Se protéger des « nouveaux » moustiques
Les moustiques sont unanimement détestés. Sous les tropiques, en Afrique, en Asie… on sait qu’ils sont vecteurs de maladies graves, souvent handicapantes, voire mortelles. Mondialisation et réchauffement climatique aidant, la situation empire avec l’arrivée de « nouvelles » espèces exotiques sous les latitudes tempérées (Aedes albopictus, Aedes aegypti, etc.). Le point sur leur progression, leur dangerosité et les manières de s’en protéger, chimiquement et naturellement.
Le mosutique Aedes aegypti peut transmettre dengue, zika et chikungunya
En Europe, jusqu’alors, les moustiques empêchaient les gens « seulement » de profiter d’une fin de soirée en terrasse ou de dormir tranquille. Mais ça, c’était avant que certaines variétés exotiques ne débarquent, leurs virus en sus. Un « cadeau » de la mondialisation – qui serait très bénéfique au niveau économique, selon certains, mais dont les effets ont en tous cas été très mal anticipés, notamment en matière d’environnement : la circulation et les transferts d’espèces d’un bout à l’autre du globe confrontant les gens à des problèmes sanitaires inédits.
Le moustique tigre : un cheval de Troie bourré de virus
Il serait surprenant que vous ayez échappé à la poussée de notoriété du moustique tigre, dénomination usuelle de l’Aedes albopictus. On ne parle plus que de lui, et pour cause : d’année en année, il gagne du terrain sur le continent européen. En France, depuis sa première apparition, en 2004, les autorités comptabilisent désormais 62 départements officiellement colonisés et sa présence ne cesse de s’étendre. En gros, toute la moitié sud du pays, plus une partie du bassin parisien et de la plaine rhénane. S’adaptant sans peine aux zones tempérées, l’intrus est actif la majorité de l’année, soit de mai à novembre selon les régions.
Si le moustique tigre a de quoi vous inquiéter, c’est que ce vilain arthropode est susceptible de véhiculer des maladies à virus plutôt sérieuses telles que la dengue, le chikungunya ou le zika. En France métropolitaine vous avez connu neuf épisodes circonscrits de transmission « autochtone » de la dengue ou du chikungunya entre 2010 et 2017. Cependant, la présence du vecteur n’implique pas forcément l’expansion forte de la maladie. Car pour la disséminer, il faut un « réservoir » à virus (un nombre suffisant de personnes déjà contaminées), inexistant actuellement en Europe. Ainsi, parmi les 49 cas de dengue et le cas de chikungunya confirmés dans les départements métropolitains sur les mois de mai et juin 2018, tous étaient pour l’instant « importés » (source INVS). Une épidémie comme celle qu’a connue La Réunion en 2006 avec le chikungunya, ou qu’elle a connue avec la dengue (3400 cas les six premiers mois de 2018) est donc assez peu probable sous autres latitudes pour le moment. Mais on doit se rappeler nous que l’Italie par exemple a déjà connu plusieurs mini-épidémies, comme encore dans la région de Rome en septembre 2017 (64 cas).
Le fait que l’été sous les tropiques corresponde à l’hiver en France a pour l’instant un effet protecteur. À cette saison en effet, dans les pays tempérés, l’Aedes passe par une période d’hibernation, si bien qu’un individu contaminé par un de ces virus et débarquant d’avion à Orly ou Roissy a peu de chances d’y rencontrer un moustique tigre susceptible de « passer le relais » à quelqu’un d’autre. Quelques transmissions autochtones sont tout de même possibles et ont lieu, en particulier du fait de la circulation de personnes sous le même hémisphère, Nord en l’occurrence ; ainsi, la dengue qui sévit aux Antilles et le chikungunya en Inde pourraient être diffusés en Europe pendant la période d’activité estivale de l’insecte.
Plusieurs espèces de moustiques exotiques sont dangereuses
En fait, « le tigre » est loin d’être la seule menace. Il est le plus répandu des moustiques exotiques, mais d’autres espèces potentiellement dangereuses – véhiculant la dengue et le chikungunya – peuvent se rencontrer loin de leur berceau naturel, comme c’est le cas d’Aedes aegypti (qui lui ressemble, mais tire plus sur le marron et présente des stries légèrement différentes). Sans compter les moustiques déjà présents en Europe, comme ceux de la famille des Culex ou celle des Anopheles.
La dengue et le chikungunya sont dus à des arbovirus. Rien à voir avec les arbres ; arbovirus est la contraction de la dénomination anglo-saxonne arthropod born virus (« virus transmis par les arthropodes »). Cette famille comprend aussi les virus de la fièvre jaune, la fièvre du Nil occidental, la fièvre de la vallée du Rift (RVF), la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (CCHF), l’encéphalite japonaise, les encéphalites à tiques d’Eurasie tempérée et quelques autres. Beaucoup de ces maladies sont sur la liste des maladies à surveiller de près de l’Organisation mondiale de la santé.
Cerise sur le gâteau : les virus ne sont pas les seules « bombes » que peuvent larguer ces charmantes bêtes. Il y a aussi les parasitoses, dont le célèbre paludisme (ou malaria, dont 90 % des cas surviennent en Afrique subsaharienne). Cette affection des globules rouges est causée par un parasite du genre Plasmodium transmis par l’anophèle femelle. Les bactéries ne sont pas en reste : une équipe française a démontré, en 2015, qu’Anopheles gambiae, principal vecteur du paludisme, était aussi capable de transmettre Rickettsia felis, dont on pensait jusque-là qu’elle n’était véhiculée à l’homme que par les puces du chat. En Afrique, cette bactérie est probablement responsable d’un grand nombre de cas de fièvre d’origine inconnue.
Les moustiques communs également concernés
Comme si on n’en avait pas assez avec les exotiques, voilà que les autres moustiques s’y mettent aussi : un premier cas d’infection humaine au virus Usutu a été diagnostiqué mi-juin 2018 à Montpellier, causée par un moustique de type Culex (le moustique domestique). L’homme infecté de 39 ans a développé une paralysie faciale du côté droit et connaît de petits déficits moteurs.
Le virus Usutu, d’origine africaine, touche principalement certaines espèces d’oiseaux comme les merles noirs, les mésanges, les moineaux et quelques rapaces, qui sont considérés comme le fameux « réservoir » du virus – plusieurs épisodes de mortalité massive d’oiseaux en Autriche, Italie, Hongrie ou encore en Allemagne lui ont ainsi été attribués.
Chez les hommes, les conséquences de ce virus varient énormément. L’infection peut être asymptomatique, mais ses formes sévères sont assorties de complications neurologiques de type Guillain-Barré. L’anodin Culex pipiens est aussi susceptible de transmettre la fièvre du Nil occidental ou l’encéphalite japonaise, tandis qu’Usutu peut aussi être véhiculé par le moustique tigre !
Il devient donc impérieux de se protéger de tous les moustiques, car les maladies virales vont probablement aller crescendo – la conjoncture favorisant leur dissémination rapide, quels que soient les niveaux de développement et de richesse des pays concernés. Il suffit d’un climat favorable, d’un « agent importateur », d’un réservoir potentiel (les élevages porcins, aviaires ou bovins et… les gens-mêmes) et d’un de ces exécrables volants.
Maladies véhiculées par les moustiques : comment se protéger
En l’absence de vaccin crédible et sûr (voir les énormes polémiques autour du dangereux et peu efficace vaccin contre la dengue Dengvaxia) et au regard de la progression géographique de l’indésirable, on a intérêt à tout miser sur la prévention. Que ce soit au plan personnel, pour ne prendre aucun risque face à des virus qui peuvent avoir des conséquences lourdes, mais également au plan collectif, pour éviter que ne se crée le fameux réservoir humain à partir duquel une population suffisamment dense de moustiques (comme le long de la côte méditerranéenne) peut engendrer une épidémie saisonnière.
La mesure la plus élémentaire reste la plus efficace : faire la chasse aux eaux stagnantes à proximité des habitations, puisque c’est là que tous les moustiques se reproduisent. Ce fameux moustique tigre fut découvert pour la première fois en Europe dans la mare d’un dépôt de pneus importés, à Gênes, au début des années 1990.
Il devient également indispensable de s’équiper de moustiquaires sur toutes les ouvertures des maisons, en particulier celles des chambres, et de protéger les berceaux des bébés en les recouvrant d’une moustiquaire individuelle. Enfin, il ne faut pas lésiner sur les produits répulsifs d’atmosphère et ceux à s’appliquer sur la peau et les vêtements dès lors que l’on sort de chez soi.
Repousser les moustiques avec de la chimie de synthèse ?
Le répulsif le plus courant est toujours le diéthyltoluamide (DEET), développé par l’armée américaine après la Seconde Guerre mondiale. Plutôt efficace et d’une durée d’action intéressante, il peut néanmoins entraîner des effets secondaires en cas de mauvaise utilisation, comme un temps d’application trop long ou un surdosage – il a d’ailleurs été incriminé par un auteur dans la genèse du syndrome de la guerre du Golfe chez des militaires. Pour autant, les dernières études concernant ce produit n’ont pas montré de neurotoxicité ni de risque de malformation du fœtus.
En revanche, il a été prouvé qu’environ 50 % des moustiques tigres exposés au DEET s’habituaient à son odeur en quelques heures, et qu’il perdait alors son caractère répulsif. Des phénomènes similaires d’accoutumance ont été observés avec d’autres molécules actuellement autorisées comme l’icaridin (développé par les laboratoires Bayer et rebaptisé Saltidin) et l’éthyl butylacetylaminopropionate (IR 3535) – présentant eux aussi des inconvénients en cas de mauvaise utilisation. Parmi les produits naturels, cette limite existe aussi : les moustiques se sont par exemple accoutumés au Citriodiol, un dérivé enrichi du citronellal (molécule présente dans certaines huiles essentielles).
Lors d’une soirée en extérieur, on peut recourir aux célèbres serpentins se consumant par incandescence : ils font preuve d’une certaine efficacité répulsive dans un périmètre restreint, comme autour d’une table. Attention cependant : leur concentration en milieu confiné peut devenir toxique. À l’intérieur, les diffuseurs électriques sont une alternative intéressante, mais, là encore, se pose la question du confinement… Finalement, la seule solution véritablement durable et sans danger reste l’installation de moustiquaires aux fenêtres et autres ouvrants.
Quid des produits naturels antimoustiques, tels la citronnelle ou l’eucalyptus citronné ?
La confrontation de l’homme avec le moustique ne datant pas d’hier, le caractère répulsif de certaines plantes a été recherché depuis des milliers d’années, et utilisées sous forme de fumigations puis d’huiles, appliquées sur la peau ou les vêtements. On en trouve des traces chez les Grecs anciens, les Romains et les sages indiens.
Le répulsif naturel le plus utilisé dans le monde est la citronnelle. Initialement exploitée pour son usage en parfumerie, notamment en France où elle acquiert son nom en 1858, elle est employée par l’armée indienne au début du XXe siècle. Aux États-Unis, son usage commercial débute en 1948. Parmi ses molécules actives, on trouve en diverses proportions du citronellal, du citronellol, du géraniol et du citral.
Autre huile d’usage reconnu : l’huile essentielle d’eucalyptus citronnée, extraite de la feuille odorante de cet arbre, de la famille des myrtacées, qui peut atteindre jusqu’à 40 m de haut. Les qualités répulsives de cette feuille, dont l’huile essentielle contient jusqu’à 85 % de citronellal, ont été découvertes dans les années 1960, alors qu’un nombre très élevé de plantes de la médecine traditionnelle chinoise était analysé.
Les populations les plus exposées aux moustiques ont développé, bien avant l’arrivée de la chimie, des solutions naturelles variées, à base d’extraits de plantes. En Thaïlande, par exemple, on utilise couramment la citronnelle, mais également la cataire (l’herbe à chat), le basilic velu, le clou de girofle, le vétiver ou encore le gingembre, souvent en association. Ailleurs, ce sera la cannelle, le curcuma ou l’eucalyptus. En support huileux, on retrouve l’huile de soja, l’huile d’olive ou l’huile de coco, additionnées d’un peu d’huile de neem.
Vous trouverez en cliquant ici une recette d’huile anti-moustique à base d’huiles essentielles sélectionnées pour éloigner de votre peau les moustiques communs mais aussi leurs dangereux cousins.
Huiles essentielles : nouveaux outils de biocontrôle ?
En plus de leur usage répulsif, les huiles essentielles pourraient avoir une action « freinant » le cycle de reproduction des moustiques. Dans une perspective de création de nouveaux systèmes de biocontrôle naturels et durables pour limiter l’utilisation d’insecticides chimiques, différentes huiles essentielles sont testées en ce sens en laboratoire, notamment diluées dans l’eau de bacs emplis de moustiques (lieux de ponte et de développement des larves).
S’il faudra encore du temps pour en optimiser, en rationaliser et en généraliser l’usage, sachez d’ores et déjà que ces recherches montrent l’impact larvicide intéressant des huiles essentielles de clou de girofle et de niaouli, par exemple.
yogaesoteric
16 février 2019