Qui avait payé et armé Hitler ? (8)
Lisez la septième partie de cet article
L’intérêt de Charles Higham pour les affaires secrètes pendant la guerre mondiale commença en 1978 quand il faisait des recherches sur les affirmations faites sur les contacts du cinéaste Errol Flyms avec les Nazis. Higham a écrit un livre sur ce sujet – The Untold Story. Mais pendant les recherches autour de Errol Flym, Higham mit la main sur les archives de la bibliothèque, plusieurs références sur des politiciens connus et des hommes d’affaires qu’« il avait toujours cru avoir été liés à la chose américaine » mais qui « avaient une marque de suspicion pour les activités subversives ». Ces rumeurs-là sur les contacts entre la grande finance, les politiciens et les Nazis, avaient existé après la deuxième guerre mondiale mais des preuves n’avaient jamais été mises en lumière.
Higham reçut maintenant sur son bureau de travail d’innombrables références aux documents qui avaient été gardés dans plusieurs archives aux Etats-Unis. Charles Higham se décida alors d’aller jusqu’au fond de cette affaire. Higham commença à chercher ces documents d’archives en archives mais même quand il trouvait quelque chose, il était surpris de constater que tout était sous le cachet du secret ! Higham ne jeta pas l’éponge. Il commença le grand travail de faire lever toutes mentions « secrets ». Invoquant la Freedom of Information Act des Etats-Unis, Charles Higham débuta le processus juridique très économiquement coûteux et exigeant en termes de temps pour faire supprimer les seaux du secret. Ceci lui avait pris beaucoup d’années de travail. Les premiers documents qu’il arriva à lire conduisaient à de nouveaux documents et à des nouvelles exigences sur la levée du sceau du secret dans une chaine qui ne prenait jamais fin. Le résultat était troublant pour Higham. « Ce que j’avais trouvé était très indignant », écrivit-il.
La première chose que Higham découvrit était que le président Roosevelt avait, le 13 décembre 1941, six jours après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor et quatre jours après la déclaration de guerre de Hitler contre les Etats-Unis, signé un décret, le « Trading With the Enemy Act » (législation de commerce avec l’ennemi) dans lequel des arrangements légaux pour le commerce avec les ennemis pouvaient officiellement être autorisés par le ministre des finances. Il était scandaleux que ceci fût possible, pensa Higham. Mais ce fut pire que cela. Les entreprises des Etats-Unis outrepassaient toutes les limites possibles pour ce qui était officiellement autorisé et établissaient des grandes affaires secrètes avec les Nazis.
Charles Higham, un homme aux valeurs bourgeoises, avait une croyance solide dans le système démocratique des Etats-Unis et ne pouvait, en aucun cas, croire que ceux qui étaient assis sur le piédestal démocratique, étaient des traîtres de la patrie, ceux qui trahissaient leur pays et leur peuple pour des intérêts. « A cause du secret qui avait assombri toute l’histoire, la recherche devint le cauchemar qui précédait le grand cauchemar de la découverte. J’avais commencé un voyage qui risquait de ressembler à de la noyade dans l’eau empoisonnée dans une cloche à plongeur ».
Ce qui énervait Higham le plus, c’était le fait que les affaires avec l’Allemagne nazie avaient continué même après l’attaque japonaise contre la base de la flotte des Etats-Unis, la Pearl Harbour, le dimanche 7 décembre 1941 et même après la déclaration de guerre d’Hitler contre les Etats-Unis, le 9 décembre 1941. Pour les grands capitalistes des Etats-Unis, la guerre n’était pas quelque chose qui exigeait une prise de position au profit de son pays, qui exigeait qu’on se rassembla pour l’intérêt du pays. Au contraire. « Ils étaient unis par une idéologie: l’idéologie des affaires comme d’habitude (Business as Usual). Unis par les mêmes idées réactionnaires, ils virent un avenir commun sous le pouvoir fasciste, indépendamment de la personne du leader mondial qui pouvait réaliser cette ambition », écrit Higham. Lorsque la guerre commença à aller mal pour les Nazis et qu’ils commencèrent à perdre sérieusement, les hommes de la finance devinrent, selon Higham, plus « loyaux ». Et quand la guerre prit fin, « ils se dépêchèrent en Allemagne pour protéger leurs richesses, remettre les amis nazis aux postes les plus élevés, aider à provoquer la guerre froide ».
Qui étaient-ils, les magnats de la finance des Etats-Unis qui gagnaient des grands bénéfices dans les affaires avec les Nazis ?
La liste est longue. Voilà un regard rapide sur ce groupe obscur que Charles Higham appelle « La Fraternité » (The fraternity). A la première place vient la famille Rockefeller, propriétaire de la Chase National Bank (plus tard Chase Manhattan), la première institution financière des Etats-Unis lors du déclenchement de la guerre mondiale. La famille Rockefeller avait aussi la propriété de la Standard Oil of New Jersey, la première compagnie de pétrole américaine. Une grande partie des importations du matériel de guerre des Nazis aux Etats-Unis passait à travers ces entreprises et beaucoup d’autres comme la National City Bank of New York. Même certaines petites entreprises comme la Davis Oil Compagny et la Texas Compagny, étaient importantes pour fournir du pétrole et de l’essence aux Nazis pendant la guerre.
Dans le domaine des télécommunications et de l’électronique, l’entreprise des Etats-Unis, International Telephone and Telegraph Corporation, ITT, se distingua dans l’aide à la conduite de la guerre par les Nazis. Lorsqu’il s’agit des produits en acier avancés comme des roulements à billes, l’entreprise suédoise SKF (Svenska Roulements à billesfabriken) et sa filiale aux Etats-Unis, étaient de très grande importance pour les Nazis. Tout ce qui roulait ou tournait exigeait des roulements à billes et ceux-ci provenaient de SKF. SKF avait même construit une usine à Schweinfurt, en Allemagne, pour doter les machines de guerre nazis des roulements à billes. SKF fabriquait 80 % des roulements à billes du monde. 60% de la production mondiale de SKF allait chez les Nazis. Sven Wingquist, président de SKF, était un actionnaire important dans la Stockholms Enskilda Bank de Wallenberg, qui à son tour avait des liaisons avec la Reichsbank d’Hitler.
Une autre entreprise suédoise qui était importante pour la guerre de Hitler, en réalité une des plus importantes, était Bofors, d’où les Nazis avaient reçu une partie significative de l’acier et des armes à utiliser pendant la guerre. Les entreprises des Etats-Unis fabriquèrent même des voitures pour les Nazis pendant la deuxième mondiale. Henry Ford était un fanatique anti-juif connu, avec des bons et amicaux contacts avec Hitler. Sa compagnie, la Ford Compagny, fabriquait des voitures et des camions qui étaient exportés en Allemagne nazie et les usines françaises de Ford fabriquaient des voitures pour les Nazis pendant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie. General Motors qui est la propriété de la famille Du Pont, était aussi de la partie et fournissait des voitures et des avions aux Nazis.
Comment se passaient les affaires? Nous allons décortiquer ces liaisons en détail. Mais donnons d’abord la parole à Charles Higham : « Que ce serait-il passé si des millions d’Américains et des Britanniques qui, en 1942, durent se battre avec des coupons de rançonnement et s’alignaient devant des stations d’essence, avaient su que la direction de Standard Oil of New Jersey avait envoyé le carburant allié à l’ennemi ? Pensez si le public avait découvert que la Chase Bank, dans la ville de Paris occupée, avait fait des millions de dollars de bénéfices sur les affaires avec l’ennemi alors que la direction générale de Manhattan le savait parfaitement? Ou que les voitures de Ford avaient été fabriquées pour le compte des troupes d’occupation allemandes en France avec l’accord de Dearborn, à Michigan? Ou que le colonel Sosthenes Behn, personnage principal au sein du Conglomérat de téléphone américain, ITT, s’était, pendant la guerre, envolé de New York à Madrid et par la suite à Berne, pour contribuer à l’amélioration du système de communication de Hitler et des missiles qui pleuvaient sur Londres? Ou bien que ITT avait fabriqué l’avion allemand, Focke-Wulf, qui fit tomber les bombes sur les troupes britanniques et américaines? Ou bien que de très importants roulements à billes avaient, dans une coopération secrète avec le vice-président du comité de la Production de guerre des Etats-Unis (War Production Board), en coopération avec le cousin de Göring à Philadelphia, été envoyés aux compagnons des Nazis en Amérique latine (pour leur export vers l’Allemagne nazie, explication de MS), lorsque les forces américaines étaient dans un besoin désespéré de celles-ci? Et que ces affaires étaient connues à Washington et bien connues ou intentionnellement ignorées? »
Charles Higham donne, dans « Trading With the Ennemi », une très grande quantité de matériel sur des événements pouvant attirer une grande attention. On va relever, d’une manière très brève, une petite partie des révélations de Higham. Remarquez que tout le matériel se trouvait éparpillé dans les archives des Etats-Unis et qu’ils étaient frappés du sceau du secret jusqu’aux recherches de Higham. Higham avait exigé et obtenu la levée de la mention « secret » pour une partie du matériel. Mais beaucoup des documents sont encore classées secrètes ! On va reproduire des documents concernant la BIS – Bank of International Settlements, la Chase National Bank, la Standard Oil of New Jersey, ITT – American International Telephone and Telegraph Corporation, Ford et General Motors.
BIS – Bank of International Settlements (Banque pour les payements internationaux)
La BIS avait été fondée le 17 mai 1930 par plusieurs banques centrales d’Europe et des Etats-Unis. La raison de la création de la BIS était d’obtenir le payement des dommages de guerre par l’Allemagne selon la Convention de Versailles après la première guerre mondiale. Bien que la guerre était terminée en 1918, la question des dommages de guerre n’était pas, comme nous l’avons vu auparavant, encore résolue jusqu’à la fin des années 1920. Il y eût, avec le Plan Young (1920-1930), une proposition concrète sur la manière dont les dommages de guerre allaient être payés. Comme il avait été dit à l’époque, le rôle de la BIS était de recevoir, d’administrer et de payer les dommages de guerre aux pays alliés qui avaient été soumis à la guerre par l’Allemagne.
Mais il n’en fut pas ainsi. Le grand capital des pays alliés avait trouvé une chance de faire des grands bénéfices en investissant l’argent dans ce pays industriel ravagé par la guerre, l’Allemagne. Ces investissements avaient commencé une année seulement après la fin de la guerre. Mais à la fin des années 1920, les affaires devinrent très grandes et la banque avait besoin d’une liaison sûre entre l’Allemagne et les pays alliés. La BIS fut créée. Les capitalistes utilisèrent la BIS pour envoyer de l’argent aux investisseurs en Allemagne. Au lieu d’être une voie pour la sortie de l’argent de l’Allemagne, la BIS devint une voie pour l’entrée de l’argent en Allemagne. Surtout en provenance des Etats-Unis et de la Grande Bretagne !
Dans le comité de direction de la BIS, il y avait les représentants des banques centrales des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de la France et même de l’Allemagne, du Japon, de l’Italie et ceux d’autres banques. Ce qu’avaient tous ces représentants en commun était qu’ils avaient aussi des responsabilités au sein des comités exécutifs et des directions des grandes entreprises de ces pays. L’un des fondateurs de la BIS était par exemple, l’initiateur même du Plan Young, Owen D. Young, un des banquiers du groupe de la famille Morgan qui avait la propriété de la First National Bank of New York. Les représentants du grand capital mondial étaient rassemblés dans la BIS. Ceci fut naturellement exprimé dans les statuts de la BIS, (à savoir) que la BIS « allait être une exception à la saisie, la fermeture et les blâmes, indépendamment du fait que ses propriétaires étaient ou non en guerre les uns contre les autres ». La BIS était le représentant de la politique « des affaires d’abord », gagner de l’argent sur la guerre, surtout de deux côtés des belligérants.
Thomas H. McKittrick
La BIS avait (et a) sa direction générale à Basel, en Suisse. Les Allemands, les Nazis, gagnèrent dès le départ une grande influence au sein de la BIS. C’était dans leur pays que les investissements étaient faits ; les profits augmentèrent au point qu’au moment du commencement de la deuxième guerre mondiale, la BIS était sous le contrôle nazi. Le président de la BIS, l’américain Thomas H. McKittrick, était une personne connue pour ses sympathies nazies, quelque chose qu’il partageait avec un grand nombre de grands capitalistes aux Etats-Unis. Au sein de la BIS, il y avait, pour le compte de l’Allemagne nazie, Hermann Schmiz, chef du groupe chimique allemand IG Farben, le baron Kurt von Schröder, un officier de premier plan de la Gestapo et chef de la Stein Bank en Cologne, ainsi que Walter Funk et Emil Puhl, président et vice-président de Reichbank allemande et nommés par Hitler en personne comme représentants au sein de la BIS.
La BIS existait tout le temps comme une institution complice et comme la financière des Nazis, et comme arrière soutien de toutes les expéditions de guerre nazies en Europe. Les Nazis utilisaient la BIS comme support pour amener chez-eux toutes les richesses qu’ils pillaient dans les occupés. La BIS était de la partie dès le départ lorsque les troupes nazies avaient envahi et occupé l’Autruche en 1938. Tout l’or autrichien qui se trouvait dans la banque royale à Vienne fut pillé, empaqueté et envoyé par la suite à la banque centrale à Berlin sous la supervision du vice-président de la banque centrale et du directeur de la BIS, Emil Puhl. Le rôle de la BIS était, au moment de l’invasion et de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les Nazis, à peu près le même, mais beaucoup plus révélateur comme une coopération du grand capital international pour le pillage et les opérations de piraterie. Lorsque les Nazis arrivèrent à la banque centrale tchèque, les réserves d’or du pays, 48 millions de dollar en or, avaient déjà été expédiées dans un transport de la BIS à Basel et par la suite, en Grande Bretagne et la banque d’Angleterre. Avec un revolver appuyé contre la tête, les occupants Nazis obligèrent le directeur de la banque centrale tchèque de prendre contact avec la BIS et de demander que l’or tchèque soit renvoyé de la Grande Bretagne à Basel. Le président hollandais de la BIS, JW Beyen, et le directeur français de la BIS, Roger Auboin, de la Banque de France, décidèrent, après une discussion entre eux, d’accepter la demande du directeur de la banque centrale tchécoslovaque alors qu’ils étaient bien conscients que cette demande avait été dictée par les Nazis.
Le message fut envoyé par la suite en Grande Bretagne où le président de la banque centrale, Montagu Norman, un homme connu pour ses sympathies nazies, décida sur le champ de renvoyer l’or à Basel. De Basel, l’or fut envoyé directement à la banque centrale allemande. Montagu Norman avait le soutien total du premier ministre de la Grande Bretagne, Chamerlain, un grand actionnaire de l’Imparial Chemical Industries, le partenaire britannique du groupe chimique allemand, IG Farben. Chamberlain mentit ouvertement au Parlement britannique lorsqu’il nia que l’or tchécoslovaque aurait été renvoyé à Basel. Comme réponse à la question du parlementaire du Labour, George Strauss, de savoir s’il était vrai que « les réserves d’or de la Tchécoslovaquie avaient été données à l’Allemagne », Charberlain répondit : « Non, ce n’est pas vrai ». Associated Press rapporta, le 31 mai 1939, à partir de la Suisse, que l’or Tchécoslovaque avait passé Basel et qu’il se trouvait déjà dans la banque centrale allemande à Berlin.
Pensez que cet événement a eu lieu six mois seulement après que la France et la Grande Bretagne eurent signé, le 30 septembre 1938, l’Accord de Munich, un pacte avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste qui, selon les exigences de Hitler, avaient forcé la Tchécoslovaquie à céder, à l’Allemagne, une partie de son territoire, les Sudètes, un territoire à population bilingue. L’Accord de Munich était la trahison ouverte de la Grande Bretagne et de la France contre la Tchécoslovaquie. La France et la Tchécoslovaquie par exemple, avaient, une année auparavant, signé une alliance militaire où les deux pays s’étaient engagés à se défendre mutuellement au cas où ils sont attaqués par l’Allemagne nazie. L’alliance n’avait aucune valeur. La même chose s’applique en ce qui concerne les engagements de la France et de la Grande Bretagne à la Tchécoslovaquie lors de la signature de l’Accord de Munich. Les deux pays s’étaient engagés à assurer la sécurité militaire de la Tchécoslovaquie après la cession du territoire des Sudètes à l’Allemagne nazie. Ces engagements ne valaient plus rien lorsqu’il fallut passer à l’action. Le pays fut occupé par les Nazis et divisé en deux colonies nazies. La France et la Grande Bretagne ne levèrent pas le doigt pour défendre la Tchécoslovaquie.
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yogaesoteric
3 février 2020