7. Effort ou non-effort sur la voie spirituelle
un article de Gregorian Bivolaru
Dans la pensée tantrique, une autre contradiction apparente, assez délicate, provient du fait que, d’une part, on dit dans le traité Maharthamanjari: “Restes en totalité conscient tel que tu l’es et ne te fait plus de souci, car le but est déjà atteint”, ou dans Nrimha Uttara Upanishad: “Réalises qu’en effet il n’existe ni disparition, ni devenir. Il n’existe personne à enchaîner, personne pour agir, personne pour avoir besoin de la libération et personne pour être libéré”, et, d’autre part, il existe la nécessité que ces phrases ne soient pas comprises littéralement, sinon elles n’inviteraient qu’à l’engourdissement spirituel et au situationnisme puéril qui feront ainsi que toute tentative de libération spirituelle devienne superflue et dépourvue de sens. Nous allons éclairer quelle est l’attitude juste du chercheur spirituel, qui doit, tel que Patanjali l’affirme: “pratiquer l’effort dans le non-effort et le non-effort dans l’effort”.
N’ayant pas toujours la chance – ou la malchance, selon la perspective – d’être projetés soudain dans la réalité de l’”état naturel” au pouvoir d’un cataclysme et même contre notre volonté (cela ne se produit qu’exceptionnellement), nous nous rendons compte que nous sommes contraints d’utiliser un moyen quelconque, à utiliser des béquilles.
Dès le début nous devons admettre que la réalité n’est pas soumise au changement, sauf si nous considérons qu’elle évolue en fonction des concepts que nous utilisons pour l’aborder. Tout ce qui change est notre fonctionnement dans le cadre des processus de RÉSONANCE en rapport avec elle. Ceux que nous appelons “libérés en vie” peuvent affirmer, sans risquer la moindre imposture, que rien ne s’est produit avec eux. Ils fonctionnent alors en totalité harmonieusement, dans une réalité ULTIME qui n’a ni début, ni fin. Mais je vous assure que pour la société ce sont des personnes qui provoquent des problèmes, qui sont des exemples destructifs.
Pour la plupart des gens qui fonctionnent exclusivement dans la dualité, dans des institutions sociales et qui respectent des codes moraux bien définis, pour ceux qui se trouvent dans un temps chronologique qui a une histoire et un espace avec deux dimensions, le passage à la conscience totalement illuminée, représente une expérience bouleversante. Par contre, pour le sage qui est fermement ancré dans cet état de conscience, à partir du moment où il l’a vit pleinement, il n’existe plus d’expérience.
Et pourtant dans cette situation rien de décisif ne s’est produit. Nous pourrons comparer cette situation à une deuxième naissance : le nouveau-né et, plus tard, l’adulte qu’il devient, ne peut jamais parler de l’expérience de sa naissance. Mais même cette analogie est pâle, car il est impossible de réaliser une comparaison adéquate entre la naissance à la vie inconditionnée et la naissance à la Conscience Totale. Pour parler de l’expérience, du passé et du futur, il faut être du même côté de la rivière et non pas de l’autre côté.
“Ce qui est” n’a en réalité de passé et de futur, à l’exception de quelques plis, de quelques « apparences », qui apparaissent dans la modification de cet ordre implicite. L’unité ne peut se modifier. La rupture devient sensible seulement dans le cas d’ignorance et d’infirmité d’un être dont la perception est limitée. Si en effet il existe une illusion, celle-ci est le point précis où elle peut être décelée, et non pas dans la réalité des phénomènes physiques. L’illusion, vrai fantasme, ce n’est pas le monde, mais la manière déformée dont nous l’interprétons comme étant indépendante ou illusoire, réelle ou irréelle, en conformité avec la vision d’une école de pensée ou autre. C’est une sorte de farce que le mental nous joue.
Pour un être humain commun plongé dans l’agitation et les préoccupations de toute sorte, le fonctionnement d’un “libéré en vie” ne peut rester qu’une énigme et un paradoxe. D’ailleurs, le plus souvent il ne se rend même pas compte qu’il existerait une différence, car la vérité réalisée ne présente aucune particularité apparente. Il ne sert à rien d’en parler, car il est impossible de prétendre que nous pourrons jamais le comprendre tant que nous nous complaisons dans notre condition commune. Cela ne serait qu’une absurdité et une tromperie.
Voilà pourquoi surtout alors les affirmations des sages nous semblent si déroutantes, et autrefois d’une banalité si grande, qu’à première vue nous pouvons les confondre avec un truisme ou une incitation à la paresse, à l’indifférence, à une vie végétative, ou purement et simplement une provocation gratuite. Dans une telle situation les auteurs de ces affirmations peuvent être confondus avec des badins, ou des niais, ou des personnes qui ont des problèmes mentaux ou à des farceurs ; ce qui d’ailleurs les amuse beaucoup… Et cela, bien sûr, sera ainsi jusqu’au moment où l’évidence s’imposera et la réponse authentique à toutes les questions et tous nos efforts se révèlera être la suppression de toute question. Lorsque le mental ne posera plus de questions, ceci sera la réponse. Ce sera l’évidence que nous sommes passés de l’autre bord de la rivière et, ensuite, instantanément, nous comprendrons qu’il n’existe plus un autre bord!
Mais notre chance d’atteindre ce bord est presque nulle, car le désir ou la volonté d’y arriver devient le principal obstacle ; l’ego et nos attachements se déplacent vers le but suprême, vers des buts “spirituels” et nous ne soupçonnons même pas que, dans de nombreuses situations, nous attend un arrêt définitif. Nous continuons à “agir”, mais cette fois dans le sublime. Alors quoi faire pour ne plus agir? Ne rien faire. Mais nous savons que la non-action ne signifie rien ! Quelle est, par conséquent, l’attitude juste qui fait vraiment de la non-action une réalité de l’éveil et non pas une torpeur ? Comment faire pour ne pas adopter de manière volontaire et égoïste une certaine attitude ? Et comment réussir à oublier sur nous-mêmes sans pour autant s’endormir?
Comment pourrait alors exister une tentative quelconque, une apparence de faire un exercice, si le désir d’arriver quelque part est absent ? Sans désir, sans volonté, sans l’espoir d’un résultat, sans agir, la notion de but semble elle-même une inconséquence, une abstraction, pour ne pas dire une absurdité. Pourtant l’absurde possède un pouvoir caché!
La non-action appartient à l’ordre du monde, à l’harmonie cosmique (MACROCOSMIQUE), au DHARMA. L’action appartient à la logique de ce monde.
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