Comment le yoga favorise la force de l’optimisme ?
par Sian Grand, svapada.ch
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » Winston Churchill (1874-1965)
Joie, plénitude, passion, émerveillement, frémissement, légèreté sont des sentiments qui soulèvent l’être, qui l’ouvrent aux vibrations de la vie, alors que accablement, agacement, confusion, amertume sont des sentiments qui pèsent sur lui, le coupent des mouvements de la vie.
Pendant très longtemps, les psychologues ont cherché à disséquer le psychisme humain à la recherche des pensées, des émotions négatives qui peuvent entraver le déroulement normal de la vie, à l’image du chirurgien qui extrait la partie malade d’un corps. Ces extractions psychiques du mal-être favoriseraient une vie plus normale et moins douloureuse. Selon l’hypothèse de ces psychologues, l’absence ou la diminution de ces manifestations contribuerait à vivre des états de bien-être et l’expérience d’émotions positives.
Or, d’autres psychologues réalisent qu’il n’est pas si évident de passer du mal-être au bien-être, du malheur au bonheur. Martin Seligman, le père de la psychologie positive, a concentré ses études sur les mécanismes psychiques sous-jacents à la dépression et au pessimisme. Il a ainsi pu mettre en évidence certains mécanismes conditionnés favorisant ces états qu’il regroupe sur la notion « d’impuissance apprise ». Les pessimistes ont tendance à généraliser leurs échecs (« je ne suis pas à la hauteur ») et à relativiser leurs succès (« c’est dû à la chance »). En d’autres termes, les pessimistes donnent une interprétation fataliste aux événements négatifs et pensent que c’est de leur faute s’ils ont échoué, et ils attribuent leurs réussites au hasard, les estimant indépendantes de leurs capacités. Ils entrent dans un « cercle vicieux » de pensées négatives entrainant parfois la dépression.
Toutefois, au hasard de ces mêmes recherches, Seligman a également mis en évidence, au-delà de la méthode de Coué, les mécanismes psychiques à l’œuvre chez les optimistes. Contrairement aux pessimistes, les optimistes ont tendance à relativiser leurs échecs (« je ferai mieux la prochaine fois ») et à généraliser leurs succès (« j’ai vraiment de la chance »). Les optimistes mettent à profit leurs erreurs pour croître, surmonter leurs peurs développant ainsi leur confiance. Ils ont la profonde conviction qu’ils peuvent faire des choix dans leur vie, ce qui leur permet de vivre de manière cohérente par rapport à leurs aspirations profondes. Ils se sentent responsables de leurs actes et développent certaines forces intérieures (24 forces).
Les optimistes possèdent certains traits de personnalité comme la curiosité, la vitalité, l’ouverture d’esprit, la persévérance, l’équité, la modestie, la gratitude, la joie et l’authenticité. Ils ont une manière de s’adapter aux événements en privilégiant l’amour de l’apprentissage. Dans leurs relations, ils ont tendance à être plus généreux, sincères, gentils et affectueux. Sans nier l’importance du travail psychothérapeutique sur les événements négatifs, la psychologie positive révèle l’existence d’un état sain, source de croissance chez tous les individus. Seligman ne cache pas qu’il a été inspiré par certaines traditions spirituelles, comme les textes indiens tels que les Upanishads. Néanmoins, selon ce chercheur, il existe une prédisposition génétique (50%) à interpréter la réalité de manière pessimiste ou optimiste. La bonne nouvelle est qu’il existe encore une grande part qui peut être transformée (40%).
Bien avant la psychologie positive, les sages de l’Inde (entre autres cultures) ont eu conscience de ce potentiel de transformation et de cet état sain. Au travers de leurs pratiques, ces sages, rishis ou yogi, ont compris que ce n’est pas en diminuant la cause extérieure de la souffrance (parfois inévitable) qu’ils atteindront la partie saine, mais en modifiant le cercle vicieux des pensées. La souffrance provient des mouvements du mental, des habitudes et des conditionnements qui entrainent un processus identificatoire (Yoga Sutras I, 4) aux émotions et aux pensées, ainsi qu’aux événements du quotidien. L’individu se confond dans l’extériorité et n’arrive plus à se situer. En raison de son étroite imbrication dans les processus identificatoires, il lui arrive de sombrer dans le pessimiste voire parfois dans la dépression par impuissance. Il est tourmenté par les pensées erronées (Yoga Sutras I-8,viparyayah), par la mémoire (Yoga Sutras, I-11,smrtih) et par son imagination (Yoga Sutras, I-9,vikalpah). Le dépressif « souffre, est triste et agité et subit son instabilité respiratoire » (Yoga Sutras, I-31). Il est coupé de son être profond, de la vie.
Le yoga enseigne aussi que cette même personne peut apprendre à détendre les tensions physiques, à libérer sa respiration et à apaiser ses cogitations mentales et turbulences émotionnelles. Au travers d’un entraînement patient, elle peut développer une conscience qui l’aidera à se désidentifier des événements extérieurs et à apaiser ses remous intérieurs. Cette conscience l’aidera aussi à surmonter les obstacles de sa vie comme le doute, la tergiversation, l’attachement aux habitudes, l’illusion, le découragement et l’inconstance (Yoga Sutras, I-30). Petit à petit, elle goûtera à des moments de joie et de sérénité, manifestations de sa partie saine. Le Taittirya-Upanishad annonce qu’il existe en dedans de chaque être une couche intime, saine et optimiste, ânanda-maya-kosha. Toutefois, cette couche est bien souvent inaccessible du fait qu’elle est voilée par les tensions physiques et respiratoires et par un mental agité et négatif.
De nombreuses études scientifiques menées en laboratoire sur le cerveau de méditants chevronnés ont montré que la méditation réduit l’activité de certaines zones du cerveau dont l’amygdale cérébrale, l’une des zones déterminantes dans la production d’émotions telles que l’angoisse, la peur ou le stress. Les chercheurs ont pu observer chez le méditant l’accroissement marquant de son attention, la régulation émotionnelle ou l’inhibition de réactions automatiques ainsi que l’expérience d’émotions positives telle que l’empathie ou l’affection. D’autres chercheurs comme Jon Kabat-Zinn ont démontré dans leurs études l’efficacité de la méditation de la pleine conscience dans le traitement des états dépressifs. La méditation améliore significativement et durablement les symptômes de la dépression, si celle-ci est pratiquée sur une période suffisamment longue et de manière régulière.
Ces différentes recherches objectivisent ainsi des connaissances ancestrales comme, par exemple, dans le yoga. Ces travaux montrent que la focalisation de la pensée ainsi que l’entraînement de l’attention peuvent induire une transformation des connexions du cerveau favorisant un état plus optimisme et moins sensible aux tourments. Cependant, comme l’a annoncé Patanjali (Yoga Sutras, I-14), la pratique doit avoir lieu longtemps et sans interruption. Le pratiquant doit développer beaucoup de zèle. Le chemin vers cet optimisme passe pour la plupart d’entre nous au travers de cet apprentissage.
yogaesoteric
12 janvier 2020
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