Sur le bonheur…
Lettre adressée par l’écrivain Alexandru Vlahuţă à sa fille, Margareta, pour son 17ème anniversaire:
« Je te souhaite bonne anniversaire, ma chérie, et que tu sois bonne – sois bonne afin de pouvoir être heureuse. Les méchants ne peuvent pas être heureux. Ils peuvent avoir des satisfactions, des plaisirs, de la chance même, mais du bonheur, non. Non, parce que d’abord les méchants ne peuvent pas être aimés et deuxièmement … deuxièmement … eh! La chance et les autres « poires succulentes » qui lui ressemblent viennent de l’extérieur, des gens, des circonstances sur lesquelles on n’a aucun contrôle et aucun pouvoir, alors que le bonheur, le vrai bonheur pousse en toi : il s’épanouit et porte ses fruits lorsque l’âme est prête à l’accueillir. Et la préparation est un travail de chaque instant – lorsqu’on perd patience, on disperse tout ce qu’on a enfilé et il faut reprendre dès le début. C’est pourquoi on voit si peu de gens heureux… Tous ceux qui le méritent…
Ah, si on n’était pas sans cesse attaché à notre image, si on n’accorderait pas autant d’importance à notre propre personne et si on se grondait à chaque fois qu’on ment ou qu’on s’est surpris à faire une méchanceté ou quelque chose de laid, si enfin on s’examinerait plus souvent et correctement (facile à dire ! ), on finirait par racler de nous cette partie de sottise arrogante, de méchanceté et de malhonnêteté sale qui nourrissent la bête qui vit en notre noble créature. On sait que la douleur est un conseiller merveilleux. Qui a l’esprit ouvert apprend aussi des douleurs des autres.
J’ai une grande confiance dans ta volonté. Il reste à savoir exactement ce que tu veux faire. Et je vois que tu commences à le savoir. Mon Dieu, comme je suis content que tu aies commencé à t’observer, à te gronder seule et à chercher le vrai chemin ! Donc, ma chérie, engueules-toi quand tu sens que tu es égoïste et chaque fois que ton coeur est mordillé par le serpent du mal, de l’envie ou de la tromperie. Sois sévère avec toi, juste avec tes amis et aie grand cœur avec les méchants. Rends-toi petite, humilies-toi à chaque fois que ton intelligence est sur le point de te faire crier : « Regardez-moi ! »
Mais par-dessus tout, et je voudrais écrire ceci à même dans ton cœur : ne fais jamais une action dont le souvenir pourrait te faire rougir. Il n’y a pas de triomphe dans ce monde, ni de soutien plus fort, ni de satisfaction plus totale qu’une conscience immaculée.
Garde cette lettre. Lorsque tu auras 50 ans tu la comprendras mieux. Sois que Dieu fasse en sorte que tu la lises alors toujours avec l’âme sereine d’aujourd’hui. Je t’embrasse avec amour, Alexandru Vlahuta. »
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