Les abeilles comprendraient le concept de zéro
En les soumettant à un exercice de mathématiques, des scientifiques ont découvert que les sympathiques insectes savaient (apparemment) reconnaître un ensemble vide. Une première chez les insectes.
En dépit de son petit cerveau, l’abeille est capable de comportements complexes : elle peut résoudre des puzzles et apprendre par l’imitation, entre autres. Des chercheurs ont découvert que les abeilles mellifères étaient également capables de comprendre le concept pour le moins complexe de zéro. Et c’est la première fois que l’on observe cette capacité chez un insecte.
D’après une étude publiée dans le journal scientifique Science au début du mois de juin 2018, les abeilles peuvent distinguer le zéro et d’autres nombres, et semblent même capables de reconnaître des êtres humains.
L’équipe dirigée par Scarlett Howard, étudiante en doctorat à l’Université RMIT (Royal Melbourne Institute of Technology) de Melbourne, en Australie, est arrivée à cette conclusion en mettant les insectes face à des questionnaires mathématiques visuels mettant en jeu des cartes blanches sur lesquelles se trouvaient différentes quantités de formes noires.
En récompensant les abeilles avec de la nourriture, l’équipe est parvenue à entraîner un groupe d’insectes pour qu’ils volent vers des cartes présentant des quantités croissantes de formes noires, alors qu’un autre groupe recevait de la nourriture lorsqu’il volait vers des cartes dont le nombre de formes était décroissant. Lorsque le second groupe d’abeilles a compris qu’il obtenait de la nourriture lorsqu’il atterrissait sur des cartes dont le nombre de formes noires était décroissant, l’équipe de Howard a introduit une carte totalement blanche, sans formes noires.
Les abeilles ont compris que cette carte représentait le zéro et que cette valeur était inférieure à un, avec une précision de plus de 80%. Les chercheurs ont aussi constaté qu’il était plus difficile pour ces insectes de distinguer le zéro de nombres faibles, 1 ou 2, que de nombres élevés comme 5 ou 6. Ce phénomène, « l’effet de distance numérique », a été observé chez les enfants et les primates, et suggère que les abeilles interprètent les nombres comme faisant partie d’un continuum.
« Nos découvertes montrent que les abeilles peuvent apprendre et mettre en application des concepts tels que “ plus grand que ” et “ plus petit que ” pour interpréter un stimulus vide tel qu’il représente le nombre conceptuel qu’est le zéro, et elles sont également capables mettre le zéro en relation avec d’autres valeurs numériques, » rapporte l’équipe de chercheurs. « Ainsi, à l’instar notamment de primates non-humains, les abeilles sont capables de comprendre que zéro est inférieur à un. »
Des expériences similaires ont montré que les dauphins et les perroquets comprenaient également le concept de zéro. Mais si l’on tient compte du fait que le cerveau des abeilles compte seulement un million de neurones alors que celui des humains en compte 86 milliards, la capacité mathématique de ces insectes est particulièrement impressionnante.
« Nous savons que les abeilles apprennent bien et vite, sans doute du fait qu’elles vivent dans un environnement complexe qui leur demande de se souvenir des positions et de l’apparence des fleurs, » explique Scarlett Howard dans un mail adressé à Motherboard. « Peut-être qu’elles sont si bien adaptées à l’apprentissage et à la mise en application des capacités acquises grâce à leur activité de recherche de nourriture, et que le véritable trait évolutif qui apparait dans notre étude, c’est justement cet apprentissage de règles et leur mise en application. »
Apparemment, les abeilles savent additionner et soustraire
Après avoir découvert que les abeilles comprenaient sans doute le concept de zéro, des scientifiques ont testé leur capacité à repérer les gains et les pertes.
Les abeilles à miel peuvent accomplir des addictions et des soustractions, affirme une étude publiée le 6 févrie 2018 dans Science Advances.
Une équipe menée par Scarlett Howard, une étudiante post-doctorale à l’université de Toulouse connue sur Twitter sous le handle @TheBeesearcher, a conçu une expérience démontrant que les insectes peuvent identifier les gains et les pertes.
« Étant donné que les abeilles à miel et les humains sont séparés par 400 millions d’années d’évolution, nos conclusions suggèrent que la cognition numérique avancée est potentiellement plus accessible aux animaux non-humains qu’on ne le croyait jusqu’ici », explique l’étude.
Mais comment fait-on passer un contrôle de maths à des abeilles ?
L’équipe de Howard a entraîné 14 abeilles à associer le bleu à l’addition et le jaune à la soustraction. Pour ce faire, elle a utilisé la bonne vieille méthode récompense-punition : les abeilles recevaient un aliment sucré lorsqu’elle choisissait la bonne couleur et un liquide amer, à base de quinine, lorsqu’elles se « trompaient ».
Les abeilles ont ensuite été exposées à un échantillon initial montrant une à cinq formes bleues ou jaunes, puis entraînées à voler dans une « chambre de décision » contenant deux options. Là, il était attendu qu’elles reconnaissent les plus grandes quantités dans des essais consacrés aux additions (bleues) et les plus petites quantités dans des essais consacrés aux soustractions (jaunes).
Aux cours des essais d’addition, l’abeille devait sélectionner l’un de deux écrans. Le premier contenait une forme de plus que l’échantillon initial – la bonne réponse. L’autre montrait un nombre de formes égal ou inférieur à celui de l’échantillon initial.
Si ce n’est pas clair, imaginez que l’abeille a été confrontée à un échantillon initial montrant deux formes bleues. Dans la chambre de décision, elle peut donc se retrouver face une option à trois formes et une option à une forme.
Pour les tests de soustraction, c’était tout simplement l’inverse.
De test en test, les abeilles sont devenues meilleures. Sur un total de 100 essais, elles ont sélectionné la bonne réponse dans 60 à 75% des cas.
Le fait que les abeilles aient pu apprendre à résoudre ces énigmes indique qu’elles sont bel et bien capables d’appréhender des concepts numériques avancés.
L’année 2017, Howard et son collègues de l’Institut royal de technologie de Melbourne ont publié une étude similaire, dont les résultats suggèrent que les abeilles entendent le concept de zéro. L’expérience sur laquelle repose l’étude entraînait les abeilles à se poser sur des affichettes montrant les plus petites quantités.
Ce talent pour les mathématiques a peut-être contribué à la réussite évolutive extraordinaire des abeilles mellifères.
« Si les tâches spécifiques d’addition/soustraction n’ont pas d’application apparente dans l’environnement naturel des abeilles, les capacités et la plasticité cognitive requises par ce problème sont probablement avantageuses écologiquement » écrivent Howard et ses collègues.
L’expérience pourrait suggérer que les abeilles sont capables d’estimer « à vue » quelles fleurs disposent des meilleures ressources.
L’équipe prévoit de continuer à soumettre des interros de maths aux abeilles pour étudier plus en avant leurs talents.
yogaesoteric
18 septembre 2019