Comment l’apprentissage d’une nouvelle langue à l’âge adulte se manifeste-t-elle dans le cerveau ?
Des chercheurs ont mis en lumière la spécialisation différentielle des aires du cerveau lors de l’apprentissage d’une nouvelle langue à l’âge adulte, montrant ainsi la plasticité des systèmes cérébraux du langage.
Le langage humain est une capacité unique, qui nécessite un équilibre subtil entre spécialisation neuronale et plasticité cérébrale, deux principes fondamentaux de l’organisation du cerveau. Étudier l’apprentissage du langage est donc une occasion en or d’en apprendre davantage sur ces principes dans le cerveau humain, organe qui présente une aptitude remarquable à traiter un grand nombre de langues pouvant être apprises à différents moments de la vie.
Une équipe de neuroscientifiques s’est penchée sur l’apprentissage d’un langage à un stade plus tardif dans la vie (à l’âge adulte). Leurs travaux, publiés dans la revue de la Society for Neuroscience (JNeurosci), indiquent que dans ce contexte, les deux moitiés du cerveau ne contribuent pas au processus de la même façon que lorsqu’une langue est apprise dès la naissance.
Une question de répartition cérébrale
En règle générale, le langage active dans le cerveau un réseau fronto-temporo-pariétal (des noms des trois lobes cérébraux concernés). Attention, les fonctions cognitives ne sont pourtant pas réparties de façon équivalente dans les deux hémisphères cérébraux. En ce qui concerne spécifiquement le langage, les zones du cerveau associées sont généralement (pour 95% de la population) situées du côté gauche. L’hémisphère droit aurait davantage un rôle de soutien, puisqu’il semble être en mesure de prendre le relais en cas de lésion importante du gauche.
Comme l’ont montré Kshipra Gurunandan et son équipe, l’hémisphère droit peut aussi entrer en jeu lors de l’apprentissage d’un nouveau langage chez les adultes. Ils ont observé en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) l’activité dans les deux hémisphères chez des adultes apprenant une nouvelle langue, pendant qu’ils lisaient, écoutaient et parlaient dans leur langue maternelle et dans leur langue cible : aux premiers stades de l’apprentissage, les deux langages se manifestent de manière assez similaire dans le cerveau, mais au fur et à mesure, elles se distinguent de plus en plus…
Au niveau de la production du langage, c’est-à-dire lorsqu’on parle, les zones cérébrales mobilisées sont les mêmes pour la langue maternelle et la langue en cours d’apprentissage : dans l’hémisphère gauche. Cependant, pour ce qui est de la compréhension du langage, donc lorsqu’on lit ou qu’on entend, les chercheurs ont observé une différence intéressante : la compréhension de la langue maternelle s’effectue dans l’hémisphère gauche, et celle de la langue cible mobilise des zones cérébrales de l’hémisphère droit. La langue maternelle et les nouvelles langues sont donc capables de mobiliser des hémisphères opposés pour la compréhension, mais le fait de parler l’une ou l’autre langue reste tributaire de l’hémisphère gauche.
Quelles implications pour cette découverte ?
Ces résultats suggèrent que la production du langage est ancrée dans l’hémisphère gauche, tandis que sa compréhension est plus souple. Cela apporte un éclairage supplémentaire permettant d’expliquer pourquoi il est plus difficile d’apprendre à parler une nouvelle langue à l’âge adulte, même s’il est possible de parvenir à la comprendre assez bien.
Plus largement, cette découverte permet d’apporter de nouvelles perspectives au débat de longue date sur l’organisation cérébrale du langage, en établissant des principes solides de latéralisation et de plasticité des principaux systèmes linguistiques.
yogaesoteric
9 janvier 2022
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