Comprendre le jeûne (épisode 6) : Le jeûne, oui… mais les jeûneurs surtout !
Lisez la cinquième partie de cet article
Qui sont, aujourd’hui, les personnes qui pratiquent le jeûne ? Et celles qui sautent le pas pour la première fois ?
Aujourd’hui en France, et dans le monde occidental en général, on entend souvent parler du jeûne. En détail, en technique, en physiologie, en pathologies, en résultats, en observations, en études et en contradictions. On observe, on analyse, on argumente, on polémique… Tant de choses sont produites autour du jeûne qu’on en oublie l’essentiel : les jeûneurs. Bien qu’au cœur du débat, ces femmes et ces hommes qui se privent volontairement de nourriture sont encore trop souvent réduits au rôle de cobayes par une science interrogative ou pour un entourage intrigué. On parle sur eux et de leur état, mais, finalement, rarement d’eux. Alors qui sont-ils, ces milliers de gens qui décident chaque année de se lancer, avec leurs attentes, leurs illusions, leurs espoirs ? Quelle histoire les a amenés là ? Sont-ils des aventuriers, des malades, des mystiques, des personnes sensées aux aspirations profondes ?
L’impossible portrait-robot du jeûneur
Première observation : aucune couche sociale, aucune tranche d’âge ni origine culturelle n’est délaissée par le phénomène. Si l’on pouvait autrefois caricaturer le profil du jeûneur – Blanc de classe moyenne, plutôt cultivé et à forte tendance écolo – il est aujourd’hui impossible d’en esquisser un portrait-robot. Chacun projette en effet sur cette pratique un dessein qui lui est propre, et le jeûne lui permet d’évoluer sur une dimension de sa personne. Le jeûne est devenu un véritable outil de bien-être que l’on s’approprie.
Deuxième observation : si éliminer les toxines et perdre du poids étaient, il y a quelques années encore, les deux raisons principales qui amenaient au jeûne, on en dénombre aujourd’hui bien plus. Encouragées par l’évolution des mœurs et une meilleure diffusion de l’information, de nombreuses personnes souhaitent tenter l’expérience pour se retrouver avec leurs sensations, favoriser un retour à l’essentiel, marquer une pause dans un quotidien agité, lâcher prise mentalement, méditer, etc. En outre, on parle désormais facilement du jeûne en famille, au travail ou entre amis. S’il demeure marginal à certains égards, il n’est pratiquement plus perçu comme une déviance excentrique. On peut même l’évoquer dans l’intimité du cabinet de son médecin, dont les regards se font de moins en moins réprobateurs.
Faire du neuf avec du jeûne
L’émergence du jeûne intermittent (fasting) a participé à populariser la pratique. On se met maintenant volontiers au « défi » de sauter un repas. On se teste, on écoute les réactions de son corps, on regarde en dehors des dogmes et des idéologies. On se questionne et l’on questionne. Des réponses surgissent, ou des ressentis nouveaux. Un équilibre se fonde en dehors des conditionnements et des réflexes hérités. Et c’est avec enthousiasme qu’on le partage, inspirant les proches.
Le rapport au vivant évolue avec l’acquisition de nouvelles connaissances : le jeûne, pratique millénaire, se trouve embarqué dans un épisode palpitant de la santé humaine. Faire moins pour obtenir plus et mieux, tel est le crédo proposé par les partisans du jeûne, et chacun est convié à y apporter sa pierre. La dynamique semblant impossible à stopper, les instances officielles sont appelées à se positionner. La difficulté, quel que soit son point de vue sur la question, sera de ne pas opposer médecine allopathique et jeûne dans des guerres d’égos déplacées et archaïques qui desserviront l’intérêt général. La sagesse exige plutôt des rapprochements et des collaborations.
Et le jeûneur ? Il devient un médiateur entre deux visions contradictoires : l’interventionnisme et le laisser-faire. Entre le protocole à suivre et l’autorégulation. Charge alors à chacun de faire son possible pour transfigurer ces antagonismes en forces complémentaires.
yogaesoteric
25 mars 2019