Médecine intégrative : une approche globale de l’humain
par Dr Abed-Garbin Nadia
Avec le monde qui évolue, les changements climatiques, la population en perpétuelle croissance, l’évolution des maladies, l’augmentation du taux de mortalité à cause des maladies chroniques, ces facteurs ont mené à l’apparition de la médecine intégrative. Cette nouvelle approche de la médecine repose sur l’humain et s’inspire des approches conventionnelles et des approches complémentaires pour offrir les meilleurs soins au patient.
Qu’est-ce que la médecine intégrative ?
La population, notre monde et les maladies évoluent. Aujourd’hui les maladies chroniques l’emportent sur les maladies aiguës. Elles sont la première cause de mortalité (60%) et représentent près de la moitié des consultations médicales. A travers les handicaps qu’elles entrainent et l’inaptitude des systèmes de santé à les prendre en charge, elles deviennent un problème socio-économique majeur. En raison de la diminution des maladies aiguës et du vieillissement de la population elles prévalent de plus en plus. Le système médical actuel est mal adapté pour soigner les affections chroniques. Les consultations sont de plus en plus courtes et les protocoles de plus en plus standardisés. Les médicaments sont le plus souvent des « anti » ou des bloqueurs de la physiologie. Alors que les maladies chroniques nécessitent de redonner une physiologie opérationnelle au corps et à l’esprit pour les remettre dans une dynamique de vie. Ceci nécessite des consultations longues, une approche multidimensionnelle et individualisée et une prise en charge du terrain avec des molécules et des soins qui sont le plus souvent des « pro » (« pour » en latin).
D’ou vient le concept de la médecine intégrative ?
Apparu dans les années 1990 aux États-Unis, le concept de la Médecine Intégrative (MI) a surtout été exploré par les docteurs David Eisenberg et Andrew Weil. Née du constat de l’évolution des modes de vie, qu’il s’agisse de l’alimentation, de l’activité physique, de la gestion du stress ou du bien-être en général, la médecine intégrative est une nouvelle façon de concevoir les soins de santé. Dans cette nouvelle approche de la médecine, la relation entre le patient et son médecin devient très significative. L’un des principes de base de la médecine intégrative est de tirer profit des meilleurs soins offerts selon les approches conventionnelles et les approches complémentaires dans le but de parvenir le plus rapidement possible à la guérison du patient « Lorsque l’on parle de médecine intégrative, on parle entre autres de combiner les meilleurs soins de la médecine scientifique occidentale à ceux des approches complémentaires dans le but de maintenir la santé et d’améliorer le bien-être ». Il y a plus de 40 instituts universitaires de médecine intégrative en Amérique du Nord, y compris Harvard Medical School.
Concept basé sur des faits scientifiquement prouvés
Bien que la médecine intégrative inclue les principes de la médecine non conventionnelle, elle n’a recours qu’aux approches dont les effets ont été scientifiquement vérifiés. Le National Center for Complementary and Alternative Medicine (NCCAM) indique que la médecine intégrative est une combinaison entre les thérapies issues de la médecine conventionnelle et celles issues de la médecine alternative et complémentaire, pour lesquelles il existe des données scientifiques de haute qualité quant à la sécurité et à l’efficacité des traitements. Au Canada et aux États-Unis, plus de 35 universités se sont regroupées au sein du Consortium of Academic Health Centers for Integrative Medicine (le consortium des centres académiques de santé en médecine intégrative, notamment la Harvard Medical School, l’université de Calgary et l’université de Stanford. Toutes ces institutions se sont engagées à revoir leur programme d’enseignement de la médecine afin d’y intégrer les approches complémentaires dont les bienfaits ont été prouvés.
Comment faire évoluer le modèle de soin ?
La médecine conventionnelle s’est développée principalement autour du traitement des affections aiguës. La chirurgie, les médicaments, la spécialisation permettent aujourd’hui une approche protocolaire, souvent efficace pour traiter ces maladies. Mais l’utilisation des médicaments au long cours démontre de plus en plus leurs limites pour les affections chroniques. Les médicaments luttent contre des réactions chimiques souvent physiologiques et n’ont aucune capacité de s’adapter à une physiologie humaine en constant mouvement. On ne peut pas non plus envisager d’opérer en permanence. Il faut donc faire évoluer notre modèle de soin sans détruire le précédent. L’analyse des données épidémiologiques montre aussi la nécessité d’une évolution de la médecine : Croissance de la prévalence des patients souffrant de maladies chroniques.
1- Vieillissement de la population
Les patients chroniques ont besoin d’une approche holistique et multidisciplinaire que les spécialistes ne peuvent pas toujours offrir. La demande des thérapies complémentaires a augmenté de 120 % de 2002 a 2012. Dans ce contexte, il est nécessaire de créer un espace de santé et des propositions thérapeutiques adaptées aux différentes maladies et à leur prévention. La médecine intégrative est un modèle médical qui propose des traitements multidisciplinaires à l’aide d’outils diagnostiques et thérapeutiques multiples dans le respect des choix du patient et de ses particularités. Il s’agit donc d’intégrer la médecine scientifique conventionnelle, les médecines plus naturelles ou complémentaires et les thérapies de style de vie comme le sport, les thérapies de gestion du stress, la nutrition et le coaching de vie. Ce modèle a montré d’excellents résultats dans le traitement des patients chroniques.
2- Changement dans l’équilibre
La méthode intégrative repose sur l’idée que les maladies chroniques se produisent en raison d’un changement dans l’équilibre physiologique, biologique et psycho-émotionnel du patient. La prise en charge des patients nécessite des consultations médicales conventionnelles et des consultations de médecines complémentaires. Ces différentes approches permettent une évaluation des états nutritionnel, neuropsychologique, immunitaire, micronutritionnel et génétique.
Le projet thérapeutique ou préventif est ensuite réfléchi entre le médecin traitant, les thérapeutes et avec le patient. Les outils thérapeutiques seront choisis parmi les médecines conventionnelles et complémentaires. On peut donc trouver des conseils nutritionnels et compléments alimentaires, psychothérapies, méditation, ostéopathie/chiropraxie, physiothérapie/kinésithérapie, oxygénothérapie, cryothérapie, acupuncture, auriculothérapie, phytothérapie, homéopathie avec ou sans médicaments…la liste est longue.
La médecine intégrative est née d’un groupe de médecins dans les années 90 qui ont souhaité ne pas suivre le mouvement médical de cette fin du vingtième siècle, conscients qu’il nous menait dans une impasse. Aux Etats-Unis, le Duke Center for Integrative Medecine, les cliniques du stress de Jon Kabat-Zin ont été les pionniers de cette approche. En Europe, on peut citer comme précurseurs le centre ressource d’Aix-en-Provence, le docteur David Servan-Schreiber, le magazine Santé intégrative, le docteur Thierry Janssen, le Bristol Health Cancer. On trouve encore aujourd’hui, d’un côté une médecine se disant scientifique, s’affirmant basée sur la preuve, faisant la promotion de protocoles et ne vénérant comme seul Dieu de la recherche que les études en double aveugle et de l’autre de multiples approches complémentaires ou alternatives ancestrales ou modernes.
3- Un système complexe comme l’être humain
Le médecin et les thérapeutes sont confrontés lors de chaque consultation à une personne en souffrance ou souhaitant la prévenir. Faire entrer cette personne dans une case pour qu’elle suive un parcours préalablement fixé par quelques grands aéropages de la médecine, n’a pas de sens. La démarche cartésienne qui consiste à penser qu’en divisant à l’extrême et en étudiant les plus petits détails on permet de comprendre et d’apporter une solution à une situation donnée n’est pas applicable à un système complexe comme l’être humain. Force est de constater que les médecines complémentaires n’apportent pas les solutions à tous les problèmes et qu’elles ont leurs limites. Certains gourous de ces voies alternatives en font pourtant la voie unique pour accéder au bien-être, plusieurs procédures judiciaires ont clairement démontré qu’il n’en est rien. Au milieu de ce champ de bataille des médecines conventionnelle et complémentaires, le patient y perdait et y perd souvent la tête. Il est donc tout à fait naturel que certains hommes en quête de sens aient fait émerger une nouvelle pratique et un nouveau concept : la médecine intégrative.
Celle-ci cherche à donner une juste place à de multiples outils et courants thérapeutiques dans le respect de leurs particularités et dans la prise en considération de quelques notions fortes de la fin du vingtième-siècle :
* Réseau – La mise en relation de la médecine conventionnelle avec les médecines complémentaires et les psychothérapies permet de créer une nouvelle force de soin au service du patient. Le réseau c’est aussi celui formé par la famille, la société, les thérapeutes dans lequel chaque individu doit avoir sa place.
* Unicité – Les êtres humains sont différents les uns des autres, ils sont donc tous uniques. D’où l’importance des différentes méthodes thérapeutiques et de la relation thérapeutique, seule capable de reconnaître cette unicité.
* Globalité et multidimensionalité – Les différentes fonctions et organes qui composent et caractérisent le corps humain sont indissociables. Ceci s’applique donc particulièrement au corps et à l’esprit. D’où la nécessité de la prise en compte de la dimension psychologique d’une maladie et l’importance des différentes psychothérapies ou méthodes de développement personnel (relaxations, yoga, méditations, etc.). Cette globalité s’applique aussi au monde et à la société, les liens que nous entretenons avec notre environnement sont tout aussi déterminants pour l’état de santé.
* Preuves scientifiques – Les évidences scientifiques existent tant au niveau de cas individuels, parfois difficiles à reproduire, qu’au niveau des grands groupes de personnes. Il est important de diversifier les modes de validation en les adaptant à chaque thérapie. La méthodologie pour démontrer l’efficacité des médicaments est différente de celle que l’on applique pour valider des thérapies complémentaires, il n’en demeure pas moins que la validation pour sortir de la croyance est importante.
* Systémique – Chaque être humain est un système complexe dont l’analyse passe par une approche systémique. Les méthodes remplacent les protocoles. Le pouvoir d’auto-organisation d’un système pour maintenir sa stabilité dans le temps et dans son environnement est extrêmement puissant. L’étendue de notre ignorance n’est pas un frein, mais une certitude qui n’empêche pas l’intervention. L’observateur devient un acteur. L’évaluation ne peut être dissociée de l’intervention.
Tout ceci entraîne une forme de sagesse nécessaire à tout thérapeute intégratif, particulièrement le médecin, avec cette nécessité de renouer avec l’essence de la philosophie : la recherche de la sagesse.
4- Prévention individualisée et états
L’état de santé est la résultante de cinq états ayant en commun la génétique, nutritionnel, immunitaire, neuro-psychologique et endocriniens. Ces états sont déterminants sur l’inflammation et le stress oxydatif à l’origine de la plupart des maladies et de leur évolution péjorative. L’interrogatoire, l’examen clinique et les examens complémentaires permettent de mieux préciser ces états. En médecine intégrative le médecin sera amené à voir le patient dans sa globalité afin de pouvoir établir un diagnostic précis et proposer un protocole de traitement préventif ou curatif selon l’état de santé.
Le bilan biologique permettra au médecin de mesurer le niveau d’inflammation et du stress oxydatif :
• Le bilan nutritionnel : caroténoïdes, antioxydants, vitamines, minéraux, métabolisme des glucides ;
• Immunitaire : typage lymphocytaire, immunoglobulines, bilan immunoinflammatoire intestinal ;
• Neurologique : neuromédiateurs, hormones de stress ;
• Hormonal : thyroïde, surrénales ;
• Génétique : recherche de polymorphismes.
Qu’est-ce que la médecine personnalisée ?
Après la médecine 4P (personnalisée, préventive, prédictive et participative), voici la médecine 5P (ajout de la médecine des preuves). Certains pensent que ce sera la médecine de demain. Ils ont raison, mais la question se pose dès aujourd’hui ! On l’a bien compris, tous ces efforts sémantiques pour définir une autre médecine du XXIème siècle visent à remplacer la « médecine curative » collective, qui a marqué le siècle dernier, souvent reprochée au système de santé. Il ne faut néanmoins rien exagérer et se rappeler que cette médecine curative collective a contribué à augmenter l’espérance de vie d’une cinquantaine d’années au cours du XXème siècle. La médecine du XXIème siècle ou médecine 5P, se fonde sur d’immenses espoirs de progression encore plus rapide de l’espérance de vie.
C’est en 2000 que cette expression est née aux USA. Des chercheurs du laboratoire pharmaceutique AstraZeneca publient un article dans lequel ils soulignent que « l’identification du profil génétique des patients mènera à une prescription de médicaments plus ciblée, sécuritaire et efficace » (« Le bon médicament, à la bonne personne, au bon moment », ou la médecine personnalisée). En 2008, le President’s Council of Advisors on Science and Technology (PCAST) définit la médecine personnalisée dans un rapport intitulé Priorities for Personalized Medicine qui peut être résumé de la façon suivante : « La médecine personnalisée consiste à adapter un traitement médical en fonction des caractéristiques individuelles d’un patient. Cette personnalisation ne signifie pas que des médicaments sont créés pour un seul individu. Elle se traduit plutôt par la capacité de classer les individus en sous-populations caractérisées par la prédisposition à certaines maladies ou par la réponse à un traitement particulier. Les mesures préventives ou thérapeutiques sont donc prescrites aux patients qui en bénéficieront tout en évitant d’imposer des effets secondaires aux individus qui n’en tireront pas parti. Les coûts associés à ces effets secondaires sont également évités. »
Enfin, en 2013, Leroy Hood, de l’Institute for Systems Biology, définit la médecine personnalisée en tant que Médecine P4™, avec ses quatre principaux attributs :
• La médecine P4 est personnalisée car elle tient compte du profil génétique ou protéique d’un individu;
• La médecine P4 est préventive, car elle prend en considération les problèmes de santé en se concentrant sur le mieux-être et non la maladie;
• La médecine P4 est prédictive, en indiquant les traitements les plus appropriés pour le patient et en tentant d’éviter les réactions aux médicaments;
• La médecine P4 est participative, amenant les patients à être plus responsables en ce qui concerne leur santé et leurs soins.
Il ne serait pas acceptable au plan éthique d’utiliser les moyens modernes de la médecine prédictive pour rendre des personnes « génétiquement » malades dès leur enfance, alors qu’ils ne seront « cliniquement » malades et handicapés que vers l’âge de 50 ans ou plus tard. De plus, une telle attitude leur créerait des handicaps de vie sociétale (prêts bancaires, assurances vie, etc..). En quelque sorte, la médecine prédictive créerait un réel handicap de vie et de leur bien être jusqu’à 50-60 ans. Cette médecine personnalisée et participative a été débattue avec les associations de patients atteints d’une maladie génétique qui ont validé la position éthique des médecins. Quand les preuves scientifiques d’un traitement efficace, préventif ou curatif qui aurait un impact positif sur l’évolution de la maladie n’existent pas, la médecine prédictive n’a pas sa place.
Il existe de nombreux autres exemples où la médecine prédictive serait possible (dans les cancers, les maladies cardiovasculaires et métaboliques héréditaires), mais où les traitements éradiquant la maladie ou la prévenant ne sont pas encore connus ou dont l’efficacité n’est pas encore démontrée. Tant que la médecine ne pourra pas proposer un traitement curatif « personnalisé » et/ou un traitement préventif reposant sur les preuves, le débat éthique existera sur l’intérêt pour une personne de connaitre très tôt dans sa vie ses risques génétiques.
Le cas d’Angelina Joly, souvent cité en exemple d’une réussite de la médecine prédictive, reste un cas particulier, propre aux cancers du sein et de l’ovaire. De nombreux autres organes à risque de cancer ne peuvent être enlevés « préventivement ». De plus, la loi actuelle devrait changer pour autoriser une chirurgie préventive d’un risque génétique.
La médecine intégrative la médecine de demain
Une nouvelle aire s’ouvre à nous, celle de l’individualisation des soins par la pluridisciplinarité et la complémentarité des approches thérapeutiques. Celles-ci, dans leur synergie, permettront une efficacité décuplée et une « responsabilisation » des patients devenant, ainsi, acteur de leur propre guérison.
Cette ouverture globale des esprits doit nous permettre de mettre en oeuvre, une nouvelle vision de la médecine, une médecine holistique appréhendant l’être humain dans sa globalité physiologique, psychologique et émotionnelle.
Rappelons-nous de la définition de la médecine (petit Larousse) :
« Ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres mis en oeuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités ».
A ce titre, devons nous considérer cette médecine intégrative comme une vision moderne de la médecine ou un retour à ses propres principes fondateurs ?
Peu importe après tout, ce qui doit dorénavant primer sur toutes les considérations personnelles et orgueilleuses, au-delà de toutes les « batailles de chapelles », c’est… l’efficacité!
Bien évidemment, les efforts seront à fournir par tous et pour tous, du Médecin à l’Ostéopathe, du Sophrologue au Phytothérapeute, du Naturopathe à l’Homéopathe, et de toutes les disciplines précédemment citées dont les bienfaits ne souffrent d’aucunes réserves.
Enfin, on ne le répétera jamais assez, la prévention doit être le socle de notre santé, de nombreuses pathologies directement responsables chaque année de millions de décès ou de troubles fonctionnels pourraient être évitées ou atténuées en mettant en application quelques règles d’hygiène de vie très simples. C’est par exemple le cas de nombreuses pathologies cardiovasculaires, du diabète, des maladies auto-immunes… de ce qu’on appelle, de manière générale, les maladies de civilisation qui représentent aujourd’hui une des principales causes de mortalité dans le monde.
yogaesoteric
27 avril 2021
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