Serons-nous 5 milliards de myopes en 2050 ?

Par Marie Carof-Gadel

On est confiné dans les bureaux, cernés par les écrans et ce sont les yeux qui vont trinquer. Des chercheurs australiens tirent la sonnette d’alarme : la moitié de la population mondiale pourrait souffrir de graves troubles de la vision en 2050.

Nos casques et oreillettes nous avaient déjà condamnés à une surdité précoce. Maintenant, c’est la myopie, voire la cécité, qui nous guettent. Une étude conjointe des chercheurs en optométrie de l’université de Nouvelle-Galles du Sud en Australie et de la Singapore Eye Research Institute a compilé les données de 145 études sur la myopie. L’idée est simple : émettre une projection de l’évolution de la myopie et de la forte myopie dans le monde sur les prochaines décennies jusqu’en 2050. Et le constat est loin d’être rassurant.

5 milliards de myopes ?

2,1 millions de personnes de tous pays, venues de région urbaine ou rurale, ont participé à l’étude. « En 2000, 1,4 milliard de personnes souffrait de myopie dans le monde soit 22,9 % de la population mondiale et 163 millions avaient une forte myopie (2,7 % de la population) », détaille l’étude publiée dans la revue de l’ American Academy of Ophtalmology.

En faisant une projection sur les prochaines décennies, les chercheurs ont calculé qu’en 2050, 4,76 milliards de personnes seraient atteintes de myopie soit 49,8 % de la population mondiale et 938 millions se verraient diagnostiquer une forte myopie (près de 10 % de la population).

Une crise de santé publique…

La myopie est un défaut de réfraction caractérisé par une difficulté à voir de façon nette les objets éloignés. Mais la myopie forte peut aussi augmenter les risques de développer une cataracte, un glaucome, un décollement de la rétine, une dégénérescence maculaire. Mais dans les cas les plus graves, la myopie serait une cause de cécité irréversible.

…qui coûterait très cher

La myopie se corrige avec des verres adaptés, des lentilles de contact mais aussi de la chirurgie. Des dispositifs qui coûtent cher.« En 2010, le poids économique de ces défauts non corrigés à cause de la myopie était de 202 milliards de dollars par an. Imaginez si ce chiffre si la moitié de la population mondiale devait être prise en charge. »

Un horizon rétréci

Alors qui en veut à nos beaux yeux ? Comme lorsqu’on écoute consciemment trop fort la musique, nous sommes là encore notre pire ennemi dans l’affaire de la myopie. « Nous passons de moins en moins de temps à l’extérieur et trop de temps au travail sur des écrans d’ordinateurs ou de smartphones que nous regardons de beaucoup trop près, explique Kovin Naidoo, l’un des chercheurs. Notre façon de penser notre urbanisation fait que notre horizon se rétrécit de lui-même. Et puis nous sommes trop soumis à de fortes sources de lumière artificielle. »

Des inégalités mondiales

Si les données sur les troubles de la vue manquent dans certains pays d’Afrique pour dresser une projection claire, on peut d’ores et déjà voir se dessiner une très forte disparité entre Orient et Occident. La prévalence de la myopie et de ses troubles corollaires est deux fois supérieure en Asie par rapport à l’Europe et l’augmentation est particulièrement inquiétante chez les jeunes asiatiques.

« Il y a des prédispositions génétiques aux défauts de vision dans certains pays d’Asie comme au Japon où la dégénérescence maculaire constitue par exemple 12,2 % des handicaps visuels dans le pays, note Kovin Naidoo. Mais on constate aussi que la forte pression scolaire dans des pays comme Singapour, la Corée, Taïwan ou la Chine oblige les jeunes à passer beaucoup de temps sur les écrans à un âge où ils sont particulièrement sensibles. » En Asie de l’Est et du Sud-Est, plus de 65 % de la population souffriraient de myopie à l’horizon 2050 (contre environ 50 % aujourd’hui). En Europe de l’Ouest, le ratio passerait d’environ 30 % aujourd’hui à plus de 56 % en 2050.

Une prise de conscience nécessaire

Les chercheurs espèrent éviter une « crise mondiale de santé publique ». « Seuls des efforts conjoints des gouvernements, des responsables éducatifs et des systèmes de santé de chaque pays pourront limiter les dégâts », plaide Kovin Naidoo. Il va falloir apprendre à élargir à nouveau notre horizon. Rien que pour nos yeux.
 
 
 

yogaesoteric

13 janvier 2020

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