La mondialisation de la guerre
Dans leur phase d’expansion, alors qu’ils s’apprêtaient à évincer l’Empire britannique de son rôle d’hégémon mondial thalassocratique, les États-Unis ont eu largement recours à la guerre ; en particulier, après la guerre avec l’Espagne (qui a conduit à la conquête des Philippines), en intervenant dans la Première Guerre mondiale, puis dans la Seconde. Le point commun de ces guerres est la participation directe et massive – en hommes et en moyens – aux conflits.
En particulier les deux guerres mondiales, qui se sont déroulées en Europe, en Afrique et dans l’Extrême-Orient asiatique – ainsi que dans toute la zone de l’océan Pacifique. Après avoir consolidé leur domination hégémonique grâce à leurs victoires sur l’Allemagne, le Japon et l’Italie, les États-Unis ont continué à utiliser la guerre de manière intensive comme instrument de domination au cours des décennies suivantes.
L’une des caractéristiques essentielles de cette phase a été la fonction prédominante d’« endiguement » de l’ennemi américain (tant qu’il existait) et de « maintien de l’ordre » impérial, mais avec une diminution quantitative progressive de l’engagement. La guerre de Corée était presque une extension de la Seconde Guerre mondiale, le Viêt Nam étant la dernière guerre menée en engageant massivement les forces armées américaines.
Depuis la chute de l’Union soviétique, et l’illusion de domination unipolaire qui en a résulté, les États-Unis ont de moins en moins utilisé massivement leur armée, préférant créer de grandes coalitions, et surtout adoptant une approche exploitant au maximum l’asymétrie, écrasant rapidement et définitivement l’ennemi en place (Irak, Libye). Les guerres dans lesquelles cette approche n’a pas pu être appliquée (celles de « containment » – Afghanistan, ou celles de « déstabilisation » – Syrie) se sont révélées être un échec complet, servant tout au plus à alimenter l’industrie de guerre nationale.
Nous sommes entrés dans une phase ultérieure, caractérisée par le déclin de l’empire américain, avant même l’émergence de nouveaux « concurrents » ; il suffit d’observer le délabrement social et structurel qui caractérise de plus en plus les États de l’Union.
Une caractéristique essentielle de cette nouvelle phase est également l’approche différente des États-Unis en matière de guerre. Ce que l’on peut définir comme la « globalisation de la guerre », et qui consiste essentiellement non seulement en la multiplication des foyers de confrontation, mais surtout en l’enrôlement (plus ou moins « forcé ») d’une quantité de proxies, destinés non seulement à supporter le fardeau économique des guerres impériales, mais aussi à fournir les troupes de cette « guerre mondiale par morceaux ».
Du Japon à l’Australie, de l’ensemble des pays européens aux prochains mandataires caucasiens et asiatiques (Arménie, Kazakhstan, Taïwan…….), la nouvelle stratégie mondiale de l’hégémon consiste essentiellement à allumer continuellement des points de conflit, dont la gestion sur le terrain sera majoritairement – voire exclusivement – confiée à des mandataires locaux, dans le but d’user et de contenir le développement (économique, militaire, et donc finalement politique) de la Russie et de la Chine – mais aussi, en perspective, de l’Iran, aujourd’hui considéré comme proche de devenir une menace supérieure.
La conception stratégique – à supposer que l’on puisse utiliser ce terme – consiste donc à multiplier et à déléguer la guerre au maximum, à partager le fardeau économique avec les délégués et à maximiser les bénéfices pour son propre complexe militaro-industriel.
Comment, dans quelle mesure et jusqu’à quand parviendront-ils à impliquer les peuples et les nations dans cette guerre pour la défense des intérêts de 0,1 % de l’humanité, tel est le pari du troisième millénaire.
yogaesoteric
14 mai 2024