et il a surveillé en continu Gregorian Bivolaru. Par conséquent, de tous les « acteurs » dans le cas Bivolaru, SRI est celui qui sait trop bien qu’il n’est coupable d’aucun fait pénal (car il n’y a aucune preuve contre lui), mais il est aussi le plus actif à inventer des accusations contre lui – comme la Securitate le faisait pendant le régime communiste.

Sous le communisme, les membres de la Securitate ont mené un combat inégal, féroce contre les « yogis de Bivolaru » et ont fait de Gregorian Bivolaru l’ennemi no. 1 du régime communiste. Maintenant, le SRI est celui qui tente désespérément de faire de sa propre haine et de son acharnement contre un professeur de yoga une cause nationale.

(à suivre)

 


yogaesoteric
15 mars 2016


 

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