Un Nuremberg moral pour l’Occident pour expier ses cinq siècles d’impunité (2)
« Quand les blancs sont venus en Afrique, nous avions la terre et ils avaient la Bible. Ils nous ont demandé de prier avec les yeux fermés ; quand nous avons ouvert les yeux, les blancs avaient la terre et nous avions la Bible. » (Jomo Kenyatta, ancien président Kenyan)
« Les nations européennes se vautrent dans l’opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s’est nourrie de leur sang. Ce bien être est du à la sueur et aux cadavres des nègres, des arabes, des indiens et des jaunes. » (Frantz Fanon)
Lisez la première partie de cet article
Les génocides des amérindiens. Christophe Colomb, Fernando Cortez
« Le Nouveau Monde, écrit Lissell Quiroz, s’est transformé en abattoir (…….) Les pandémies ne sont pas un phénomène du XXIe siècle, elles existent depuis les siècles anciens. (….…) Selon les chiffres fournis par les chroniqueurs tout comme les estimations élaborées par des chercheurs, la population des Amériques connut une chute vertigineuse au temps de l’invasion et la conquête. Différentes hypothèses situent la population initiale entre 20 et 150 millions dʼhabitant·es. Un certain consensus s’est établi autour de 100 millions dʼhabitant·es. Une cinquantaine d’années plus tard, le continent avait perdu entre 80% et 90% de sa population totale. Le Mexique par exemple ne retrouve le nombre d’habitant·es du XVe siècle, que dans les années 1960. (….…) la destruction démographique résulte de la cupidité et des guerres déclenchées par les Espagnols entre 1530 et 1550. (….…) Pour pouvoir exploiter des ressources minières, Christophe Colomb institua un impôt colonial par tête (appelé encomienda) selon lequel tous les trois mois, chaque Autochtone devait lui donner une certaine quantité d’or ou de coton. L’Église fut un soutien de taille et l’évangélisation servit à mieux contrôler la main d’œuvre indigène déracinée et acculturée. L’encomienda et l’évangélisation déstructurèrent en profondeur les sociétés d’Abya Yala. La vie communautaire, familiale et collective, fut totalement bouleversée et à terme, anéantie dans toutes les régions américaines conquises et colonisées. »[5]
Le génocide des Hereros de Namibie par le général allemand Lothar von Trotha
Entre 1904 et 1908, plus de 80% de la population des Hereros et 50% des Namas de Namibie sont assassinés par les soldats allemands. En 1884, l’Allemagne envahit le territoire namibien et fonde la colonie du « Sud-Ouest africain allemand ». Le 12 janvier 1904, les Hereros se rebellent. Guidés par leur chef, Samuel Maherero, ils attaquent une garnison allemande à Okahandja. En juin 1904, le général allemand Lothar Von Trotha est envoyé en Namibie pour réprimer la révolte Herero. Le 11 août 1904, lors de la bataille de Waterberg, les soldats ont pour ordre de ne faire aucun prisonnier. Ainsi, en quelques semaines, des milliers de Hereros meurent de faim et de soif. Von Trotha signe l’ordre de tuer tous les Hereros, le 2 octobre 1904 : « Les Hereros ne sont dorénavant plus sujets allemands (….…). Tout Herero aperçu à l’intérieur des frontières allemandes avec ou sans arme, avec ou sans bétail sera fusillé. Je n’accepterai plus désormais les femmes et les enfants, je les renverrai à leur peuple ou les laisserai être abattus. En 2004, le gouvernement allemand reconnaît sa responsabilité dans le génocide des Hereros. »[6]
En 2021 coup de théâtre ! « C’est une première écrit Lucie Dendooven dans l’histoire de la colonisation européenne en Afrique. Un État colonisateur, l’Allemagne, en l’occurrence, reconnaît avoir commis un génocide contre les populations des Hereros et Namas en Namibie va verser au pays plus d’1 milliard d’euros d’aide au développement. »[7]
L’Inde et les massacres de masser d’Amritsar par le général Reginald Dyer
L’Empire britannique a été accusé de plusieurs génocides. La doctrine de la terra nullius a été utilisée par les Britanniques pour justifier leur saisie du territoire. La mort en avril 2019 de 3.000 à 15.000 aborigènes tasmaniens a été appelée un acte de génocide. L’extinction des Aborigènes de Tasmanie est considérée comme un cas classique de génocide : « Churchill était un partisan fier, impénitent et indéfectible du racisme, du colonialisme, du génocide, du militarisme, des armes chimiques, des armes nucléaires et de la cruauté en général – et le montrait avec une arrogance éhontée Churchill, comme le documente Ali, a grandi dans l’amour de l’Empire britannique Il pensait que les vallées afghanes devaient être “ purgées de la vermine pernicieuse qui les infeste ” (c’est-à-dire les êtres humains). Il préconisait le recours aux armes chimiques contre les “ races inférieures ”. Il a contribué à la création de la famine du Bengale, sans le moindre souci pour la vie humaine. »[8]
Bien plus tard, pour protester contre le Rowlatt Act, Gandhi organise en mars et avril 1919. Des heurts ont lieu entre les amis de Gandhi et les autorités. Le 13 avril, à l’occasion du Baisakhi Day, la fête du début des moissons, une dizaine de milliers d’Indiens se réunissent dans le Jalianwalla Bagh, un jardin au cœur d’Amritsar. Le rassemblement est un défi à l’interdiction, dans la ville. La troupe, composée de 50 soldats de l’Armée des Indes, équipés de fusils Lee-Enfield, se rend au parc accompagnée d’une auto-mitrailleuse. Les soldats sont commandés par le brigadier-general Reginald Dyer qui fait tirer sans sommations des Indiens tentent d’échapper aux balles en grimpant aux murs ou en se jetant dans un puits. Les estimations officielles font état de 379 tués et 1.100 blessés pour 1.650 balles tirées, une efficacité dont Dyer s’enorgueillira plus tard. La troupe se retire ensuite, laissant les blessés fut convoqué à la Commission Hunter qui, en 1920, le déclara coupable. Cependant le Parlement britannique le réhabilita et le félicita pour sa brutalité.[9]
Le génocide libyen oublié : Le maréchal Graziani « boucher de la Cyrénaïque »
Tout commença en Italie en 1922 avec l’invasion de la Lybie. Lorsque les fascistes italiens sont arrivés au pouvoir les colonisateurs ont dû dégager le territoire libyen – par la force si nécessaire – pour pouvoir y installer des fermiers venus d’Italie. Cette politique délibérée de tueries de masse et de famines organisées visait à annihiler un peuple entier et sa culture. Le maréchal Graziani, est connu pour sa brutalité dans la répression de la rébellion en Cyrénaïque. Il est aussi tristement célèbre pour le massacre de milliers a ordonné l’utilisation de gaz toxiques et des armes chimiques. De Tripoli à Benghazi, l’homme de Mussolini est considéré comme « le boucher de la Cyrénaïque ». Ce criminel de guerre mata la rébellion anticoloniale menée par le nationaliste Omar Al Mokhtar. Graziani occupe une place sinistre dans la mémoire de la Libye. Ses méthodes sont brutales : il use de colonnes mobiles depuis longtemps éprouvées par l’armée coloniale française, crée des camps de concentration. En 1931, il finit par faire pendre, devant une foule médusée, un grand chef de guerre de 69 ans, Omar Al Mokhtar. Pour venir à bout des rebelles, il les contraint à vivre dans le désert, derrière un mur de barbelés. On estime à 100.000 morts, sur une population de 800.000, les pertes occasionnées par l’occupation italienne en Libye sur cette période. Olivier Favier de conclure : « Ce n’est peut-être pas un hasard […] si la France a pratiquement fait silence sur cette histoire. Le parcours colonial de Rodolfo Graziani possède ici certains équivalents de taille, eux aussi honorés. »[10]
Le génocide de mai 1945 perpétré par le général Raymond Duval boucher de Sétif
La commémoration du 8 mai 1945 à Alger lit-on sur cette contribution, n’est pas celle de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie mais celle des massacres perpétrés par la France contre les indépendantistes algériens à Sétif, Guelma, Kherrata et leurs régions. Mais les crimes perpétrés par la France en Algérie pendant la colonisation ne sont pas reconnus par l’ONU comme un crime contre l’humanité ou un génocide. L’ONU n’est pas une institution neutre et la France, qui a participé à définir ces notions, n’a pas intérêt à pointer ses crimes, d’autant qu’une véritable reconnaissance aurait des conséquences jusque sur sa politique actuelle. Ce que souligne l’historien et ancien président de l’Association du 8 mai 1945 Mohamed El-Korso dans le journal El Watan : « Un colonel de la colonisation dit : ” Je coupe les têtes ” [un autre] : ” Tuez tous les hommes à partir de 15 ans “. […….] Les colonels [français] sont venus liquider tout un peuple et ils ne pouvaient prendre la place de ce qu’ils appelaient les ” autochtones ” sans commettre de génocide. Il ajoute : ” L’armée coloniale expérimenta l’extermination par le gaz un bon siècle avant l’Allemagne nazie ” avant de lister des pratiques génocidaires, dont ” les enfumades et emmurements […….] (1844), les fours à chaux (1945) et le charnier de Chréa qui compte pas moins de 651 cadavres. ” »[11]
« Le 8 mai 1945, écrit Nathan Erderof, est, aussi, l’anniversaire caché et mis sous le tapis par l’État français d’un des nombreux épisodes de sanglante répression coloniale (….…) l’État colonial répond à une mobilisation indépendantiste par le massacre de dizaines de milliers d’Algériens. La répression, menée par le général Duval, engageant l’aviation et la marine, est une véritable boucherie.” Comme le rappelle le Monde Diplomatique : ” Les civils européens et la police se livrent à des exécutions massives et à des représailles collectives. Pour empêcher toute enquête, ils rouvrent les charniers et incinèrent les cadavres dans les fours à chaux d’Héliopolis “. Dans la région de Bejaia, 15.000 femmes et enfants doivent s’agenouiller, à Kherrata, les cadavres des manifestants ont été jetés dans le fleuve par des camions de l’armée coloniale. Des chiffres dont l’ordre de grandeur est confirmée par les historiens, alors que l’État français n’aura de cesse de les minimiser. »[12]
« Comment rendre alors justice aux centaines de millions d’êtres humains victimes de massacres de massacre, de génocide, aux milliards de personnes qui d’une façon ou d’une autre gardent dans leur génome ce trauma d’une façon épigénétique de dizaines de générations en générations. Si nos aïeux nous transmettent leurs traits physiques, ils nous transmettraient aussi leurs traumas. Appliquée à tous les conflits, ceci peut amener à une nouvelle vision des dommages de guerre que l’on pourrait faire supporter à l’agresseur au profit des descendants car ce qui leur arrive est un douloureux héritage. Il n’est pas interdit de penser à titre d’exemple à l’immense tremblement de terre, qu’ont subi les Algériens un matin de juillet 1830 et ceci pendant 132 ans et dont les répliques à savoir les errances actuelles, les traumatismes et les névroses des Algériens de ce XXIe siècle ne peuvent être soldées d’une façon désinvolte comme on nous y invite à le faire. »[13]
Les prémices d’un monde multipolaire plus juste
La guerre en Ukraine a changé la donne et les rapports Occident-Sud Global : « Incontestablement, écrit le Général Dominique Delawarde, les Russes ont changé la donne de la géopolitique mondiale en refusant l’extension à l’Est de l’OTAN (….…) Elle a fait apparaître grâce aux sanctions boomerang prises par les pays membres de l’OTAN eux-mêmes, les vulnérabilités économiques et financières d’un Occident accroc à la dette et à la consommation d’une énergie jusqu’alors bon marché. Depuis plus d’un an, la diplomatie occidentale enregistre échec sur échec face aux diplomaties russe et chinoise. Le nombre de demandes d’adhésion aux BRICS et à l’OCS explose ce qui est le signe d’un soutien croissant au camp de la multipolarité et d’un refus de l’hégémonisme des USA et de l’OTAN. La Turquie, la Syrie et l’Iran se parlent désormais régulièrement, sous l’égide de la Russie, pour mettre un terme à la crise syrienne et à leurs différents. D’autant que le parti d’Erdogan dispose d’ores et déjà de la majorité absolue au parlement turc. Il rapprochera toujours plus son pays, des BRICS et de l’OCS : en clair, du camp de la multipolarité. La bonne nouvelle c’est l’émergence en cours d’un monde multipolaire qui remet en cause l’hégémonie sans partage US-OTAN des trois dernières décennies. L’élargissement des BRICS étant sur toutes les lèvres, pourquoi le groupe suscite-t-il désormais l’intérêt de l’Occident ? Les BRICS pourront-ils faire contrepoids aux pays occidentaux et leur probable monnaie commune aura-t-elle une force centripète susceptible de mettre en mouvement le Sud global ? »[14]
Un nouveau Nuremberg moral qui amènera L’Occident à expier ses fautes
Pour hâter l’avènement d’une nouvelle ère, le moment est venu de mettre tout à plat pour évaluer cinq siècles de rapine de l’Europe et plus tard les États-Unis avec plus de 200 guerres depuis sa création en 1776. Cette mise au point est nécessaire si on veut mettre en place un nouveau monde ou chaque peuple aura droit de citer Le monde multipolaire aura à écrire une nouvelle charte de San Francisco. La capacité de nuisance de l’Europe est toujours intacte. Elle continue à vouloir dicter la norme du bien et du mal distribuant les mauvais points et les bons points. Naturellement Colomb ou Cortez ou Duval ou Graziani ou Dyer ne se souciaient pas de nuances sur la notion de génocide : Il fallait faire disparaitre les colonisés s’en remettant aux « spécialistes » de défendre leurs faits d’arme Quand Victor Hugo écrit que le général Saint Arnaud qui a semé la désolation, : « a les états de service d’un chacal » il faut le croire ! La nécessité d’une nouvelle vision du monde s’avère urgente le moment est venu pour un tribunal de type Vérité et réconciliation car l’Occident devrait moralement expier ses fautes au nom des droits de l’homme dont il se dit à tort le dépositaire.
Il est à espérer que le nouveau monde multipolaire ne se fasse pas contre l’ancien monde héritier des cinq siècles de meurtres de rapines et de certitude d’appartenir à la race des élus. Il n’est pas interdit de rêver après cette Vérité et cette Réconciliation si l’Occident fasse son mea culpa, à une coopération mondiale où chaque pays apporte sa part d’humanité et que les objectifs du millénaire soient enfin mis en œuvre. Souvenons pour éradiquer la faim dans le monde moins de 100 milliards de dollars. L’homme dépense 2000 milliards de dollars pour tuer son prochain. Une nouvelle guerre autrement plus existentielle est à nos portes. Malgré ce que peuvent penser les climato-sceptiques le chaos climatique est une réalité ; Comment atténuer ses agressions ? C’est cela le vrai défi pour une humanité embarquée sur notre alma mater o combien fragile et qu’il nous faut protéger comme la prunelle de nos yeux !
Auteur : Chems Eddine Chitour
Notes :
5. Lissell Quiroz https://decolonial.hypotheses.org, 23 mars 2020
6. https://museeholocauste.ca/genocide-hereros-namibie
7. Lucie Dendooven https://www.rtbf.be/le-genocide-pour-la-premiere-fois-reconnu-par-un-etat-europeen-a-l-epoque-des-colonies-un-dangereux-precedent, 28 mai 2021
8. https://echecalaguerre.org/winston-churchill-etait-un-monstre-traduction
9. https://fr.wikipedia.org/ Massacre-d-Amritsar
10. https://histoirecoloniale.net/scandale-en-Italie-un-mausolee
11. https://orientxxi.info/vu-d-alger-l-autre-versant-de-l-histoire-d-une-guerre-coloniale
12. Nathan Erderof https://www.revolutionpermanente.fr/8-mai-1945-quand-l-Etat-francais-massacrait-des-dizaines-de-milliers-d-Algeriens-a-Setif-Guelma-et
13. https://www.lexpression.dz/l-analyse-du-professeur-chitour/que-devient-la-predestination
14. Général Dominique Delawarde https://reseauinternational.net/les-bouchers-de-tel-aviv-et-de-washington 18 mai 2023
yogaesoteric
25 juillet 2023