Norbert Hofer : « Je veux une Europe forte et unie, composée d’Etats-nations forts et sûrs d’eux-mêmes »
Norbert Hofer, candidat du FPÖ (Parti de la liberté, parti national-libéral), s’est présenté à la présidence autrichienne le 4 décembre 2016, mais le résultat a été une nette défaite face à l’écologiste Alexander Van der Bellen. Apparatchik Alexandre van der Bellen – qui a grimpé les échelons au sein du Parti communiste (KPÖ), du Parti socialiste (SPÖ) et des Verts (Die Grünen) dont il a été le porte-parole pendant onze ans – s’affiche comme indépendant! Cet atlantiste, centralisateur et immigrationniste est soutenu par l’extrême gauche, notamment par le KPÖ. Le palmarès de ce renégat ferait se retourner ses ancêtres dans leur tombe: le Néerlandais Johann Abraham arriva dans l’Empire russe en 1763 et son fils Alexandre fut anobli par Nicolas Ier.
Quant à Norbert Hofer et au FPÖ, ils sont souvent faussement représentés par les médias européens comme étant d’extrême droite, alors qu’ils ne font que défendre des positions conservatrices, identitaires et libérales au plan économique. Le message phare adressé au peuple autrichien par Norbert Hofer, « Je vous rendrai votre Autriche! », l’a crédité de 60% des intentions de vote peu avant le début du scrutin.
Nous vous offrons à continuation un entretien avec Norbert Hofer réalisé par Jeanne de Baylan pour Médias Presse Info le 21 novembre 2016.
Politique intérieure
– Vos adversaires prétendent incarner la démocratie, mais ils n’ont pas hésité à truquer l’élection pour la présidence autrichienne. Qui sont les vrais démocrates en Autriche? Et avez-vous des garanties que, cette fois, le scrutin se déroulera sans trucage?
– L’Autriche est une démocratie développée et l’annulation du second tour des élections présidentielles de mai 2016 a démontré que l’Etat de droit autrichien fonctionne. Les irrégularités étaient tellement graves que la Cour constitutionnelle ne pouvait exclure des manipulations. Il faut souligner que les débats furent accessibles au public afin que les citoyens intéressés aient la possibilité de comprendre la prise de décision de la Cour.
Cette décision est unique en Autriche. Elle montre d’abord que la démocratie et le droit fonctionnent, et elle a par ailleurs abouti à un réveil des administrations et fonctionnaires concernés. Par conséquent, je pars du principe que le troisième tour de scrutin du 4 décembre 2016 se déroulera sans incidents, de façon acceptable et honnête. [NDLR: Le FPÖ, parti d’extrême droite a reconnu sa défaite face à l’écologiste avant même que les résultats officiels soient connus lundi, 5 décembre 2016.]
– Comment expliquez-vous votre popularité en Autriche aujourd’hui? Quelle est la recette de ce succès?
– Au début, ma cote de popularité n’atteignait pas les 10%, et beaucoup pensaient que je n’avais pas de réelles chances. Depuis que je me suis lancé dans la bataille électorale en janvier 2016, elle a augmenté. Ma «recette» est que je suis toujours authentique. Je ne triche pas, et les citoyens le sentent bien et l’apprécient. Ma façon d’être modéré dans le ton mais ferme dans mes convictions a également été appréciée par des représentants appartenant à d’autres groupes politiques.
– Pensez-vous que l’Autriche fait face à une immigration de grand remplacement, pour reprendre l’expression de Renaud Camus?
– Les vagues migratoires des derniers dix-huit mois représentent une pression et un défi énormes pour l’Autriche. Après la Suède, c’est l’Autriche qui a accueilli en 2015 le plus gros contingent de demandeurs d’asile par habitant dans l’Union européenne. Mais, en procédant ainsi, nous n’avons pas seulement largement épuisé nos capacités, mais nous les avons dépassées. Avec le flux des réfugiés de guerre syriens, ce sont des milliers de migrants économiques venus de l’Afrique du nord et d’autres Etats arabes qui sont entrés en Europe, et notamment en Autriche, en ayant pour objectif de profiter de nos systèmes sociaux. Là, nous envoyons le mauvais signal, et il est évident que ces migrants qui arrivent en Europe veulent en bénéficier. Je suis d’avis que les prestations de transfert − comme les allocations familiales [appelées en Autriche allocation de garde d’enfant] ou de protection minimale − ne devraient être octroyées que lorsque la personne a exercé en Autriche une profession pendant cinq ans.
– Quels sont selon vous les remèdes à apporter? Êtes-vous favorable à une remigration?
– L’asile signifie une protection limitée dans le temps, cela signifie aussi qu’il est nécessaire de vérifier régulièrement que les conditions d’éligibilité au statut de réfugié sont encore valides. Ceux qui ne les remplissent pas doivent être renvoyés de façon organisée dans leurs pays d’origine. Actuellement, toute personne qui arrive sur le sol européen peut supposer qu’elle pourra y rester. Beaucoup tombent dans l’illégalité, glissent vers la criminalité et se livrent au trafic de drogues et d’armes et, par voie de conséquence, surchargent l’activité de la police et de la justice. Aujourd’hui, plus de la moitié des détenus dans les prisons autrichiennes sont déjà des étrangers. C’est pourquoi des accords de rapatriement efficaces doivent être négociés avec les pays concernés, afin de ne pas mettre notre pays encore davantage sous pression.
– Vous évoquez dans votre autobiographie le poids de la bureaucratie et le pouvoir omniprésent des partis et des syndicats dans la vie autrichienne. Que comptez-vous faire, si vous êtes élu, pour restreindre leur influence?
– Les organisations syndicales ont accompli de grandes choses et la représentation des salariés est indispensable. Ma critique est dirigée principalement contre certains abus de pouvoir de la part des partis politiques et des syndicats. Par exemple, quand quelqu’un postule à un emploi à la municipalité de Vienne, il y a des départements où le contrat de travail est présenté à la signature du candidat en même temps que le bulletin d’adhésion au syndicat. Cela est inacceptable, tout comme les traitements de faveur accordés aux membres de partis politiques. Ainsi, les postes de directeur d’école sont encore aujourd’hui attribués de façon paritaire. Je suis résolu à faire en sorte que les attributions de poste prennent en compte les compétences objectives du candidat, mais que l’adhésion à un parti ne puisse toutefois pas représenter un obstacle.
– Escomptez-vous faire usage de l’article 29 de la Constitution autrichienne qui autorise le président nouvellement élu à dissoudre le Conseil national [chambre basse du Parlement autrichien] et à procéder à des élections législatives anticipées?
– Cette disposition que prévoit la Constitution autrichienne représente pour moi un «Ultima Ratio» [dernier recours]. Le gouvernement est élu pour travailler dans les intérêts de l’Autriche. Je crois que le fait que je sois élu président sera suffisant pour que les partis au pouvoir soit mettent fin à leurs querelles et sortent de l’impasse politique, soit ouvrent eux-mêmes la voie à de nouvelles élections.
J’exercerai mes fonctions avec sagesse et de manière responsable et n’ai pas l’intention de révoquer le gouvernement à la moindre occasion. Mais si, comme l’année dernière, la loi et la Constitution sont violées, permettant à des milliers de personnes de franchir nos frontières illégalement et sans contrôle, alors je me verrai dans l’obligation d’intervenir.
– Comment expliquez-vous l’hostilité de la politique des partis du cartel politique – les vieux partis, ÖVP et SPÖ – à l’égard de la Hongrie et plus spécialement d’Orbán?
– Les dérives de l’ancien chancelier fédéral autrichien [Faymann] ont nui à l’image de l’Autriche et ont conduit à des mésententes diplomatiques. Je cultive de bons contacts avec nos voisins hongrois et estime qu’ils sont nécessaires pour une coopération prometteuse.
– Quels sont vos projets sur une éventuelle intégration de l’Autriche dans le groupe de Visegrád?
– Je pense que l’Autriche gagnerait à renforcer sa coopération avec un groupe d’Etats au sein de l’Union européenne, comme celui de Visegrád, pour s’exprimer avec fermeté d’une même voix. A ce sujet, j’ai eu, lors de ma rencontre avec le président tchèque Miloš Zeman, un entretien extrêmement constructif. Je pense qu’un groupe de Visegrád fort pourrait, de l’intérieur de l’UE, être un facteur d’accélération de réformes urgentes.
Union Européenne
– Une politique au service des Autrichiens est-elle possible malgré le totalitarisme démocratique imposé par l’Union Européenne à ses pays membres?
– Bien sûr que c’est possible. Les pays européens sont de plus en plus nombreux à ne plus se plier facilement aux exigences de Bruxelles et à vouloir mener des négociations en fonction des souhaits de leurs populations. Mon objectif est une Europe fondée sur la subsidiarité, une Europe forte constituée d’Etats membres indépendants qui collaborent davantage sur des thèmes majeurs comme les questions de sécurité et qui règlent par eux-mêmes des broutilles telles que la forme des gants de protection pour barbecue !
– Quelle politique mènerez-vous à l’égard de l’UE si vous êtes élu, surtout si l’on considère que l’UE s’avère être le cheval de Troie des Etats-Unis? Sortie ou maintien de l’Autriche dans l’UE?
– L’Autriche est un pays fort avec des gens formidables. L’évolution de l’Union européenne n’a malheureusement guère été reluisante au cours de ces dernières années, on a l’impression que ses acteurs majeurs [France et Allemagne] déterminent la politique et que les petits pays comme l’Autriche ont du mal à faire entendre leur voix.
Mais j’estime qu’il est juste et nécessaire que l’Autriche s’affirme et fasse valoir ses intérêts. Je crois, par conséquent, qu’une coopération des V4 avec l’Autriche est la voie à suivre pour formuler avec force nos intérêts communs, et ainsi faire entendre notre voix plus efficacement au sein de l’Union.
– Avez-vous l’intention de recourir à un référendum sur la sortie de l’Autriche de l’UE et de la zone euro? Comptez-vous renationaliser les compétences dont Bruxelles s’est emparé, accaparement de ces compétences que défend votre adversaire van der Bellen?
– Actuellement, je ne vois aucune raison de recourir à un référendum sur une sortie de l’Autriche, mais il y a en revanche un énorme besoin de réformes. Les grands problèmes − tels que la crise des réfugiés et de l’immigration, la crise financière, les relations avec la Russie, l’adhésion de la Turquie − toutes ces grandes questions, l’Union ne peut pas les résoudre à l’heure actuelle; elle n’est bonne, dans le meilleur des cas, qu’à distribuer des placebos!
Les différends engendrés par la crise migratoire ont surgi depuis un an et demi et, aujourd’hui encore, l’UE est aussi éloignée d’une solution commune qu’au début des flux migratoires à la mi-2015.
Par ailleurs, l’UE est une « Union d’interdiction », qui régit tout, depuis la taille des concombres et du siège de tracteur jusqu’aux lampes à faible consommation d’énergie contenant du mercure!
Pour moi, il y a deux points où je vois la nécessité de laisser le peuple décider. D’une part, si la Turquie entre dans l’UE et, d’autre part, si cette dernière se transforme en un super-Etat centralisé et réduit les États membres à l’impuissance.
– A quelle Europe nouvelle aspirez-vous?
– La vision des pères fondateurs de l’actuelle UE, la Communauté européenne d’alors, considérait que des Etats liés entre eux par d’étroites relations économiques ne se feraient plus la guerre. Les évolutions en Europe, en particulier la chute du rideau de fer, ont apporté des changements de façon continue. En particulier, la transformation en une union politique n’a tenu compte ni des peuples européens, ni des développements réels des Etats-nations.
Depuis lors, l’UE glisse d’une crise à l’autre. Je considère donc non seulement comme légitime, mais grandement nécessaire d’identifier ces erreurs et de procéder aux corrections qui s’imposent.
Je veux une Europe forte et unie, composée d’Etats-nations forts et sûrs d’eux-mêmes. Outre une politique économique commune, il faut une coopération en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. L’Europe a besoin d’échanges cordiaux tant avec les États-Unis qu’avec la Russie. Je rejette toute évolution vers une sorte d’« Etats-Unis d’Europe ». Je veux une Europe fondée sur le principe de subsidiarité, une Europe havre de paix, de sécurité et de prospérité économique.
Politique extérieure
– Quelle sera votre politique vis-à-vis de la Russie concernant notamment les sanctions?
– Les sanctions contre la Russie, à l’égard desquelles j’ai été sceptique dès le début, ont provoqué un énorme préjudice à notre économie et à tous les pays de l’UE, mais n’ont entraîné aucun changement politique.
– Vous êtes connu pour être un chrétien pratiquant. Selon vous, quelles valeurs chrétiennes sont importantes pour le développement de notre société?
– Notre société européenne est façonnée par les religions juive et chrétienne, par l’humanisme et les Lumières. Les plus grandes réalisations artistiques et culturelles ont également puisé leurs sources dans l’esprit de ces valeurs. Il me tient à cœur de maintenir ces valeurs ainsi que nos symboles chrétiens, et de ne pas les laisser évincer de l’espace public. Je pense en particulier à la structure familiale, à la protection des enfants à naître, à la croix dans les classes d’école, mais également à la préservation et à la pérennité de nos traditions comme la Saint-Nicolas dans les crèches d’enfants.
– Quels changements concrets proposez-vous concernant l’avortement eugénique?
– Depuis des années, je me bats pour l’abolition de cette réglementation inhumaine et pour la mise en vigueur en Autriche des principes de la convention du droit des handicapés de l’ONU. Le grand nombre d’avortements ne peut plus laisser indifférent. Dans notre pays, les quelques instituts privés spécialisés dans l’avortement se sont fait des fortunes. Aussi je souhaiterais que les avortements ne soient réalisés que dans des hôpitaux publics à but non lucratif. De plus, il serait nécessaire de mettre en place un soutien psychologique ainsi qu’une « phase de refroidissement » subséquente. Tout avortement non réalisé est une vie gagnée.
– En France, les médias du système font de vous un épouvantail. Quel message voudriez-vous adresser aux Français?
– C’est un petit jeu archi connu que d’essayer de présenter dans les autres pays les partis de la droite européenne ou leurs représentants comme des épouvantails. Je voudrais simplement dire à ce sujet que les personnes, y compris les Français, devraient me juger sur mes faits et gestes, et se faire leur propre opinion.
Commentaire
– Pourquoi l’élection présidentielle est si importante pour l’avenir de l’Autriche?
– Le président fédéral n’est pas un figurant. Il est le seul représentant élu directement par les Autrichiens vivant dans le pays et en dehors de ses frontières. Il a des compétences importantes que lui confère la Constitution autrichienne − contrairement à ce qu’on croit généralement en France −, attributions que les présidents précédents n’ont jamais exercé pleinement car ils sont de connivence, dans le système de coalition, avec les vieux partis (SPÖ-ÖVP). Ils n’en sont qu’une extension.
Le président peut faire procéder à l’organisation de référendums, il a des pouvoirs de codécision dans la formation d’un gouvernement, peut rejeter la nomination des ministres, il est l’ultime responsable de la signature des traités internationaux, même les traités de l’UE ne peuvent entrer en vigueur sans sa signature. Cela vaut pour les accords de libre-échange entre l’UE et les États-Unis et le Canada (CETA, TTIP, TISA). Dernières compétences du président autrichien et non des moindres: il est le commandant en chef des forces armées et peut dissoudre le Conseil national et procéder à de nouvelles élections législatives.
Autre point important touchant à la structure fédérale de l’Autriche: elle permet à des hommes nouveaux d’accéder à la scène politique à différents niveaux plus facilement que dans le système extrêmement centralisé et contrôlé de la République dite « française ».
yogaesoteric
11 janvier 2017