Les plus anciens Homo sapiens découverts au Maroc

La découverte de cinq squelettes fossiles d’Homo sapiens datant de 300.000 ans dans le nord-ouest du Maroc fait reculer les origines de notre espèce de 100.000 ans.

Elle révèle un scénario évolutif complexe de l’humanité en Afrique.

« Nous avons pris l’habitude de penser que le berceau de l’humanité moderne peut être localisé en Afrique de l’Est, il y a 200.000 ans, mais nos travaux démontrent sans ambiguïté qu’Homo sapiens était probablement déjà présent sur l’ensemble du continent africain il y a 300.000 ans. Bien longtemps avant la sortie d’Afrique d’Homo sapiens, il y a eu une dispersion ancienne à l’intérieur de l’Afrique », déclare Jean-Jacques Hublin, de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire de Leipzig et du Collège de France.

Une équipe internationale, menée par le paléo-anthropologue français et Abdelouahed Ben-Ncer de l’Institut national d’archéologie et du patrimoine de Rabat, vient d’analyser cinq squelettes – trois adultes, un adolescent et un enfant – comme appartenant à l’espèce de l’homme moderne, Homo sapiens. Situés à Jebel Irhoud (jebel signifie colline), au sud-ouest de Casablanca, dans une mine de barytine (sulfate de baryum), ces restes sont associés à des outils de pierre et des restes de faunes.

Pour la datation, « nous avons pu analyser de nombreux silex brûlés par la méthode de thermoluminescence, et avons obtenu, avec une grande surprise, des dates d’environ 300.000 ans, repoussant les origines de notre espèce de 100.000 ans », se souvient Jean-Jacques Hublin.

« Une boîte crânienne de grande taille »

L’analyse morphologique par tomographie et reconstitution 3D a aussi donné lieu à de bonnes surprises. « Les hommes de Jebel Irhoud possèdent à la fois une face et une denture modernes, et une boîte crânienne de grande taille avec une forme oblongue, des caractères archaïques », poursuit le chercheur.

« Nous montrons que la face humaine a acquis précocement ses caractéristiques modernes, mais que la forme du cerveau et possiblement ses fonctions ont continué à évoluer au sein de la lignée d’Homo sapiens », ajoute Philipp Gunz, anthropologue à Leipzig. « Ces résultats, précise Jean-Jacques Hublin, viennent conforter ceux de la paléogénétique chez les Néandertaliens, les Dénisoviens et les hommes modernes, qui montrent que dans notre lignée, une poignée de gènes a présidé au développement cérébral et à la connectivité du cerveau via une succession de mutations génétiques. »

Homo sapiens primitifs, les fossiles de Jebel Irhoud représentent à ce jour les traces les plus anciennes d’Homo sapiens sur le continent africain. Toutefois, les paléo-anthropologues en ont recensé d’autres, à Florisbad (Afrique du Sud, 260.000 ans) et à Omo Kibish (Éthiopie, 195.000 ans). L’origine de l’espèce humaine résulte donc sans doute d’un scénario complexe impliquant l’ensemble de l’Afrique.

« Un berceau à roulettes »

À Jebel Irhoud, les fossiles humains sont associés dans les couches sédimentaires à des restes d’animaux chassés, essentiellement des gazelles. Les outils appartiennent à l’époque dite Middle Stone Age, la grande étape de la préhistoire africaine. Ces outils ont été fabriqués avec du silex importé selon la technique de débitage Levallois, et on n’a pas trouvé de bifaces, types d’outils couramment présents dans des sites plus anciens.

« Il est très probable que les innovations techniques qui caractérisent le Middle Stone Age soient associées à l’émergence et à la dispersion d’Homo sapiens, résultat des changements à la fois biologiques et comportementaux », indique Shannon McPherron, de Leipzig.

L’Afrique est bien le berceau de l’humanité, disait l’abbé Breuil, mais « un berceau à roulettes ». A présent, Jean-Jacques Hublin et son équipe confirment cette boutade.





yogaesoteric

24 mars 2018 

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