« Le meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley
Dans ce livre visionnaire écrit dès 1932, Aldous Huxley imagine une société qui utiliserait la génétique et le clonage pour le conditionnement et le contrôle des individus.
Dans cette société future, tous les enfants sont conçus dans des éprouvettes. Ils sont génétiquement conditionnés pour appartenir à l’une des 5 catégories de population. De la plus intelligente à la plus stupide : les Alpha (l’élite), les Bétas (les exécutants), les Gammas (les employés subalternes), les Deltas et les Epsilons (destinés aux travaux pénibles).
Le « meilleur des mondes » décrit aussi ce que serait la dictature parfaite : une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce la consommation et au divertissement, les esclaves « auraient l’amour de leur servitude »…
Dans un dialogue entre l’Administrateur général du Meilleur des Mondes et l’un des rares dissidents, Huxley avait parfaitement imaginé les principes du contrôle social moderne…
« – La population optimale est sur le modèle de l’iceberg : huit neuvièmes au-dessous de la ligne de flottaison, un neuvième au-dessus.
– Et ils sont heureux, au-dessous de la ligne de flottaison ? En dépit de ce travail affreux ?
– Ils ne le trouvent pas tel, eux. Au contraire, il leur plait. Il est léger, et d’une simplicité enfantine. Pas d’effort excessif de l’esprit ni des muscles. Sept heures et demie d’un travail léger, nullement épuisant, et ensuite la ration de soma, les sports, la copulation sans restriction et le Cinéma Sentant. Que pourraient-ils demander de plus ? »
« – Shakespeare est interdit parce qu’il est vieux. Ici, nous n’avons pas l’emploi des vieilles choses.
– Même si elles sont belles ?
– Surtout si elles sont belles. La beauté attire, et nous ne voulons pas que l’on soit attiré par les vieilles choses. Nous voulons qu’on aime les neuves.
– Mais les neuves sont si stupides, si affreuses ! Ces spectacles, où il n’y a rien que des hélicoptères volant de tous côtés, et où l’on ressent les gens qui s’embrassent ! Des boucs et des singes !
– Des animaux bien gentils, pas méchants en tout cas… »
« – On ne peut demander qu’à un Epsilon de faire des sacrifices d’Epsilon, pour la bonne raison que pour lui, ce ne sont pas des sacrifices : c’est la ligne de moindre résistance.
Son conditionnement a posé des rails sur lesquels il lui faut marcher. Il ne peut s’en empêcher; il est fatalement prédestiné. »
« – Le monde est stable à présent. Les gens sont heureux ; ils obtiennent ce qu’ils veulent, et ils ne veulent jamais ce qu’ils ne peuvent obtenir. (…) Ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils le doivent. Et si par hasard quelque chose allait de travers, il y a le soma.
Il nous faut choisir entre le bonheur et ce que l’on appelait autrefois le grand art. Nous avons sacrifié le grand art. Nous avons à la place le Cinéma Sentant et l’orgue à parfums.
– Mais ils n’ont aucun sens !
– Ils représentent pour le spectateur un tas de sensations agréables. (…) Cela exige l’habileté la plus énorme. Nous fabriquons des voitures avec le minimum d’acier, et des œuvres d’art avec pratiquement rien d’autre que de la sensation pure. »
« – Ce n’est pas seulement l’art qui est incompatible avec la stabilité. Il y a aussi la science. La vérité est une menace, et la science est un danger public. Nous sommes obligés de la tenir soigneusement enchainée et muselée. (…) Elle nous a donné l’équilibre le plus stable de l’histoire. Mais nous ne pouvons pas permettre à la science de défaire ce qu’elle a accompli. Voilà pourquoi nous limitons avec tant de soins le champ de ses recherches. Nous ne lui permettons de s’occuper que des problèmes les plus immédiats du moment. Toutes les autres recherches sont soigneusement découragées. »
Aldous Huxley, « Le meilleur des mondes »
yogaesoteric
19 juillet 2019
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