La construction européenne est ontologiquement conspirationniste !
Propos recueillis par Bruno Larebière et Jacques de Guillebon
La construction européenne est ontologiquement conspirationniste. Elle s’est faite avec des versements secrets en dollars venant de la CIA et des officines qui lui sont liées, moyennant des opérations d’influence au service des intérêts américains.
Pendant des décennies leur passé a été nié, sous couvert de lutte contre le complotisme. Aujourd’hui les officiels haussent les épaules en disant que leurs histoires sont connues de tous. Philippe de Villiers publie un livre documenté sur le passé controversé des « pères de l’Europe ».
– Vous qui êtes souverainiste depuis près de quarante ans, on dirait que vous découvrez le parcours des « Pères fondateurs de l’Europe ».
– Comme tout le monde, j’avais entendu les rumeurs : que Robert Schuman avait porté l’uniforme allemand durant la Première Guerre mondiale, ou que Jean Monnet était un agent de la CIA. Ce n’est pas sur la foi de ces rumeurs que mon opinion s’est formée.
La nouveauté, ce sont les archives. D’abord, on m’a expliqué que toutes les chaires Jean-Monnet étaient tenues et financées par Bruxelles, ce qui expliquait que les publications sur les archives soient assez paresseuses. Ensuite, quand j’ai mis le nez dans certains documents, je suis tombé de l’armoire.
– Vous parlez de rumeurs. Or le 10 mai 2013, Marie-France Garaud déclare sur le plateau de Frédéric Taddeï, dans Ce soir ou jamais! à propos de Jean Monnet : « C’était […] un agent américain, on sait même combien il a été rémunéré puisque maintenant c’est déclassifié ».
– À chaque fois que j’ai évoqué cette déclaration, on m’a répondu : on connaît Marie-France Garaud, elle est dans la filiation complotiste. Mais quand j’ai eu sous les yeux tous les documents relatifs aux versements, j’ai vu que les choses allaient beaucoup plus loin que je ne l’avais imaginé. Des documents que je publie, il n’y a que 10 à 20 % qui étaient connus.
La photo d’Hallstein qui traînait sur internet, je l’ai demandée au BundesArchiv [les archives nationales de la République fédérale d’Allemagne] pour m’assurer que ce n’était pas un montage.
Un des buts de mon livre est de dire aux européistes : vous avez accusé pendant des années quantité de gens éminemment respectables de complotisme, voilà les faits, voilà les documents, voilà les preuves; non seulement ils n’étaient pas complotistes, mais les complotistes, c’est vous !
– Comment cela ?
– La construction européenne est ontologiquement conspirationniste. Elle s’est faite avec des versements secrets en dollars venant de la CIA et des officines qui lui sont liées, moyennant des opérations d’influence au service des intérêts américains. C’est ce vice constitutif que j’ai voulu viser et je publie, en annexes, plus d’une centaine de pages de documents qui sont autant de preuves irréfutables de la conspiration menée contre les nations d’Europe.
Voilà soixante-dix ans que l’on nous parle d’Europe-puissance, or il n’y en a jamais eu, et pour cause : le gène déconstructeur qui fragmente et mine l’Union européenne d’aujourd’hui était dans l’ADN du corps d’intention des Pères fondateurs.
Voilà soixante-dix ans qu’on nous dit que la construction européenne a été portée par la ferveur populaire, or les Mémoires de Monnet, qui ont été financés par la CIA, montrent qu’il n’y a jamais eu de ferveur de cette sorte et que l’Europe est une commande américaine. Voilà soixante-dix ans qu’on nous dit que l’idée européenne a germé dans la Résistance, or je montre que c’est une imposture et qu’elle vient au contraire de Vichy.
À tous ceux qui accusent les eurosceptiques ou les « populistes » d’être des crypto-nazis faisant résonner de nouveau le bruit des bottes des années 1930, je réponds que c’est une insulte incroyable quand on découvre que l’architecte du traité de Rome fut un des juristes d’Hitler !
– Vous croyez qu’on se libère de l’accusation de fascisme en accusant ceux d’en face d’avoir eux-mêmes été des nazis ?
– Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je dis simplement que Robert Schuman a porté l’uniforme allemand en 1914, qu’il a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940 et qu’il a été son ministre, qu’il a été frappé d’indignité nationale, et que, un jury d’honneur l’ayant exempté, il est ensuite devenu député. Je dis donc qu’il n’était pas dans la Résistance.
Je dis que Jean Monnet était l’envoyé de Roosevelt à Alger pour une mission pour le moins spéciale et qu’ensuite, il a reçu de l’argent des États-Unis pour accomplir diverses opérations d’influence, notamment pour entraver la marche de la France vers l’indépendance nucléaire. Quant à Walter Hallstein, troisième « Père fondateur » et premier président de la Commission européenne, il était officier instructeur en enseignement du nazisme jusqu’en 1943 puis, capturé par les Américains, il a été retourné et utilisé par ceux-là.
Je note au passage qu’Hallstein, en 1938, avait été chargé de définir « Das Neue Europa », le cadre juridique de « l’Europe nouvelle ». Je vous rappelle tout de même que Monnet est au Panthéon et que Schuman va être béatifié.
– Vous êtes sévère avec Schuman…
– Il faut entrer un peu dans la psychologie des personnages. Schuman, c’est un homme qui ne sait pas ce que c’est qu’une nation. Il est un traumatisé des confins : il change trois fois de nationalité avant l’âge de 32 ans. Il ne cesse, dans sa jeunesse, de courir après le pacifisme de Marc Sangnier.
Il soutient les accords de Locarno et les accords de Munich, et, dans son idée, il faut absolument un accord avec l’Allemagne. Il passe son temps en oraisons. C’est un neutre. S’il faut un saint pour les neutres, il faut le béatifier. Lui comme Monnet n’avaient pas la passion de la France.
– En quoi croyaient-ils alors ?
– Jean Monnet, qui était anglo-saxon de culture, et Robert Schuman, qui était démocrate-chrétien, avaient trois croyances : 1. Que les nations étaient des survivances du passé ; 2. Qu’il fallait faire sauter la frontière sémantique entre la politique et l’économie ; 3. Que l’Europe n’était qu’une « étape vers les formes d’organisation du monde de demain ».
« L’Europe se laisse dépecer par l’Amérique. Elle n’est pas une Europe puissance, elle est une commission exécutive. Elle est post-politique. C’est une architecture sans les États. » Philippe de Villiers
Nous y sommes. L’Europe sans corps, sans tête, sans racines, cette fabrique de l’homme de sable, c’est ce qu’ils ont voulu faire. Je crois qu’une nation, c’est une famille de familles, et que, quand on fait sauter la frontière physique et la frontière anthropologique en même temps, comme c’est le cas en ce moment, il ne reste plus rien. Le mondialisme hédoniste fait le vide et le mondialisme islamiste fait le plein.
– Comment expliquez-vous que Donald Trump, durant sa campagne et après, ait vilipendé à plusieurs reprises cette Union européenne qui fait obstacle à l’entrée de ses marchandises ? Que son ambassadeur auprès de l’UE se plaint des barrières que met l’Union ? Si la vassalité est dans l’ADN de l’UE, il y a peut-être un moment où un autre gène s’est introduit qui lui a permis de se délivrer en partie de l’emprise de son géniteur ?
– Vous plaisantez ? Donald Trump considère que l’Europe est une colonie. Et une colonie, on la pille. L’Europe est parfois un problème mais elle n’est plus un sujet, voilà ce que disent les Américains. Elle n’est plus un partenaire stratégique. Je prends trois exemples. La Commission européenne vient de relancer le partenariat transatlantique malgré les taxes sur l’aluminium et l’acier.
[Le 14 mars 2019, le Parlement européen s’est finalement prononcé contre l’ouverture de discussions commerciales avec les États-Unis.]
On a l’impression que la colonie réclame son gouverneur! Elle accepte l’extraterritorialité juridique qui va peut-être de briser le destin d’Airbus. Enfin, elle accepte les Gafa, qui sont les plus puissants lobbies du processus normatif de Bruxelles. L’Europe se laisse dépecer par l’Amérique. Elle n’est pas une Europe-puissance, elle est une commission exécutive telle que Dean Acheson, secrétaire d’État sous Truman, le voulait.
Elle est post-politique. C’est une architecture sans les États. Elle n’est même pas supra-étatique au sens où l’aurait voulu Schuman, elle n’est même pas inter-étatique au sens de l’Europe des États-nations que voulait de Gaulle, c’est une gouvernance acéphale avec ce qu’ils appellent à Bruxelles une « polyarchie délibérative ».
– Croyez-vous que quelqu’un comme Matteo Salvini soit capable de renverser le cours de l’Europe ?
– Je pense que le mur de Maastricht va tomber, pour deux raisons : le décrochage des peuples et la fragmentation entre l’Est et l’Ouest. Les peuples décrochent du rêve des élites post-nationales de la fusion des nations. La fragmentation, c’est la fracture entre deux mondes, le monde de l’Est et le monde de l’Ouest. D’un côté ceux qui veulent faire l’Europe avec les vieilles nations, de l’autre ceux qui veulent la faire en se passant d’elles.
Pour être plus précis, ceux qui acceptent une Europe islamisée et ceux qui n’en veulent pas. Orban ou Macron. L’Europe charnelle contre l’Europe idéologique. On est entrés dans un nouveau monde, celui de la post-mondialisation, celui de la « déglobalisation », où l’on instaurera un protectionnisme économique intelligent, où l’on comprendra que les frontières sont un filtre pacificateur.
Le monde de Macron, qui était le nouveau monde, croyait-on, est déjà devenu l’ancien monde.
yogaesoteric
22 avril 2019