La « génération smartphone » serait plus sujette à des problèmes de santé mentale
Pour Jean Twenge, enseignante en psychologie à l’Université américaine de San Diego, le cocktail smartphone/réseaux sociaux façonne les ados d’aujourd’hui: la « iGen » est une génération plus casanière, moins mature et plus sujette aux problèmes de santé mentale.
Mme Twenge est l’auteure d’« iGen », un livre dont le titre en français est « Génération Internet : Comment les écrans rendent nos enfants immatures et déprimés ».
Q :
Qu’est-ce que la génération « iGen » ?
R : C’est la première génération qui aura vécu son adolescence entière à l’ère du smartphone et cela a beaucoup de conséquences sur la vie des ados.
Ils occupent leur temps libre de façon fondamentalement différente des générations précédentes. Ils passent beaucoup plus de temps sur internet, sur les réseaux sociaux, à jouer à des jeux, regarder des vidéos, et consacrent beaucoup moins de temps à des activités hors écran, comme lire, dormir ou voir leurs amis. Ils grandissent plus lentement : à 18 ans, ils sont moins susceptibles d’avoir leur permis de conduire, un petit boulot, des rendez-vous amoureux…
Cette tendance avait démarré avant, à la fin des années 90, avec les « Millennials », et la technologie n’explique pas tout, mais le smartphone semble avoir accéléré certaines tendances ces dernières années, probablement parce que comme les ados peuvent communiquer avec leurs amis tout en restant chez eux, ils ne ressentent pas la nécessité d’avoir un permis de conduire ou de sortir seuls.
Du coup, l’iGen est probablement la génération la plus en sécurité de l’Histoire et les ados aiment cette idée. Mais ils ont aussi l’impression de manquer quelque chose, et qu’être sur son téléphone en permanence n’est peut-être pas la meilleure façon de vivre. D’ailleurs, ils détestent, quand ils parlent à un ami, que celui-ci regarde sans cesse son téléphone.
Q :
Vous avez décortiqué des études sur le comportement et la santé de millions d’adolescents. Qu’avec vous observé ?
R : Quand on étudie les changements générationnels sur de longues périodes, on voit qu’ils mettent du temps à être visibles, une ou deux décennies par exemple. Mais à partir de 2011/2012, j’ai commencé à observer des changements plus soudains, comme de fortes hausses dans le nombre d’ados qui disaient se sentir seuls ou exclus, ou qui pensaient qu’ils ne pouvaient rien faire de bien, que leur vie ne servait à rien, autant de symptômes classiques de la dépression.
Les symptômes dépressifs ont grimpé de 60% en tout juste cinq ans, avec des taux d’automutilation – comme le fait de se couper – qui ont doublé voire triplé chez les filles, le suicide des ados a doublé en quelques années…
Pile au moment où les smartphones sont devenus communs, où la proportion d’Américains en ayant un a dépassé les 50%, ces problèmes de santé mentale ont commencé à se manifester. On pourrait dire que c’est juste une coïncidence, mais il n’y a eu aucun autre événement intervenu à ce moment-là pour expliquer ces changements et leur accélération. Et on sait, après des décennies de recherches, que le sommeil ou voir ses amis sont des éléments fondamentaux pour l’équilibre mental.
Aujourd’hui, les ados américains passent six à huit heures par jour sur les réseaux sociaux.
Ce ne sont pas les écrans en eux-mêmes le problème, c’est le fait qu’ils aient pris la place d’autres choses, qui semble avoir mené à ces problèmes de santé mentale.
Q :
Quels conseils donneriez-vous aux parents ?
R : Au final, c’est une bonne nouvelle car beaucoup de choses dont dépendent le bonheur et la santé mentale sont maintenant sous notre contrôle. On ne peut pas changer les gènes avec lesquels on est né, ni résoudre la pauvreté en un claquement de doigts mais nous pouvons contrôler la façon dont occupons notre temps libre et nous pouvons aider nos enfants à en faire autant.
Les études plaident en faveur d’une limitation des réseaux sociaux à maximum deux heures par jour pour les adolescents. C’est un bon équilibre pour profiter des réseaux sociaux et du smartphone (communiquer, s’informer, s’organiser…) sans les inconvénients, qui sont considérables.
Pour les plus petits, si on pense que son enfant a besoin d’un téléphone, on peut lui donner un téléphone sans internet et donc sans toutes les tentations.
yogaesoteric
5 avril 2019
Also available in: English