Le graviola : complément des traitements du cancer
Appelé aussi corossol, la graviola est omniprésente sur internet, où l’on vante son action quasi miraculeuse sur le cancer. Une chose est sûre, derrière tout ce buzz, ce petit arbre des forêts tropicales mobilise depuis plusieurs décennies les chercheurs en raison des propriétés de ses acétogénines, composés naturels de la plante toxiques pour les cellules tumorales.
C’est un petit arbre exotique de 3 à 10 mètres de hauteur que les populations autochtones des Caraïbes, d’Amérique centrale, du Sud, et d’Amazonie connaissent bien pour en faire un usage médicinal traditionnel. Appelée corossol, graviola, sapotille ou encore guanabana selon les pays, une seule et même plante se cache derrière ces appellations : l’Annona muricata, de la famille des Annonaceae.
Toutes les parties de l’arbre sont utilisées : feuilles, fleurs racines, graines, fruits, écorce. Très prisée, la pulpe blanche de ses gros fruits hérissés d’excroissances, au goût de litchi, est consommée sous forme de jus de fruit, de smoothie, de beignets ou de sorbet. Riche en vitamine C, en fibres, en fer, en potassium, calcium, en acides aminés et en différents alcaloïdes, on lui prête de multiples vertus : diurétique, galactologue (favorise la lactation), antipyrétique (lutte contre la fièvre) antidiarrhéique et antiparasitaire, antiarthritique…
Les macérâts de ses feuilles, fleurs, racines et écorce, sont réputées calmantes, luttant contre les insomnies, les maux de tête, l’hypertension, le diabète et l’asthme. Quant aux graines, elles ont aussi des vertus antiparasitaires et insecticides…
Une efficacité à l’étude
Quasiment inconnu en Occident, le corossol a pourtant acquis en quelques années, à la faveur d’Internet et des réseaux sociaux, une solide réputation de plante anti-cancer. Les articles foisonnent, en français et surtout en anglais, où la plante est appelée sous son nom de graviola. Les arguments avancés, loin d’être toujours étayés, font valoir l’extraordinaire activité anti-tumorale du corossol, capable de neutraliser les cellules malignes.
Parfois, des études cliniques concluantes – réalisées sur l’être humain – sont évoquées… Certains sites relayant ces informations, d’une qualité très inégale, font la promotion de la plante, en vendant des extraits secs de ses feuilles sous forme de gélules… D’autres encore affirment que les découvertes extraordinaires concernant le corossol, connues depuis plusieurs années, ont été cachées par l’industrie pharmaceutique, laquelle, dans l’impossibilité de breveter le vivant ou de synthétiser les actifs de la plante, chercherait à protéger son monopole financier sur les traitements de chimiothérapie…
Prudence donc, et en particulier en cas d’évocation de la théorie du complot, car on peut se demander quel crédit apporter à ces affirmations massives et unanimes de plante miracle anti-cancer.
Une centaine d’études sur le corossol
Une chose est sûre : le corossol ait l’objet depuis le milieu des années 1990 d’une centaine de programmes de recherche aux États-Unis, en Inde, au Japon, en Corée et en Europe, dont la France. Des études in vitro et in vivo, publiées dans des revues scientifiques, ont mis en évidence ses propriétés antimicrobiennes, antivirales (notamment contre les virus de l’herpès HSV-1 et HSV-2), anti-inflammatoires (notamment contre l’arthrite), antidiabétiques, antihypertenseuses (il est vasodilatateur et élargit les vaisseaux sanguins), antiparasitaires, insecticides, ou encore hépatoprotectrices.
Une revue complète de ses vertus a été publiée en 2015 dans une méta-étude menée à la Faculté des sciences de Kuala Lumpur, en Malaisie. Mais c’est évidemment sur le cancer que les études se concentrent le plus… Dans le viseur, l’action d’une famille de principes actifs propres à la famille des Annonaceae : les acétogénines. Ces composés naturels issus du corossol (et en particulier de ses feuilles), comme l’annonacine, seraient ainsi capables d’induire l’apoptose des cellules cancéreuses, c’est-à-dire leur mort autoprogrammée, en inhibant notamment une enzyme (la NADPH-oydase), intervenant dans la synthèse de l’ATP, molécule fournissant l’énergie aux cellules via la mitochondrie. Privée de sa « pile », la cellule cancéreuse verrait ainsi sa prolifération contrecarrée…
Efficace in vitro sur les cellules cancéreuses
Les propriétés des acétogénines ont été étudiées en particulier par Jerry L. McLaughlin, du Laboratoire de Pharmacie et de Chimie de l’université de Purdue dans l’Indiana, structure de recherche soutenue par le National Cancer Institute américain. Le scientifique affirme, dans une étude publiée dans le Journal of Natural Products en 1996, que certaines acétogénines du Corossol sont « 10.000 fois plus puissantes » sur des cellules du cancer du côlon que l’adriamycine, un produit couramment utilisé en chimiothérapie cancéreuse. Une découverte étonnante, propre à appuyer le caractère « miraculeux » de la plante, mais qu’il convient cependant de nuancer…
Dans une autre étude menée par le même scientifique la même année, l’efficacité d’autres acétogénines se révélait beaucoup moins spectaculaire, et « seulement » équivalente ou légèrement supérieure au même produit de chimiothérapie… Quoi qu’il en soit, de nombreuses études ont démontré une action anti-tumorale, à la fois in vitro sur des lignes de cellules cancéreuses, et in vivo, sur des souris à qui l’on a greffé des tumeurs. Cette propriété concerne plusieurs types de cancers, du poumon, du sein, du pancréas, du foie ou encore de la prostate.
De plus, il a été montré en laboratoire que les acétogénines sont sélectives, et ne s’attaquent qu’aux cellules cancéreuses, épargnant les cellules saines. Pour autant, faut-il crier au remède absolu anti-cancer ? Certes, non. Car, comme le souligne l’organisme officiel Cancer Research UK sur son site internet, ainsi que la revue internationale Oncology, aucune recherche n’a pu être effectuée jusqu’à présent sur l’humain… En l’absence d’études cliniques, seules à même d’évaluer la réelle efficacité d’une substance potentiellement anticancéreuse, la prudence reste de mise. Précaution d’autant plus importante qu’une consommation excessive de corossol est suspectée de provoquer des troubles nerveux.
Conseils d’utilisation
Si vous souhaitez vous lancer dans une supplémentation de corossol, en tant que traitement préventif ou curatif complémentaire, vous trouverez facilement sur internet, en magasin bio et en herboristerie des extraits secs ou liquides ou des feuilles séchées. Les posologies recommandées par les distributeurs varient de 1 à 2 grammes par jour sous forme de gélules, ou sous forme de macérât de feuilles de corossol trois fois par jour. Faites-vous conseiller et suivre par votre médecin phytothérapeute.
Autre solution pour se procurer du corossol, moins onéreuse et plus simple : vous pouvez essayer de faire pousser l’arbre chez vous… Plante tropicale, l’Annona muricata apprécie le soleil et la chaleur, et doit être protégée du gel sous les latitudes françaises, idéalement en abri sous serre. Veillez à vous armer de patience : la germination des graines prend 15 à 60 jours, et les fruits, s’ils daignent apparaître, le font trois à quatre ans après la plantation !
yogaesoteric
12 juillet 2019
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