Les 5 erreurs de début de mandat d’Emmanuel Macron qui pourraient bien lui coûter son quinquennat
Tel un apprenti sorcier, Emmanuel Macron a trouvé la formule magique pour faire exploser l’ancien système mais, manque de chance pour les français, il se montre aujourd’hui incapable de piloter le nouveau. Ce « Harry Potter » de la politique ne connaît pas l’antidote de son « expérimentation hasardeuse ». Pourtant si aucune alternative n’émerge, c’est la crise de régime qui risque de s’approfondir durant ce quinquennat. Après quelques mois d’exercice, il est bien le président le plus impopulaire de la V ème de la République.
Cinq erreurs majeures expliquent ce terrible échec.
1. La première erreur du macronisme est sans doute sur la forme. Avec une communication très axée sur sa personnalité, ce hyper président espérait sans doute masquer la tonalité très libérale de ses premières mesures.
Entre « Ulyssisme » et narcissisme, durant ses 100 premiers jours, il a envoyé –en vain – de jolies cartes postales aux français: Emmanuel avec les grands de ce monde… Pour rassurer l’égo de la nation française outragée par la mondialisation ? Emmanuel en Top Gun… Pour faire passer les 850 millions d’euros supprimés du budget de la défense ? Emmanuel à Versailles… Pour affirmer que derrière le Président, il y a bien le monarque républicain surjouant son pouvoir ? Emmanuel à la station F avec les startupers… Pour mieux signifier le décalage avec la vieille classe politique ?
A en croire sa chute de popularité, les français ne se sont pas laissés berner par ces « clichés » de ce héros fitzgéraldien. Ils refusaient l’austérité aveugle hier, ils rejettent toujours le crétinisme « bercyen » aujourd’hui, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Car au fond, si Emmanuel Macron promettait « l’imagination au pouvoir », les français ont bien eu – sans surprise – l’énième resucée du Thatchérisme light si bien connu avec son pendant : l’exercice autoritaire du pouvoir.
Malgré une presse savamment mise à l’écart, ou complaisamment mise à contribution s’agissant de sa vie privée, il se révèle au grand public au rythme de ses bévues et erreurs : solitaire dans l’exercice du pouvoir, vertical et directif alors que le pays a, au contraire, besoin d’horizontalité et de décloisonnement. Dans « Le Coup d’Etat permanent », à propos du Général de Gaulle, François Mitterrand écrivait : « Non seulement pour maintenir son prestige hors d’atteinte, pour affûter le réflexe des masses naturellement portées à se tourner à l’heure du péril vers l’homme qui n’a dévoilé ni les ressources de sa pensée ni les ressorts de son action, il use du silence et de la solitude, mais encore il pressent que tout pouvoir qui ne lui est pas soumis se transforme fatalement en pouvoir ennemi ». Une référence qui éclaire utilement le choix du Président de la République d’écarter toute personnalité politique (ou militaire !) susceptible de lui faire de l’ombre, de mettre au pas tous les ministres (y compris le premier d’entre eux inexistant !), de réduire à néant toute expression de nuances au Parlement au sein de sa propre majorité écrasante transformée en machine à voter.
Voilà pourquoi, à l’opposé, il est urgent de proposer la mise en place d’une sixième République avec une séparation des pouvoirs nette, un rôle d’un parlement plus efficace et considérablement renforcé, une participation citoyenne constitutionnalisée et une décentralisation aboutie avec davantage de pouvoirs donnés aux territoires au plus près des habitants. Sans oublier de faire de l’opportunité de la révolution numérique un levier majeur pour étendre considérablement la participation citoyenne.
2. La seconde erreur de la présidence Macron est de naviguer sans cap ni vision en dehors de la boussole bruxelloise. L’impression se confirme, une gouvernance floue au point de se déjuger sur les annonces initiales de campagne, de revenir sur les calendriers de réformes, d’improviser dès qu’une difficulté arrive… Non loin du syndrome Léonarda qui coûta si cher à son prédécesseur. Et que dire de la baisse de 5 euros des APL ? Jamais évoquée en campagne, elle est le pendant profondément inégalitaire d’un pouvoir débutant son magistère par un cadeau de 3 milliards d’euros sur l’ISF… La nationalisation temporaire de STX n’étant en fait que l’arbre cachant la forêt d’une loi Penicaud accélérant la désindustrialisation en facilitant les licenciements collectifs ; sans parler des choix budgétaires faits au détriment des territoires. Toutes ces options ayant pour effet d’accroître les antagonismes entre le cœur des métropoles mondialisées et la France périphérique qui décroche.
3. Car la troisième erreur du macronisme est la plus fondamentale, elle est économique. C’est sans surprise que le Président Macron amplifie la politique d’austérité qu’il contribuait déjà à déployer en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée puis ministre de l’économie. Alors que la crise sociale est toujours pesante dans la France, que la plupart des économistes (FMI et OCDE en tête) réclament une hausse des investissements publics, que l’augmentation de la dette publique depuis 2008 s’explique principalement par la crise financière, le Président Macron a pris la plus mauvaise des voies, celle d’accentuer les coupes budgétaires que les français subissent (sans succès économique) depuis 10 ans : 850 millions pour l’armée, 525 millions pour l’Intérieur, 160 millions pour la Justice, 140 millions d’euros pour l’aide au développement, 75 millions pour l’Education Nationale, 50 millions pour la culture…
4. La quatrième erreur du macronisme est sans doute ici : entre Thachérisme et Merkélisme, il applique des recettes du passé, comme celle du respect aussi bête que méchant des ratios européens. Ceux-là même qui ont attisés la colère des peuples par le choix d’un dumping social permanent. Les Français savent quoi penser de cette fausse modernité. Ils ont déjà rejeté cette vision d’une Europe technocratique et libérale qu’on leur a imposée malgré leur vote.
5. La cinquième erreur de cette présidence est incontestablement son manque d’imagination au pouvoir. Son incapacité à inventer un nouveau modèle de société qui prenne sens en dehors de l’argent roi (et des nouvelles couches qui le portent), à faire le choix irréversible et véritable d’une croissance écologiquement soutenable. Mais ce qui manque plus fondamentalement au macronisme c’est une vision pour ces territoires périphériques, oubliés de la République, qu’ils soient ruraux, périurbains ou encore des banlieues délaissées alors qu’elles débordent d’énergies positives et de talents. Pour Emmanuel Macron, la France semble se résumer d’un côté aux chanceux (forcément talentueux) de la mondialisation vivant dans les métropoles et, de l’autre, à « ceux qui ne sont rien » et qui erreraient sans but comme autant de dégâts collatéraux du nouveau monde.
Pour sortir de cette grave crise de confiance que traverse la France, en lieu et place de la paresse libérale, il conviendrait au contraire de faire le pari d’une véritable innovation bousculant les habitudes. En s’appuyant vraiment sur les énergies entrepreneuriales, sociétales, éducatives qui foisonnent dans la France. Pas un jour sans que de nouvelles énergies publiques ou privées ne se libèrent pour protéger l’environnement par la créativité, développer l’économie vivifiée par le souci des circuits courts plus protecteurs et socialement plus responsables, encourager les administrations toujours plus soucieuses du service au public.
Voilà en tout cas ce qui doit guider les français à Gauche : une politique davantage focalisée vers la protection des biens communs essentiels, contre les dérives du marché, prenant réellement la mesure de la révolution du travail et de la nécessaire réinvention des relations et des protections qui le régisse. Dans cette feuille de route qu’il faudra chaque jour compléter le souci sera d’ouvrir de nouveaux droits plutôt qu’en retirer.
Imaginer, c’est hausser le réel d’un ton (Gaston Bachelard). Aux citoyens de ne pas rester les bras ballants. Aux citoyens d’inventer une Gauche qui sache refuser le conservatisme des positions sociales, économiques, politiques et culturelles. Aux citoyens d’inventer une Gauche qui insuffle davantage d’horizontalité dans la France, notamment via toute la richesse de ses territoires, des logiques collaboratives et des innovations ascendantes.
yogaesoteric
4 octobre 2017
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