Le grand passage de la mortalité vers l’immortalité (II)
par Mugurel Atudorei
Lire ici la première partie de cet article
2. L’assombrissement et la sortie hors du corps
On atteint un état d’assombrissement, comme une obscurité, ressentie comme une rencontre entre le ciel et la terre, un état où toutes les dualités du mental se retirent. Puis suit la sortie de la conscience du corps par l’une des sept portes subtiles (au niveau du coeur, de la bouche, du sommet de la tête, etc.), ces portes étant en correspondance avec les sphères planétaires. Le moment astral de la sortie du corps est très important, ceci générant une certaine résonance pour ce qui va suivre, comme le moment astral a été important à la naissance. Selon notre niveau de conscience, la peur ou au contraire un état très spirituel peut apparaître, car ici, une fois que toutes les fluctuations mentales ont disparu, on entre en contact avec le substrat profond de la conscience.
Comme de nombreux autres ouvrages traditionnels et en accord avec les nombreuses observations consignées par des personnes qui ont vécu l’expérience de la sortie du corps par mort clinique, le « Bardo Thödol » précise qu’après avoir quitté le corps matériel, le sujet voit son propre corps physique (qui est maintenant inerte et insensible) de l’extérieur. Il voit même ceux qu’il vient de quitter et cherche à communiquer avec eux, mais personne ne semble le voir ou l’entendre. Pour ceux qui sont attachés à ce monde, il n’est alors pas du tout facile d’accomplir ce détachement : ils ne peuvent et ne veulent pas accepter qu’ils sont « morts ». C’est seulement après un certain temps lorsqu’ils découvrent qu’ils n’ont plus d’ombre, qu’ils ne laissent plus aucune trace sur le sol, qu’ils n’ont plus aucun contact avec les corps matériels, seulement alors ils vivent le choc de la prise de conscience, qui peut même les faire entrer un certain temps dans un état semblable à l’évanouissement.
Pour ceux qui sont plus purs, avec une conscience plus élevée, l’acceptation de la mort se fait beaucoup plus rapidement. Ils ont cultivé une attitude plus détachée de la vie, pour eux la mort est une sorte de libération d’un logement étroit et sombre. Et pour ceux qui ont une conscience très élevée, le passage se fait consciemment, sans douleur, comme si on passe d’une pièce à une autre. Même si pour ces derniers, leur corps est confronté à certaines souffrances qu’ils ont en fait le plus souvent librement assumé, ils ne s’identifient pas du tout à ces souffrances, leur conscience étant fixée dans un état de béatitude divine sans fluctuations. Le passage pour eux est l’entrée dans la Grande Extase (Mahasamadhi). Ainsi, pour celui qui a déjà révélé dans son être la nature fondamentale de la conscience, en raison de la transcendance des tendances inférieures de sa personnalité égotique et de ses illusions pendant sa vie, la tradition orientale affirme de façon très plastique que : « Celui qui meurt avant sa mort ne meurt plus après la mort ».
Après avoir quitté le corps survient la sortie (la résorption) complète de la conscience de la dimension physique, perçue comme le passage par un tunnel. Une sensation spécifique visuelle, auditive ou kinesthésique peut alors apparaître.
3. La lumière spirituelle, la rétrospective de la vie et la conscientisation éthique et morale
Puis, pendant un certain laps de temps adapté au niveau de chacun, à sa capacité de reconnaître et de fixer cet état se manifeste ce qu’on appelle la Lumière Claire de la Conscience (la lumière du Soi). Il s’agit d’une condition naturelle et essentielle d’exister purement et simplement. Pour ceux qui n’ont pas connu et n’ont pas cultivé cet état au cours de leur vie, cette véritable occasion d’illumination sur-le-champ, de reconnaissance de notre propre nature ou, en d’autres termes, de la lumière divine de nous-mêmes passe pratiquement inaperçue. Cette lumière est perçue aussi comme une présence divine comblante par son Amour, sa Pureté et sa Sagesse.
Lorsque la mort survient d’une manière violente, ces étapes sont identiques, sauf qu’elles se produisent plus rapidement.
Une expérience fondamentale qui se produit pendant cette étape est de revivre de façon très rapide et panoramique absolument toutes les expériences vécues et les détails de notre vie (la tradition affirme qu’on se rappelle « même où on a craché par terre ») . Nous avons l’expérience de toutes les émotions que nous avons vécues nous-mêmes, mais aussi de celles que notre comportement a provoqué chez les autres. Nous vivons toutes les conséquences et nous comprenons très précisément comment les autres se sont sentis en rapport avec nous, toute la joie ou la souffrance dont nous sommes responsables. Nous sommes évalués, jugés par la Conscience Divine, mais aussi par notre propre conscience-témoin de façon complètement détachée. Ceci ressemble plus à une réflexion ou une prise de conscience de ce que nous avons fait de notre vie. Cette prise de conscience prend la forme d’une question fondamentale que la Conscience Divine nous adresse : « Qu’as-tu fait de ta vie ? ».
C’est la question à laquelle nous devrions tous répondre après avoir quitté ce monde. « Qu’as-tu fait avec le précieux don de ta vie qui t’a été offert, comme as-tu utilisé le laps de tems passé sur terre ? » C’est le moment des grandes conclusions et des révélations. Ici, nous conscientisons ce qui était et demeure essentiel. Il ne s’agit pas d’une question d’analyse discursive où l’on puisse s’expliquer ou éventuellement nuancer. C’est juste une réflexion dans le miroir d’une Conscience qui nous assiste de manière totalement lucide et objective. Pour ceux qui ont vécu une expérience de mort imminente, c’est le stade où ils peuvent encore revenir.
4. La séparation définitive du corps et du monde physique
Pour ceux chez lesquels la séparation du corps est définitive se produit alors la rupture complète, l’effondrement de ce que l’on appelle dans les milieux ésotériques « la corde d’argent », qui est la liaison subtile entre le corps physique et celui astral.
Pour ceux qui se sont beaucoup identifiés et attachés au corps physique et qui n’ont presque pas du tout éveillé (par une pratique spirituelle, par la dynamisation de certains états supérieurs de conscience) la conscience du corps astral,t qui ont cultivé seulement les plaisirs et les attachements envers le corps physique et les biens matériels, pour eux qui n’ont aucune expérience de vibrations plus élevées survient après la mort le manque de conscientisation de leur propre mort. Ils peuvent même entrer dans un sommeil lourd, léthargique et inconscient, un rêve de plomb qui reprent encore et encore les actions qu’ils ont fait dans leur vie, sans se rendre compte qu’en fait ils sont décédés. Ces gens sont ceux qui, lorsqu’ils sont par exemple confrontés à la mort clinique, ne se souviennent de rien, d’aucune expérience.
Par ailleurs, nous pouvons auto-évaluer notre propre niveau de conscience d’après le degré de lucidité que nous avons lorsque nous rêvons. Si nous sommes lucides pendant le sommeil, nous pourrons après la mort avoir une grande liberté de conscience et même choisir nos états et nos actions. Mais si, comme c’est le cas de la majorité, notre sommeil est complètement inconscient, nous ne pourrons après la mort plus utiliser notre libre arbitre et faire certains choix pour adopter certaines attitudes. Si, en raison de la façon dont nous avons vécu et pensé au cours de notre vie, nous sommes par exemple généralement tristes et tourmentés, nous n’aurons pas beaucoup de possibilités pour changer cette situation et nous resterons fixés dans cet état tant que les conséquences de nos actions vont l’imposer. Si notre degré de liberté intérieure est plus grand, alors nous pourrons choisir ce qui est bon, ce qui génère en nous des états de bonheur et d’élévation de l’esprit.
Eveiller la conscience spirituelle du corps astral signifie éveiller au cours de notre vie des états d’amour et de bonheur très élevés, raffinés, des émotions esthétiques raffinées, des compréhensions supérieures, des idéaux nobles. Mais il existe aussi une conscience supérieure au corps astral qui est le corps causal, qui se manifeste par des idées pures, des états profonds d’introspection et de conscientisation. Ce corps astral ouvre notre être à la manifestation de la volonté toute-puissante de Dieu (qui peut être exprimée de façon synthétique par l’attitude: « Seigneur, que Ta volonté soit faite ! » dans toute situation existentielle) ou par l’intuition et la révélation de la nature de notre propre conscience comme étant de la pure conscience, de la pure existence et de la pure béatitude. La conscience du corps causal se manifeste également durant le sommeil profond sans rêves.
5. La fixation en plan astral
La tradition tibétaine parle du parcourt après la mort de certaines étapes qui se déroulent pendant 49 jours appelés « Bardo ». Dans la tradition chrétienne, ils sont connus sous le nom des « 40 frontières ». Dans la tradition égyptienne aussi, cette période est très importante : la confrontation à un certain nombre d’obstacles qui se dressent devant l’âme qui veut accéder au paradis originaire du monde des dieux y est associée. Cette période représente dans toutes les traditions une période de tests et d’épreuves qui vise à souligner de façon objective le niveau réel de l’évolution spirituelle de celui qui a quitté ce monde. La tradition tibétaine parle des cinq DHYANI-BOUDDHAS qui apparaissent successivement à la conscience de la personne décédée, chacun représentant un aspect divin particulier, une certaine facette de la sagesse divine. La conscience du défunt est désormais progressivement confrontée avec les manifestations vibratoires de la Réalité Divine. Celles-ci descendent des plus élevées jusqu’à celles correspondantes et compatibles à la conscience du défunt.
Si celui qui a quitté ce monde est capable de reconnaître sans ressentir de la peur ces aspects, surtout s’il les a connu sous une forme ou une autre pendant sa vie terrestre, alors la conscience en question va se fixer à un niveau de vibration élevée, dans un véritable Paradis céleste (astral). Mais si ces aspects ne sont pas reconnus et semblent même redoutables par leur éclat extraordinaire, il survient le déroulement des autres aspects divins de moins en moins élevés, ceux-ci pouvant même manifester une forme terrible. Toutes ces manifestations ne sont en fait rien d’autre que des expériences de l’énergie et des principes universels, qui sont les mêmes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre conscience. La forme dans laquelle ils se montrent est subjective en fonction des représentations qui ont été conceptualisées dans la vie. Par exemple, une certaine forme est prise pour un chrétien, une autre pour un bouddhiste, une autre pour un chasseur indien de buffles, etc. Chacun perçoit les principes divins universels selon sa mentalité. Il n’y a pas de contradiction entre elles, parce que le substrat est le même. Seuls les tons, la coloration est différente.
Les manifestations lumineuses de la conscience, associées aux représentations des aspects dits « doux » de la Divinité, apparaissent à la conscience du défunt pendant sept jours. Ces expériences sont ensuite régies par d’autres manifestations divines, qui, cette fois-ci ont un caractère plus « terrible », purifiant et qui continuent jusqu’au quatorzième jour. Mais dans le Bardo Thödol, on répète toujours que ce sont des illusions, des manifestations de notre propre conscience et que nous ne devrions pas plus nous en effrayer « que d’un lion en peluche ». A partir du quinzième jour commence SIDPA BARDO, le BARDO du devenir : du fait qu’il n’y a toujours pas de reconnaissance-identification avec l’un des aspects de la conscience divine (doux ou terrible), la fixation va continuer dans un niveau de la réalité subtile de plus en plus illusoire et de plus en plus périphérique à la conscience pure.
Pendant SIDPA BARDO, l’identification à l’illusion, à une certaine « porte matrice » du devenir (du retour) s’opère par l’attraction par le « vent karmique » et par les tendances de l’esprit (le désir ardent, plein de cupidité, de renaître et de satisfaire ses désirs physiques). L’identification à l’illusion est inévitable, « de même que le papillon est attiré par la lumière ».
Mais il faut préciser que cette répartition sur des jours des étapes de transformation parcourue par la conscience détachée du monde terrestre est assez relative en rapport avec les durées des jours dans le monde physique, car elle dépend essentiellement du niveau de conscience de l’individu, de la capacité de la conscience à se fixer ou non dans les états plus élevés. Si ce contact avec les dimensions élevées est superficiel, alors la soi-disant période lumineuse passe très vite. Il ne s’agit donc pas à proprement parler de jours solaires de 24h, mais simplement de certaines étapes et jalons.
Les premiers 49 jours et, en particulier les premiers 21 jours de la sortie du plan physique sont particulièrement importants parce que dans cette période, la liaison avec les vivants est encore très intense. Par conséquent, surtout dans cette première période, la tradition tibétaine dit – contrairement à ce dont beaucoup de gens sont habitués – qu’il ne faut pas pleurer après ceux passés dans « l’au-delà », parce que les larmes et les cris se font sentir très intensément comme « des tonnerres et des foudres ». Le corps mental de la personne décédée est désormais plus réactif du point de vue de la clarté, de la sensibilité et de la mobilité que pendant sa vie. C’est pourquoi, les défunts peuvent être à ce moment là réellement aidés de manière très efficace.
Analogiquement parlant, la différence d’efficacité entre l’aide qui peut être accordée dans les deux mondes est comparable à l’efficacité de déplacer un tronc d’arbre énorme quand il est d’abord sur terre (dans le monde physique) puis sur l’eau (le monde astral) où, comme ce tronc flotte, il faut juste le diriger. Les défunts peuvent être aidés par des prières, des pensées d’amour et de confiance et aussi par des offrandes (consécrations) de lumière et de nourriture. Les enseignements tibétains affirment que maintenant, la conscience du défunt est plus réceptive que jamais, car elle n’est plus limitée par quoi que ce soit du plan physique. Un état de liberté étonnante survient ainsi ; la surprise est incroyable et formidable surtout pour ceux qui ont subi une mort difficile et pleine de souffrance au niveau du corps physique. Maintenant, ils constatent l’existence de certaines facultés et disponibilités supérieures à celles du plan physique, telles que la liberté de mouvement, de déplacement dans l’espace, d’intuition, de la capacité à lire les pensées de ceux restés dans le monde physique, des sens beaucoup plus amples et plus raffinés. Ce sont des caractéristiques du corps astral.
Dans la tradition ésotérique, le corps astral est connu comme le véhicule des expériences sensorielles, émotionnelles et mentales. Dans le plan astral surtout, ce corps se guérit instantanément grâce à un simple acte de volonté. Le plan astral est ce que nous expérimentons au cours de notre vie terrestre quand notre conscience est en état de rêve (sommeil). Nous avons tous un besoin impérieux de nous alimenter avec des énergies astrales, qui « nourrissent » notre âme et notre esprit. En réalité, c’est l’une des principales explications pour notre besoin de dormir. Cette connexion astrale se fait avec les énergies de la zone astrale avec laquelle nous résonnons principalement. Nous sommes en effet en permanence connectés avec le plan astral. C’est même dès maintenant que nous développons une relation de vibration, que nous préparons « le lieu » où nous serons dans le « monde de l’au-delà ». En fait, les plans du monde astral sont considérés de façon inappropriée comme des « lieux », mais ils sont plutôt des « états », des niveaux d’énergie vibratoire. Le monde astral est beaucoup plus « malléable » en rapport des états et des pensées de la conscience. Ici, nous pouvons comprendre plus facilement le pouvoir magique de la parole ou du pouvoir de la pensée. Ces aspects sont absolument réels et fondamentaux dans le monde physique aussi, mais ils sont en général beaucoup plus éclipsés par la fixité apparente de la matière.
Dans le plan astral, la puissance de la pensée (et des états) se manifeste de façon incomparablement plus évidente que dans le plan physique. Une prière envers DIEU a par exemple des réverbérations extraordinaires et elle peut nous élever à des états extraordinairement intenses et élevés. Il est donc très important de cultiver l’aspiration vers le Bien, l’Amour et la Lumière même pendant la vie terrestre, parce que ces habitudes vont porter leurs fruits insoupçonnés et très puissants dans le monde de l’au-delà. Cela est en proportion vrai pour l’inverse, pour les tendances dégradantes et négatives de l’esprit. Tout est une question de résonance : ce que vous semez, vous le récolterez. Mais il faut savoir que dans l’état de Bardo, il est très difficile de se rappeler quelque chose qui n’est pas usuel ou de se focaliser mentalement faute d’une habitude développée dans ce sens pendant la vie terrestre.C’est pourquoi il nous est sans-cesse adressé l’appel : « Sois prudent ! » dans le « Livre tibétain des morts ».
(à suivre)
yogaesoteric
2013
Also available in: Română