Après la semaine de travail de 4 jours, la semaine de 3,5 jours ?
Oubliez la semaine de cinq ou même de quatre jours. Le président-directeur général de la multinationale américaine JPMorgan Chase prédit que la prochaine génération travaillera trois jours et demi par semaine, tout ça grâce à l’intelligence artificielle. Mais est-ce réellement le futur de l’emploi ?
« Vos enfants vivront jusqu’à 100 ans, n’auront pas de cancer grâce à la technologie et ils travailleront probablement trois jours et demi par semaine », a déclaré le PDG de la société financière JPMorgan Chase, Jamie Dimon, en entrevue avec Bloomberg au début du mois d’octobre.
Selon lui, l’intelligence artificielle (IA) contribuera à éliminer les tâches les plus ennuyeuses de nos journées de travail.
Même si certains métiers deviennent obsolètes, il estime que l’IA améliorera la qualité de vie de la prochaine génération, au moment où la quasi-totalité des travailleurs convoite la semaine de quatre jours.
Au Québec, ce sont 95% des salariés qui souhaitent gagner une journée hebdomadaire de congé, selon un sondage publié en avril dernier sur la plateforme de recherche d’emploi Talent.com.
Mais la semaine de quatre jours ne fait pas seulement le bonheur du personnel.
La vaste majorité des entreprises qui l’ont mise à l’essai sans perte de salaire ne reviennent pas en arrière. Elles observent une augmentation de leurs revenus, en plus d’une baisse du taux d’absentéisme et de démissions.
Marketing ou réelle possibilité ?
Dans ce contexte, la semaine de travail de trois jours et demi – qui permettrait de consacrer plus de temps aux loisirs, comme le proclame Jamie Dimon – est-elle vraiment envisageable ?
« C’est à l’avantage de JPMorgan Chase, de Meta ou d’OpenAI de faire cette prédiction, parce qu’elles investissent elles-mêmes de grosses sommes dans l’intelligence artificielle », lance le doctorant en relations industrielles et enseignant à l’Université Laval, Frédérick Plamondon.
JPMorgan Chase prévoit en effet créer 1,5 milliard de dollars en valeur commerciale grâce à l’intelligence artificielle d’ici la fin de l’année.
La multinationale planche également sur une application de type ChatGPT.
« C’est du marketing », poursuit M. Plamondon, qui s’intéresse à l’éthique de l’intelligence artificielle appliquée à la gestion des ressources humaines.
« On veut créer un sentiment de confiance envers l’IA, pour que les décideurs achètent des systèmes d’IA. Ceux qui en parlent le plus, ce sont les hauts dirigeants d’entreprise. Ils pointent toujours le pot d’or au bout de l’arc-en-ciel de l’IA […], mais ce qu’ils n’expliquent pas, c’est que ça implique une transformation numérique réussie et des employés qui comprennent très bien la technologie. »
De nombreux économistes estiment qu’avec l’essor de ChatGPT, l’idée d’une semaine de travail de quatre jours est plus plausible. L’agent conversationnel lancé par OpenAI à la fin de 2022 peut en effet aider à rédiger des courriels, des rapports ou encore à recueillir des données.
« Une des promesses de l’IA est que les travailleurs et travailleuses vont s’émanciper, mais j’ai peine à y croire », soutient M. Plamondon, en rappelant que certaines compagnies – dont JPMorgan Chase – ont fortement restreint l’utilisation de ChatGPT par leurs employés.
Comme Apple, Samsung ou Amazon, la société financière craignait que l’outil ne soit à l’origine de fuites de données confidentielles.
Une semaine de 3,5 jours, mais pas pour tout le monde
Même si l’idée d’une semaine de travail plus courte peut sembler prometteuse, certains employés craignent que l’intelligence artificielle ne supprime complètement leur emploi.
« On ne peut pas penser que ça va affecter tous les travailleurs de la même manière. Une semaine de 3,5 jours payée pour 5, OK, mais pour qui ? Dans quel secteur ? C’est là où on n’a pas d’écho des grands décideurs », signale Frédérick Plamondon.
Le PDG de JPMorgan Chase l’avoue lui-même: certains emplois seront entièrement remplacés par l’IA.
La technologie risque également d’accélérer le besoin – et la soif – de productivité des entreprises, selon l’expert.
« Dans la chaîne de l’IA, certaines personnes travaillent dans des conditions pénibles et sont très peu payées, explique-t-il. Pour entraîner la machine, ça prend des humains qui font de l’annotation, pour que les exemples soient alignés avec l’utilisation qu’on souhaite faire de l’outil, pour distinguer les photos de chats et de chiens, par exemple. »
« Généralement, ce sont des emplois plutôt précaires. Quand Jamie Dimon parle de la semaine de 3,5 jours, ce n’est pas pour ces gens-là », illustre M. Plamondon.
yogaesoteric
17 novembre 2023
Also available in: Română