Angélique Cottin, la Fille Électrique (2)
Lisez la première partie de cet article
Le 15 février, le Dr Tanchou remit à François Arago, alors secrétaire de l’Académie des sciences, le compte-rendu de ses observations, et ce dernier décida de vérifier les faits par lui-même. Une nouvelle série de tests fut alors décidée, qui se tint à l’Observatoire, en présence de M. Arago et de trois de ses collègues. Lors de cette séance, le tablier d’Angélique effleura un guéridon qui fut aussitôt repoussé puis elle fut invitée à s’asseoir sur une chaise qui se retrouva aussitôt projetée contre un mur, la jeune fille étant jetée du côté opposé. Cette expérience fut reproduite à plusieurs reprises, et à chaque fois le résultat fut le même. Malgré tous leurs efforts conjugués, ni M. Arago, ni les astronomes de l’Observatoire ne purent maintenir la chaise immobile. A un certain moment, M. Goujon s’assit par avance sur une moitié de chaise qui devait être occupée par Angélique, mais dès qu’elle vint la partager avec lui, aussitôt elle se renversa.
Angélique à Paris
Le 17 février, fort de ses observations, M. Arago lut la lettre du Dr Tanchou et celle d’un certain Nicholas Cholet, qui accompagnait Angélique et lui tenait lieu d’impresario, devant l’Académie des Sciences. Une commission fut alors formée, qui était composée d’un certain nombre de membres de l’Académie et devait vérifier les faits avancés. Comme la plupart des hommes de science, les membres de l’Institut n’avaient jamais étudié les effets du magnétisme et ils étaient persuadés par avance qu’il y avait supercherie ou exagération des prodiges. Au cours d’une première séance qui se déroula au jardin des Plantes, Angélique repoussa violemment une chaise sans la toucher, mais rien d’autre ne voulut bouger et les savants en furent grandement désappointés. Le 23 février, alors que les expériences réussissaient toujours à merveille dans les divers salons parisiens où la jeune fille était présentée, dès qu’Angélique parut devant les membres de l’Académie, toutes ses tentatives échouèrent à nouveau. Le 9 mars 1846, la commission rendit sa conclusion par l’intermédiaire de M. Arago.
« On avait assuré que mademoiselle Cottin exerçait une action répulsive, très intense sur les corps de toute nature, au moment où une partie quelconque de ses vêtements venait à les toucher. Aucun effet appréciable de ce genre ne s’est manifesté devant la commission. La commission se contentera de déclarer, en terminant, que le seul fait annoncé qui se soit réalisé devant elle est celui de mouvements brusques et violents éprouvés par les chaises sur lesquelles la jeune fille s’asseyait. Des soupçons sérieux s’étant élevés sur la manière dont ces mouvements s’opéraient, la commission décida qu’elle les soumettrait à un examen attentif. Elle annonça sans détour que ses recherches tendraient à découvrir la part que certaines manœuvres habiles et cachées des pieds ou des mains pouvaient avoir eu dans les faits observés. A partir de ce moment, il nous fut déclaré que la jeune fille avait perdu ses facultés. »
Certains en conclurent que les pouvoirs d’Angélique commençaient à décliner, d’autres que les ondes négatives des esprits des scientifiques avaient empêché les phénomènes de se produire et quelques-uns estimèrent que toute l’histoire n’était qu’une vaste fumisterie. Peu de temps après, une séance fut organisée par la famille, qui prétendait qu’Angélique avait recouvré ses facultés. Ce soir-là, la malheureuse fille tenta de tromper le public en faisant bouger une table avec ses genoux mais l’essai fut si maladroit que certains s’en aperçurent. Angélique en fut totalement discréditée et beaucoup s’offusquèrent d’avoir été dupés pendant si longtemps par ce qu’ils appelaient une « pauvre idiote ». La famille quitta alors Paris pour Bouvigny et là, les facultés de la jeune fille, qui s’était probablement épuisée à force de démonstrations en tous genres, commencèrent à revenir.
Le 1er novembre, M. de Farémont écrivit cette lettre à M. de Mirville. « Les phénomènes n’ont pas cessé depuis le printemps… j’ai vu, je vois et je verrai toujours, quand je le voudrai, les choses les plus curieuses et les plus inexplicables. Car voilà, Messieurs, la pierre d’achoppement, c’est que vos savants n’y comprennent rien, pas plus que moi. Ils auraient dû voir et étudier. Nous, qui avons vu, nous croyons parce que tous les faits qui se passent sous nos yeux sont palpables et ne peuvent être réfutés en rien. Les gens qui se croyaient instruits baissent l’oreille et se taisent. Les masses disent que l’enfant est ensorcelée et non pas une sorcière car elle est trop simple pour qu’elles lui accordent cette dénomination. Quant à moi, j’ai vu tant d’effets divers produits chez elle par l’électricité, j’ai vu, dans certaines circonstances, les bons conducteurs opérer et dans d’autres ne rien produire, de sorte que si l’on suivait les lois générales de l’électricité, il y aurait constamment le pour et le contre. Aussi, suis-je bien convaincu qu’il y a chez cette enfant une autre puissance que l’électricité. »
Interview d’Angélique en 1898
Angélique en 1898
Le 1er février 1898, le journal L’Écho du Merveilleux publia un article sur Angélique, la Fille Électrique. Henri Louatron, le journaliste, avait réussi à retrouver Angélique Cottin, qui se nommait alors Mme Desiles. Angélique s’était mariée en 1853, elle avait eu 7 enfants, dont quatre avaient survécu, elle était veuve depuis 1882 et elle menait une vie des plus austères.
Remontant plus de cinquante ans en arrière, elle se rappelait sa jeunesse et racontait l’agitation extrême qu’elle provoquait quand elle voulait se coucher. Alors, tout s’agitait autour d’elle, dans la chambre et dans la maison, les tapis, les meubles, les tableaux, les casseroles, les tisons, les couverts etc…
« Tous les meubles de ma chambre à coucher sautaient, dansaient dès que j’entrais même sans que je les frôlasse de ma robe ou que je les touchasse du bout des doigts comme les autres meubles, sans doute parce que ceux-là étaient mieux imprégnés de mon fluide. »
Elle ne parlait pas d’exorcisme mais elle expliquait que le curé lui avait interdit l’accès de l’Église. Il lui avait également dit qu’elle ne pourrait pas faire sa première communion si son état persistait, et en cas de mariage religieux, alors il lui faudrait rentrer pieds nus dans l’église. Angélique ne commentait pas ses mesures, mais elle pensait ne jamais avoir été possédée ou ensorcelée, comme certains le lui avaient dit. Au début, elle l’avait cru, puis les messieurs de la commission de l’Académie de Paris l’avait éclairé sur la nature des phénomènes en lui expliquant que ses capacités n’étaient dues qu’à l’électricité qu’elle était capable d’accumuler comme une bouteille de Leyde et qui bouleversait de préférence les meubles lourds en bois de chêne.
« Si je posais le doigt sur une bouteille remplie de retaille métallique, je la chargeais, paraît-il. La soie et le soufre étaient les deux meilleurs conducteurs de mon fluide. »
Pour expliquer ces manifestations qui défiaient les lois de la physique, le journaliste rapportait une certaine rumeur, qui soutenait qu’Angélique avait été victime d’une malédiction. Un jour, à 15 heures, alors qu’elle revenait du catéchisme avec deux de ses amies, une vieille femme au visage de sorcière et à l’allure de mendiante était apparue sur le chemin. La femme avait pris ses mains dans les siennes, elle avait soufflé dessus pour les réchauffer et les mettant un instant sous son tablier elle lui avait demandé avec un rire méchant si elle n’avait pas peur de l’onglet (des engelures). Jamais personne n’avait vu cette vieille femme au village, et personne ne la revit après cet incident.
De plus, le père d’Angélique, qui exerçait le métier sulfureux de colporteur, portait les cheveux longs et il avait la réputation d’être un demi-sorcier, qui savait imiter les cris de tous les animaux, faisait peur aux enfants et rêvait de passer un pacte avec le diable pour devenir riche. Lorsque les phénomènes avaient commencé, il s’était soi-disant exclamé : « Tant mieux si je peux faire fortune en exploitant cela. »
Angélique niait farouchement toutes ses supputations et elle affirmait que ses talents lui étaient venus d’une autre manière, quand elle avait été frappée par la foudre en ce jour du 15 janvier 1846. Abandonnée par ses camarades effrayées, elle avait perdu connaissance et quand elle avait repris ses esprits, elle s’était sentie oppressée et agitée. Les phénomènes avaient commencé le soir même. Cependant, elle disait ne pas avoir souffert de toute son aventure, et s’être même amusée. Elle était fière que les journaux parlent d’elle et que tant de personnes viennent la voir. Les curieux accouraient, disait-elle, partout où son père l’emmenait, récoltant quelque argent au passage. Cependant, elle regrettait dans ses vieux jours de ne pas avoir su exploiter cette « vertu, » comme elle l’appelait alors.
Après son séjour à Paris, elle était revenue dans son village de La Perrière et elle avait gardé sa « vertu magnétique » jusqu’à ses 23 ans. Après la mort de son père, son mari, qu’elle avait épousé à 17 ans et dont elle avait déjà deux enfants, avait voulu exploiter ses talents mais ils avaient brusquement disparu et jamais elle ne les avait recouvrés.
yogaesoteric
13 septembre 2019