Le grand passage de la mortalité à l’immortalité (I)
par Mugurel Atudorei
Pour chaque homme, quand la vie se termine suit ce que beaucoup ont nommé « Le Grand Passage » ou, comme on le dit habituellement, « la mort ». Mais savons-nous vraiment ce qu’est la mort ? Est-ce qu’il vaut la peine de réfléchir à ce sujet, ou bien nous fait-il seulement peur ? L’attitude générale de la plupart des gens à l’idée de la mort est, comme il est facile de le voir, pleine de peur, d’horreur ou d’épouvante car la plupart considèrent que la mort va complètement les anéantir en tant qu’êtres et qu’elle les séparera de tout ce qu’ils ont réalisé ou de tout ce qu’ils ont de cher, de tous les aspects auxquels ils sont attachés et qui les représentent. Par conséquent le thème de la mort est en général systématiquement évité afin de ne pas assombrir la « joie de vivre », autant qu’elle existe encore.
La méditation sur la mort a été un thème majeur pour tous les philosophes et les êtres spirituels de tous les temps, non pas pour des raisons pessimistes ou morbides mais pour la raison citée par Sénèque : « Rien ne t’aidera plus à être modéré dans toutes les choses comme la méditation sur le caractère éphémère de la vie et sur l’insécurité de celle-ci ; en tout ce que tu fais, penses à la mort. »
Voici à cet égard plusieurs citations bien connues:
« Memento Mori », disaient les Grecs anciens, ce qui signifie : souviens-toi que tu es mortel (éphémère).
« Imaginons que chaque jour qui se lève est le dernier ». (Horace)
« Nous chassant en courant, il y a peu de temps des enfants, il y a peu de temps des jeunes, la vieillesse nous a attrapé sans qu’on s’en rend compte. » (Cicéron)
« Fais aujourd’hui ce qu’il faut faire demain ; et ce qui doit être fait dans l’après-midi fais-le dans la matinée ; car la mort ne regarde pas si on a finit ou non le travail. » (Mahabharata)
« Assiégé par tant de travail / Qui ne peut pas attendre / J’avais oublié que je devais / Mourir ». (Tadeusz Rózewicz)
« Les salons mentent, les tombes sont sincères. Mais hélas ! Les morts, ces conteurs à froid de l’histoire, parlent en vain à la foule en colère qui ne comprend que le langage de la passion déchaînée. » (Heinrich Heine)
« Que la pensée de la mort serve à tout moment pour comprendre le prix de la vie. » (Nicolae Iorga)
Le problème de la mort peut être compris dans un cadre beaucoup plus complexe que la manière dont elle est généralement perçue. À cet égard, il est significatif de noter que dans toutes les époques et dans toutes les cultures, il y eu une aspiration constante de l’homme à l’immortalité. Mihai Eminescu a déclaré « Je ne pensais jamais apprendre à mourir ». Il y a une intuition profonde que quelque chose de nous pourrait vaincre la mort. « Eternellement jeune enveloppé de ma cape / Mes yeux rêveurs levés vers l’étoile de la Solitude. » (M. Eminescu – « Ode en mètrique antique »).
Tous les peuples et les traditions de l’humanité ont cru sans exception que la mort n’est pas une fin absolue, mais seulement un passage, une continuation dans une autre réalité. Par exemple, la civilisation égyptienne occupe une place très spéciale en termes de préoccupation du problème de la mort. Pour les anciens Égyptiens, la vie était une préparation continuelle pour la mort, ou plutôt pour l’immortalité, la vie étant perçue plutôt comme une expiation d’un péché originel, et la mort comme un retour heureux au Paradis perdu.
En fait, comme Freud l’a observé, « Personne ne croit vraiment à sa propre mort », il y a une intuition humaine générale de l’immortalité. « Nous sommes tous immortels. Mais nous devons d’abord mourir. » (Mircea Eliade)
Tout le leitmotiv de la pensée indienne est l’immortalité: « Le vrai bonheur ne peut pas se trouver dans la finitude », et ce n’est pas seulement une figure de style ou un simple concept philosophique, mais un but absolument tangible, dans l’Esprit. La pensée indienne et celle orientale en général, mais aussi de nombreuses autres traditions considèrent que notre être véritable est immuable, étant une étincelle de l’Esprit immortel de DIEU le Père. Et dans la pensée philosophique de la Grèce antique, nous trouvons le concept selon lequel « l’âme humaine est immortelle et éternelle.» (Platon)
Si nous admettons que DIEU existe, nous devons alors accepter qu’il ne pouvait pas concevoir une création dépourvue de sens ni placer dans l’âme humaine un énorme potentiel, l’aspiration vers l’infini, pour le « tuer » après une vie si courte, où il a eu la chance de ne capitaliser qu’une infime partie de ce potentiel, de cette aspiration vers la Perfection et l’Accomplissement. La mort doit avoir un sens, pas seulement être une fin spectaculaire.
Pour les sages, la vie et la mort sont comme deux facettes d’une même médaille ou comme les cycles et les rythmes de la nature. « La mort est un phénomène simple dans la nature. Seuls les gens le rendent épouvantable », a dit M. Marin Preda.
Nous tenterons à travers cet article d’apporter un rayon de lumière, d’espoir et surtout d’objectivité sur le phénomène de la mort, en notant qu’en fait, ce qui la fait sembler si effrayante, c’est une certaine forme d’ignorance, un manque de connaissance et de compréhension de sa nature. Cette approche nous permet essentiellement de mieux comprendre qui nous sommes et ce que nous sommes vraiment. Sommes-nous simplement ce corps « de chair et d’os », ou sommes nous bien plus que cela ? Dans notre effort de répondre à cette question fondamentale, nous allons faire appel d’une part aux traditions spirituelles et religieuses de l’humanité, d’autre part aux méthodes spécifiques de la science.
Pendant des milliers d’années, les traditions spirituelles et religieuses de l’humanité ont déclaré sans équivoque que la mort n’est qu’une transition vers autre chose, que l’âme, la conscience, va dans ce qu’on appelle « le monde de l’au-delà ». Mais de nos jours, accepter tout simplement ces choses en se basant sur l’adage « Crois et ne remet pas en question! » est devenu une attitude presque infantile. En effet, la tendance générale est à considérer qu’en réalité, ces idées sont assez rudimentaires et qu’elles ont été utilisées au fil du temps plutôt pour consoler les gens naïfs ou souffrants et pour fournir une alternative a une souffrance irréparable (ou parfois même une manipulation dans le but d’obtenir certains avantages). Pour beaucoup de gens, la religion ou la spiritualité en général est devenue un dogme de moins en moins crédible, précisément parce qu’il semble n’y avoir aucun argument rationnel. Loin d’être de simples croyances sans fondement, les vieilles traditions spirituelles de l’humanité offrent pour ceux qui sont lucides un certain nombre d’exemples de réalisations très significatives que la civilisation actuelle est encore loin d’égaler. Nous pourrions mentionner à cet égard les diverses constructions mégalithiques qui existent dans le monde entier ou les connaissances ésotériques détaillées sur la nature énergétique de l’être humain, des questions que la science actuelle commence à peine à prendre en compte.
Chercher à déchiffrer l’énigme de la mort uniquement par les moyens de la science actuelle n’est malheureusement pas la meilleure façon. En effet, la science n’accepte une réalité que lorsqu’il est possible de la mesurer, de la peser et de l’enregistrer, ce qui est assez difficile à appliquer dans l’étude du phénomène de la mort, tout simplement parce que la science (du moins officiellement) ne dispose pas des outils nécessaires pour le faire. Par conséquent, en restant strictement dans le cadre des applications scientifiques courantes, vouloir élucider le problème de la mort ressemble analogiquement parlant à la situation où, étant aveugles de naissance, nous demandons qu’on nous explique ce qu’est la couleur verte. Nous avons dit « officiellement », car en fait il existe toutes sortes de photographies -même prises par des amateurs- et de films qui ont enregistrés la présence d’autres dimensions invisibles au plan physique. Mais du même point de vue officiel, ces réalités sont très contestables.
Cependant, la science d’aujourd’hui nous donne une aide très précieuse relative au sujet que nous voulons aborder ici à travers les études de cas et les témoignages recueillis au cours des 50-60 dernières années sur des personnes qui ont vécu le phénomène connu comme « mort clinique » ou EMI (expérience de mort imminente). Ces études ont une évidente valeur statistique et médicale et, par la taille impressionnante de la base de données mise au point (des millions de cas), nous pouvons dire que ce phénomène ne peut plus être négligé. Selon les sondages Gallup, on estime qu’environ 30% de ceux qui s’approchent du moment de la mort ont une expérience consciente de type EMI. Ces données ne peuvent plus être négligées, minimisées ou considérées comme des illusions. Compte tenu du fait que les données enregistrées s’inscrivent à peu près dans les mêmes repères quelle que soit la zone géographique ou culturelle et indépendamment de la période historique ou de tout autre critère, nous pourrions statistiquement parlant conclure qu’il s’agit bien d’un phénomène objectif.
Certains gens considèrent les EMI comme de pures hallucinations dues aux effets des médicaments ou, purement et simplement comme des inventions de personnes voulant à tout prix attirer l’attention des naïfs. Il existe certainement aussi de telles situations, néanmoins il reste un large éventail de phénomènes qui ne peuvent être expliqués de façon simpliste. En plus de repères communs décrits par ceux qui ont vécu de telles expériences (dont ils n’avaient pour bon nombre d’entre eux aucune connaissance préalable), un autre argument très sérieux est apporté par les transformations profondément morales apparues chez eux, aspect que nous détaillerons plus tard, et celui des expériences dites corroboratives, où les sujets décrivent avec précision des situations auxquelles ils ne pouvaient effectivement pas participer du fait qu’ils étaient cliniquement morts.
Ces expériences sont assez communes dans les traditions spirituelles et occultes et sont connues sous le nom de « dédoublement ». De nombreuses personnes réussissent suite à un entraînement ou à des dons naturels et sans être confrontés à l’expérience de la mort ni à un problème de santé, à faire sortir volontairement leur conscience du corps physique et vivre de cette manière en toute liberté tant dans le monde physique que dans celui subtil. Outre ces cas qui sont enregistrés, mentionnons les exemples du roumain Ilie Cioară ou de l’américain Robert Monroe (Yram). En outre, il existe dans la tradition tibétaine une technique de transfert de la conscience appelée PHOWA.
Les conclusions qui s’imposent suite à l’étude des EMI sont particulièrement importantes, parce qu’elles constituent un véritable pont entre la science et la spiritualité.
Certains membres du clergé sont très dérangés par un abord autre que théologique de ce sujet qu’ils considèrent comme « tabou » pour le monde « profane ». Par exemple, certains clercs vont jusqu’à affirmer que ces expériences EMI seraient en fait transmises par des démons. Le critère fondamental dans cette interprétation pourrait être que les fruits ou les résultats de certains phénomènes sont toujours éloquents quant à leur origine. Donc, si les fruits de ces phénomènes sont l’Amour, le retour à Dieu et toute une gamme de transformations morales profondément bénéfiques qui, non seulement restent stables, mais en plus deviennent l’axe central de la vie de celui qui les a vécu, pouvons-nous affirmer qu’ils proviennent des démons?
La description et les significations des processus qui surviennent avec la mort ont été abordées par toute une pléiade de scientifiques, de médecins et d’ésotéristes célèbres. Pour ne nommer que quelques-uns d’entre eux, on citera Raymond Moody, Melvin Morse, Kenneth Ring, Elisabeth Kübler-Ross, George Ritchie, Ian Wilson, Emanuel Swedenborg, Scarlat Demetrescu, Florin Gheorghe, il y en aurait beaucoup d’autres… Voilà l’une des conclusions du Dr. Elisabeth Kubbler-Ross: « Quand vous parlez avec 20.000 mourant adultes et enfants, vous vous rendez compte que l’amour est la seule chose qui compte vraiment dans la vie. L’amour inconditionnel est la seule chose qui vous aide à ne plus avoir peur ni de la vie ni de la mort. »
Pour comprendre le processus de la mort de façon plus objective, ainsi que ses étapes et sa signification, nous allons réaliser une brève analyse de l’un des anciens traités ésotériques qui décrit le phénomène de la mort de façon très complexe, à savoir le « Bardo Thödol ». Cependant, pour une image plus complète, nous allons corréler ces observations à certains aspects scientifiques ainsi qu’à des témoignages pleins de nuances offerts par des personnes qui ont effectivement vécu l’expérience de passage par la mort clinique.
Le « Bardo Thödol » est un traité fondamental de la tradition tibétaine. Il a un caractère surtout pratique afin de guider l’âme de celui qui quitte ce monde afin qu’elle puisse connaître d’autres expériences dans l’au-delà. Comme Mircea Eliade le soulignait, les expériences décrites ont un caractère vécu évident et non pas abstrait ou théorique.
La traduction du titre « Le livre tibétain des morts » n’est pas très précise, une traduction plus précise serait « Le livre tibétain de la libération par audition ». Le terme « Bardo » signifie intermédiaire, suspendu entre deux mondes. L’idée de base du traité, c’est que la mort n’est pas une négation de la vie, mais un processus nécessaire à l’évolution et que le moment de la mort offre une occasion privilégiée pour accéder à la plus haute compréhension, autrement dit à l’illumination spirituelle totale. La vie et la mort sont vues dans une continuité complète. Elles alternent successivement et sont en réalité des états du mental ou plutôt des conditionnements de l’esprit qui, surtout dans le cas du commun des mortels, s’attache à l’illusion de la réalité extérieure.
La Libération vise exactement à sortir de la chaîne de l’identification aux mécanismes psychiques qui s’enchaînent réciproquement et qui attirent par résonance des conséquences – internes ou externes, appelées génériquement « Karma » – et qui nous empêchent de nous maintenir dans l’expérience et la conscience de la Vérité manifestée en tant que Pure Lumière de la Conscience Divine. Les processus décrits sont essentiels non seulement pour ceux qui sont morts, mais aussi pour ceux qui vivent encore, pour les faire parvenir à une compréhension et une attitude plus sage sur l’existence.
Cherchons maintenant à esquisser le cheminement, les étapes et les principales conclusions de ces expériences fondamentales.
Les étapes du passage dans le « monde de l’au-delà » à travers la soi-disante « mort »
1. La résorption des énergies subtiles (Note: la tradition ésotérique considère qu’il existe cinq énergies fondamentales qui se manifestent sous forme d’octave à tous les niveaux de la réalité)
a) La résorption de l’énergie de la Terre : la vitalité est perdue, le mourant commence à sentir son corps comme étant très lourd, comme s’il était pressé par une montagne ou comme s’il s’écrasait dans le sol, ou comme une chute dans le vide. Il lui est impossible de se lever ou de garder quelque chose dans ses mains. Il ne peut plus tenir sa tête droite, même le fait de cligner des yeux devient un effort. Son visage devient très pâle et il est saisi par une somnolence invincible.
b) La résorption de l’énergie de l’Eau : on perd le contrôle des fluides corporels (urine, salive, etc.), les yeux, les lèvres et la bouche deviennent très secs. Il apparaît un sentiment d’être emporté par l’eau ou de noyade.
c) La résorption de l’énergie du Feu : la chaleur se retire à partir des extrémités, les mains et les pieds deviennent très froids, il apparaît une sensation de froid. Le feu digestif disparaît, le mourant ne peut plus manger ou digérer. La vue devient très confuse, la capacité de penser et de comprendre diminue considérablement, le mourant ne reconnaît plus ses proches. Il a le sentiment d’être consumé par les flammes.
d) La résorption de l’énergie de l’air : la respiration devient très difficile, sifflante, l’inspiration devient plus courte et l’expiration de plus en plus longue. La durée entre deux respirations devient de plus en plus longue. Le mourant ne peut plus bouger et il n’est plus conscient du monde physique.
e) La résorption de l’énergie de l’Ether : les énergies se rassemblent dans le coeur, le mourant entre en contact avec une autre dimension de la réalité. Survient la dernière expiration. Bien qu’à ce moment le corps soit considéré comme cliniquement mort, du point de vue ésotérique, le processus de la dissolution se poursuit avec une certaine phase interne, au cours de laquelle cessent progressivement tous les états psycho-mentaux.
De nombreuses traditions affirment que l’état mental au moment de la mort est très important. Ainsi, cet état n’est pas le même si on a eu du temps pour s’habituer à l’idée de la mort et pour s’y préparer ou bien si on a subit une mort violente dans laquelle notre mental a été dominé par la confusion et l’agitation. Le Dalaï Lama dit à ce propos: « Que vous ayez ou non une conscience religieuse, il est très important que votre esprit soit tranquille au moment de la mort. » Il est tellement plus sage d’être prêt le plus tôt possible, car nous ne savons pas quand le moment de mourir vient. On dit que: « Si vous voulez faire rire Dieu, parlez-lui de vos plans. » Ou « Nous sommes tous en train de mourir, c’est juste une question de temps ».
La tradition tibétaine nous recommande de comprendre que nous sommes tous des passagers à travers ce monde, de faire de notre mieux, mais de ne pas nous accrocher à cette vie. Le plus important est d’apprendre à nous orienter vers la Vérité Divine, qui est associée dans cette tradition avec ce qu’ils appellent la « Lumière Claire ». Si nous apprenons à reconnaître cette lumière au cours de notre vie, au moment du Grand Passage nous allons courir vers elle « comme un enfant dans les bras de sa mère ».
La tradition orientale nous révèle aussi le fait qu’avant de venir dans ce monde, chaque âme s’est assumée un but particulier pour cette existence. Si avant de mourir nous constatons que nous n’avons pas accompli ce but que notre âme a plus ou moins pressenti en permanence pendant notre vie, nous serons en proie à une grande tristesse. C’est pourquoi il est dit que « Nous ne devrions pas craindre la mort, mais une vie perdue ». Il est également très important de se réconcilier, de pardonner à ceux qui nous quittent (ou restent, si nous sommes ceux qui s’en vont).
(à suivre)
Yogaesoteric
2012
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