Lorsque les savants deviennent des sages
par Gregorian Bivolaru
Le grand yogi Sri Aurobindo disait dans un article: “Toute la pensée métaphysique européenne – même les penseurs qui essayent de prouver l’existence et la nature de Dieu ou de l’Absolu – par ses méthodes et ses résultats, ne passe pas au-delà de l’intellect. Mais l’intellect est incapable de connaître la Vérité Suprême; il peut seulement chercher la Vérité et deviner certaines représentations fragmentaires de celle-ci, non pas sa totalité, en essayant les analyser et les mettre ensemble. Le mental ne peut pas arriver à la Vérité; il peut seulement esquisser certaines images et arrive ainsi à représenter la vérité comme une combinaison de celles-ci. Donc, dans les termes de la pensée européenne, l’agnosticisme doit toujours se manifester, de manière déclarée ou implicite”.
Beaucoup de gens ont lu et même étudié la Bhagavad-Gita et Les aphorismes sur le Yoga (Yoga Sutras) de Patanjali, deux des livres essentiels de la philosophie hindoue, et peut être, initialement, ils ont été surpris par cette vision totalement différente de la Réalité, vision conformément à laquelle la vie véritable est plus de la poésie et de la musique que de l’intellect. Pour cette raison nous chercherons par la suite à tracer un “schéma logique” qui caractérise les phénomènes paranormaux, tant en conformité avec les doctrines du Yoga et de Vedanta, que dans les termes de la vie véritable, en vertu du fait que le paranormal, par le prisme de cette vision, est la joie, la libération, la guérison du mal de la vie ordinaire.
Ce n’est pas une analyse “mystique”: c’est la règle qui gouverne dans la même mesure les symphonies de Beethoven, les sculptures de Michel-Ange, les vers de Dante, et l’amour, embrassement profond qui donne naissance à une créature.
1) Tout est l’expression « Le Premier sans un deuxième », tel que tout ce qu’on voit soit la réfraction de la Lumière, de l’Énergie, dont les manifestation sont en même temps auditives, tactiles, gustatives et olfactives.
2) La perfection en Yoga, donc dans la Connaissance aussi, se réalise par samyama ou samadhi où la concentration est la fusion entre le sujet (celui qui perçoit la lumière) et l’objet (de l’Univers en tous ses détails perçus par le sujet) dans l’Unité.
3) Une fois l’Unité atteinte, tout est possible, au-delà des superstitions et des perspectives limitées (espace et distances, temps et durées, causes et effets, singularité et dualité, ego et non-ego).
4) Ce n’est pas un pouvoir de l’ego, mais c’est la perfection spirituelle (siddhi), qui englobe tout, de l’Être sans attributs qui inclut tout à l’image du rayon de lumière qui projette un film sur l’écran d’un cinéma.
5) La clairvoyance, la télépathie, l’intuition poétique, l’expression artistique, le sens philosophique profond, la connaissance intuitive universelle, la connaissance du passé et du futur, la libération spirituelle, la joie, l’élimination de la souffrance sont des conséquences logiques de la fusion avec la Divinité, de l’indépendance d’un autre individu ou d’une cause matérielle, pouvoirs qui apparaissent spontanément, non pas par volonté égoïste, ni par l’ambition de la connaissance ou du pouvoir, mais grâce au fait que toutes sont l’expression de l’Unique Dieu. De là provient l’incapacité de la volonté humaine commune de les provoquer, de les utiliser dans des buts profanes.
6) Les effets paranormaux de la fusion, de la dissolution dans l’Unité sont étudiés et considérés comme des phénomènes de la nature divine de l’Être, qui nous révèlent l’Identité Universelle.
7) Tout est basé sur l’Existence, la Conscience et la Béatitude, en retrouvant l’Unité immortelle qui existe en tout.
8) Les vérifications scientifiques peuvent se réaliser de manière efficace sauf si elles englobent le sens symbolique de l’existence, comme dans l’art, où la clairvoyance et même le miracle physique incluent des sens métaphoriques et non pas seulement des coïncidences..
9) La libération spirituelle, le dépassement de toute limite (donc de celles espace-temps aussi) est la cible, le but de l’existence.
Nous avons synthétisé ici les conclusions des aphorismes de Patanjali, mais aussi bien nous aurions pu citer d’autres textes, de Mandukya Upanishad à Hatha Yoga Pradipika ou Shiva Samhita; les conclusions sont les mêmes.
Si un être quitte le plan physique, le film de son existence ici s’arrête, mais la lumière du projecteur continue à briller pour d’autres films. Au cas où cette lumière aussi s’arrête, l’énergie positive et négative qui avaient produit par contact la force de la lumière continue de vibrer, prête à établir de nouveaux contacts, par l’intermédiaire du générateur. Même les matérialistes ont dit “rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme”. Voilà que, finalement, les scientifiques des grands centres universitaires, de Pasadena ou de Princeton, ont commencé à dire que la présence consciente, la Conscience est partout, éternelle et inchangée en elle-même. De cette Conscience Universelle, nous voyons seulement l’extérieur projeté sur un miroir, l’intérieur ineffable étant tout à fait autre chose. Cette présence intérieure se trouve aussi dans les cellules, dans les plantes, dans notre corps, dans toutes les structures organiques beaucoup plus “intelligentes” que l’intellect humain, qui se fatigue et se trompe si souvent, tandis que la formation du corps d’une belle femme implique une harmonie qui révèle une connaissance parfaite, toujours renouvelée. Tout va de façon magique vers l’avant; pour réaliser un enfant, la nature est beaucoup plus douée que Michel-Ange. Cela veut dire qu’un Être unique, de nature divine, existe derrière tout ce que nous voyons dans le miroir? Ou tout ce que nous voyons dans le miroir est divin? Einstein, Eddington, Heisenberg, Bohm, et même des biologistes comme Beck, Pribram, ont affirmé déjà directement ou indirectement au moins une de ces hypothèses. Pour ceux-ci il est évident que les affirmations de la science sont vraies seulement dans certaines limites.
Si assez récemment, on croyait que la science pouvait se substituer à la religion et à la spiritualité, la disparition d’une telle idée est évidente et inévitable. La faute de la science prend naissance dans le fait que ce qui était considéré comme une réalité prouvée et indéfectible, se révèle avec le passage du temps, être l’effet des systèmes de coordonnées intellectuelles ou relatives, spécifiques à l’être humain, qui, bien qu’elles soient logiques et justes en elles-mêmes, sont finalement des illusions qui ne peuvent pas avoir une validité absolue. Par contre, dans le cas des spéculations théologiques, qui essayent de conforter les théories scientifiques avec le dogme, le rejet provient du manque de logique et de crédibilité de celles-ci. Qu’est-ce qu’il nous reste alors? Même “la mort de Dieu” proclamée par les gens de science et les faux théologiens n’est que la mort d’un fantasme, pour révéler la vraie existence de Dieu.
Arrivés à ce point, tel qu’Aurobindo le dit, à l’aide de l’intellect on ne peut pas faire même un pas de plus. Et alors?
Alors – toutes les religions déclarent que Dieu est indéfinissable et inexprimable –la musique de Mozart n’existe-elle pas, les vers de Dante ou le temps de Bouddha de Bodhigaya, ou le Luceafăr d’Eminescu ou de Voroneţ? De quoi s’agit-il? C’est le moment où l’on entrevoit l’Identité du Tout dans l’Unité, de l’entier spectacle dans la rayon de lumière qui le produit. Nous le regardons toujours dans le miroir, mais ce n’est que le symbole de la Béatitude qui se trouve en nous. Quelle “vérité” scientifique peut nier ce fait, par lequel l’art est toujours un autre et donc toujours plus vrai que ce qui n’est pas l’art? La science peut dire que pour elle les choses ne sont pas tel que Michel-Ange les a vues dans la Chapelle Sixtine ou Grigorescu dans les icônes.
Pour conclure, dans le cas de la science et de la philosophie occidentale, le sommet proposé représente la connaissance intellectuelle. Pour l’enseignement oriental, ce sommet est, de même que dans l’art, la joie, la béatitude intérieure, la mesure ultime de tout ce qu’on cherche à l’extérieur. A l’aide de l’intellect on peut pousser à l’extrême le raisonnement scientifique, mais si nous nous trouvons au seuil de l’intuition universelle, à l’endroit où finissent “mon désir et ma volonté”, nous découvrirons “L’amour qui fait bouger le soleil et les étoiles”, et dans le visage invisible de Dieu se révèlera notre image. Bien sûr, ici nous trouverons tous les autres visages et encore quelque chose de plus; nous pouvons affirmer que, finalement, l’intelligence d’un chat est différente, mais potentiellement égale avec la notre ou celle d’une cellule.
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