Intelligence artificielle : Le cheval de Troie du techno-libéralisme

 

Face aux promesses de l’intelligence artificielle, il devient urgent de cerner les transformations qui se dessinent, pour s’emparer du combat politique sur les choix « civilisationnels » qui s’avancent.

Des voitures qui conduisent seules et choisissent leur route. Un ordinateur qui sélectionne et auditionne le meilleur candidat pour une embauche. Un logiciel qui prescrit des traitements médicaux… Les promesses de l’intelligence artificielle, avec des machines désormais capables de se perfectionner d’elles-mêmes en s’appuyant sur des bases de données gigantesques, ont de quoi donner le tournis. Aux oracles d’une force prométhéenne qui délivrerait l’homme de ses contingences, comme aux prédicateurs du cataclysme, qui pronostiquent une prise de contrôle des machines sur le monde.

Passé le temps du vertige, il devient urgent de reprendre pied, d’aiguiser notre conscience et de cerner les transformations qui se dessinent, pour s’emparer du combat politique sur les choix « civilisationnels » qui s’avancent.

C’est notamment ce à quoi nous invite le philosophe Éric Sadin. Car « l’intelligence artificielle », telle qu’elle s’immisce désormais dans nos vies, est le nom d’un projet bien humain. Pétri de certitudes à courte vue et d’intérêts pécuniaires, maquillés derrière une pluie de milliards déversés dans la recherche et l’innovation par les géants du numérique et par un goût certain pour la frime. Un projet de conformisme radical, doté d’une force de frappe inégalée, qui rend plus que jamais nécessaire l’ouverture d’un débat, pour l’heure confisqué. Pour que les avancées, bien réelles, de cette nouvelle révolution industrielle profitent au bien commun et pas au renforcement de l’emprise déjà considérable d’une poignée de « plateformes ».

Les prédictions de Klaus Schwab, un ingénieur et économiste allemand, président du Forum économique mondial (World Economic Forum), vient de signer une longue contribution théorique sur la quatrième révolution industrielle. « Nous sommes au bord d’une révolution technologique qui va modifier fondamentalement la façon dont nous vivons, travaillons, et cohabitons les uns avec les autres. Nous ne savons pas encore comment elle va se décliner, mais une chose est claire: la réponse à lui apporter doit être intégrée et globale, impliquant tous les acteurs de la politique mondiale, des secteurs publics et privés au monde universitaire et la société civile. »

La première révolution industrielle avait pour vecteur la puissance de l’eau et de la vapeur à mécaniser la production ; la deuxième a mis à profit la puissance électrique pour générer une production de masse ; par la suite les appareils électroniques et les technologies de l’information ont automatisé cette production ; aujourd hui, une quatrième révolution industrielle, la révolution numérique, est en cours depuis le milieu du siècle dernier. Elle est caractérisée par une fusion des technologies qui brouille les frontières entre les sphères physique, numérique et biologique.

Les trois raisons pour lesquelles les transformations d’aujourd’hui ne peuvent pas être réduites à un simple prolongement de la troisième révolution industrielle, mais plutôt à l’arrivée d’une quatrième tiennent, selon Klaus Schwab, à la vitesse, la portée et l’impact avec lesquels elle affecte les systèmes. Côté vitesse, les percées actuelles n’ont pas de précédent historique. Elles obéissent à une évolution exponentielle plus qu’à un rythme linéaire ; affectent tous les secteurs et tous les pays ; leur ampleur et leur profondeur augurent de l’avènement de systèmes entiers de production, de gestion et de gouvernance.

Comme les révolutions qui l’ont précédée, la quatrième révolution industrielle procure un potentiel certain pour augmenter les niveaux de revenus globaux et améliorer la qualité de vie des populations à travers le monde. Tout comme elle peut toutefois être porteuse d’une plus grande inégalité, en particulier en raison de ce qu’elle recèle comme potentiel de perturbation des marchés du travail :

« L’automatisation qui remplace la main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie pourrait aggraver l’écart entre les rendements du capital et les revenus du travail. »

 

yogaesoteric
27 mai 2020


 

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