Syrie – La fin de la guerre se profile
Synthèse des récents développements en Syrie :
Le changement le plus important qui a eu lieu pendant la première moitié du mois de juin est le déplacement des forces du gouvernement syrien (zones rouges et flèches) du sud-est vers la frontière irakienne. Le plan initial était de reprendre al-Tanf (passage de frontière) plus au sud-ouest pour sécuriser le passage frontalier de l’autoroute Damas-Bagdad. Mais al-Tanf était occupé par les envahisseurs américains, britanniques et norvégiens et certaines de leurs forces par procuration (bleu). Leurs avions ont attaqué les convois de l’armée syrienne lorsqu’ils se sont approchés. Le plan américain était de faire mouvement d’al-Tanf vers le nord, vers la rivière Euphrate, pour capturer et occuper tout le sud-est de la Syrie. Mais la Syrie et ses alliés ont fait un mouvement inattendu qui a contrecarré ce plan. Les envahisseurs sont maintenant coupés de la rivière Euphrate par une ligne syrienne qui va d’est en ouest jusqu’à la frontière irakienne. En Irak, des unités militaires populaires sous le commandement du gouvernement irakien viennent à la rencontre des forces syriennes à la frontière.
Les envahisseurs étatsuniens ont été forcés de camper au milieu d’un désert sans intérêt stratégique près d’al-Tanf ; leur seule option était d’y mourir d’ennui ou de retourner en Jordanie d’où ils sont venus. L’armée russe a clairement indiqué qu’elle interviendrait fermement si les États-Unis attaquaient la ligne syrienne et se déplaçaient plus au nord. Les États-Unis et leurs alliés n’ont aucun mandat pour se trouver en Syrie. Ils n’ont aucune raison, ni aucun motif légal d’attaquer les unités syriennes. Leur seule option est de faire retraite.
Le mouvement étatsunien sur al-Tanf a été couvert par une attaque des forces par procuration de l’armée américaine au sud-ouest de la Syrie. Un grand groupe de « rebelles », qui comprend des éléments d’al-Qaïda et qui est ravitaillé depuis la Jordanie, a fait mouvement pour prendre la ville de Deraa aux mains du gouvernement syrien. On espérait que cette attaque détournerait les forces syriennes de leur mouvement vers l’est. Mais malgré les attaques suicides, l’assaut contre Deraa n’a pas réussi à faire reculer les fortes défenses des forces syriennes. La tentative de diversion a échoué. La position syrienne à Deraa a été renforcée par des unités de Damas qui attaquent les gangs de mercenaires de l’armée américaine. Des progrès significatifs ont été réalisés le 13 juin dans la banlieue sud de Deraa, et l’armée syrienne a poursuit son offensive jusqu’à la frontière jordanienne.
Les plans des États-Unis pour le sud de la Syrie, à l’ouest comme à l’est, ont échoué. À moins que l’administration Trump ne soit disposée à investir des forces significatives et à mener une guerre ouverte, en violation de toutes les lois, contre le gouvernement syrien et ses alliés, la situation est contenue. Les forces syriennes reprendront avec le temps toutes les terres (de couleur bleue) dans le sud, qui sont actuellement détenues par les diverses forces par procurations américaines et d’autres groupes terroristes.
Au nord-ouest, les groupes « rebelles » takfiris se concentrent autour d’Idleb et plus au nord. Ces groupes sont financés par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Le conflit entre le Qatar et les autres États du Golfe a engendré encore plus de chaos à Idleb. Les groupes parrainés par l’Arabie Saoudite luttent contre les groupes parrainés par le Qatar et les Turcs. Ces conflits s’ajoutent à d’autres dissensions entre les forces alignées sur al-Qaeda et celles d’Ahrar al-Sham. Les forces du gouvernement syrien encerclent la province, et la Turquie au nord a gardé sa frontière fermée la plupart du temps.
Au centre de la carte, les flèches (rouge) de l’armée syrienne ont été dirigées vers les zones désertiques du centre tenues par les forces de Daesh qui reculent vers l’est (flèches noires). Les forces du gouvernement syrien qui arrivent simultanément du nord, de l’ouest et du sud, ont progressé rapidement et ont repris plusieurs kilomètres de terrain jour après jour. Au cours des mois mai et juin, 4.000 kilomètres carrés et plus de 100 villages et villes ont été repris.
Le matériel de pontage militaire russe a commencé à arriver en Syrie. Il sera utilisé pour traverser la rivière Euphrate et reprendre les zones situées au nord de la rivière. Pendant ce temps, les forces kurdes (flèches jaunes) soutenues par les États-Unis ont attaqué la ville de Raqqa tenue par ISIS. Le commandement militaire russe a affirmé que les Kurdes et les États-Unis ont convenu avec ISIS de laisser leurs combattants quitter Raqqa pour aller au sud et à l’est. La vitesse avec laquelle les Kurdes prennent la ville confirme cette affirmation. Il semble qu’il n’y ait à peu près aucune résistance de l’État islamique.
Toutes les forces de Daesh qui restent en Syrie, celles qui viennent de Raqqa ainsi que celles qui viennent des zones désertiques, se déplacent vers l’est le long de l’Euphrate en direction de la ville de Deir Ezzor. Il y a au moins 100.000 civils pro-gouvernementaux et une garnison de l’armée syrienne qui y sont depuis longtemps encerclés par les forces de Daesh. La population assiégée est ravitaillée par les airs. Jusqu’ici la garnison militaire syrienne résiste aux attaques de Daesh. Mais si des milliers de combattants de l’Etat islamique arrivent en renfort, cette fois les troupes du gouvernement pourraient bien être submergées. Il faut parachuter des renforts dans la ville pour empêcher ISIS de rentrer et de se livrer à un grand massacre. Une ligne de secours au sol serait une bien meilleure option. Mais l’avancée de l’armée syrienne vers la ville a été retardée par les manigances des États-Unis dans le sud.
Les forces par procuration qataris, saoudiennes et turques, dirigées par la CIA, ont mené une guerre de six ans contre la Syrie et son peuple. Avec le Qatar et la Turquie maintenant en conflit avec les Saoudiens et leurs alliés américains, le gang qui a attaqué la Syrie se désagrège. L’État islamique perd rapidement du terrain et est au bord de la défaite. L’avancée des États-Unis dans le sud a été stoppée. À moins que les États-Unis ne changent de tactique et ne s’embarquent dans une attaque à grande échelle contre la Syrie avec leurs propres forces armées, la guerre contre la Syrie est terminée. De nombreuses zones doivent encore être reprises par les forces syriennes. Les attaques terroristes dans le pays se poursuivront pendant plusieurs années. Les blessures prendront des décennies à guérir. Il faudra entamer des négociations sur des zones situées dans le Nord qui sont actuellement sous contrôle des Turques ou des mercenaires des américains. Il y aura bien des questions à régler. Mais la guerre stratégique à grande échelle contre la Syrie a maintenant pris fin.
Personne n’y a gagné quoi que ce soit. Les Kurdes qui, pendant tout un temps apparaissaient comme les seuls gagnants de la guerre, viennent de jeter ce qu’ils avaient gagné par-dessus bord.
Les forces kurdes du YPG (Unités de protection du peuple) soutenues par les États-Unis ont fait l’erreur inouïe de réclamer ouvertement le soutien de l’Arabie saoudite. Les anarcho-marxistes du YPG, qui arborent fièrement leur féminisme, font soudain allégeance aux barjots moyenâgeux wahhabites. Ils ont détruit leur réputation de force de gauche progressiste. Leur démarche va renforcer l’hostilité turque et syrienne, irakienne et iranienne contre eux. Toutes les avancées politiques qu’ils ont faites pendant la guerre en ne prenant partie, la plupart du temps, ni pour les « rebelles » ni pour le gouvernement syrien sont menacées. C’est une décision insensée. La zone tenue par les Kurdes est complètement encerclée par des forces plus ou moins hostiles. Le soutien des États-Unis ou de l’Arabie saoudite à l’enclave kurde encerclée ne pourra plus durer longtemps. Les Kurdes viennent à nouveau de démontrer qu’ils sont leurs pires ennemis dans leur combat pour un Etat kurde (à moitié) souverain. Ils vont être renvoyés dans leurs territoires d’origine et seront à nouveau intégrés à l’état syrien.
[Mise à jour le 14 juin 2017 – 1:00]
Le secrétaire de la Défense Mattis a été interrogé le 13 juin au Congrès sur la situation en Syrie. Voici quelques tweets d’un journaliste de Stars & Stripes qui y a assisté :
« # Secrétaire Défense Mattis dit que les forces “ pro-régime ” qui sont entrées en Syrie près de la base de #AlTanf sont en fait #russes
#Secrétaire Défense Mattis: “ Je ne prévoyais pas que les Russes viendraient là-bas (près de Al Tanf.) … mais cela n’a pas surpris nos services secrets. ”»
Les Etats-Unis avaient affirmé que les forces alignées sur le gouvernement syrien qui avançaient en direction d’al-Tanf étaient « soutenues par l’Iran » ou « dirigées par l’Iran ». Le secrétaire de la Défense dit que c’était un mensonge. Il s’agissait de Russes alliés au gouvernement syrien. Les Russes ne prennent certainement pas leurs ordres des généraux iraniens. Il n’est pas étonnant que le commandement russe ait émis de fortes mises en garde contre toute attaque de ces forces.
Mattis montre aussi qu’il est incapable d’une pensée stratégique. Il croyait vraiment que les Russes n’iraient pas à al-Tanf couvrir leurs camarades syriens? Il est clair depuis des mois que les Russes sont totalement impliqués en Syrie. Ils ne laisseront pas tomber le gouvernement syrien pour se mettre bien avec Mattis ou Trump ou qui que ce soit d’autre. Leur stratégie est claire depuis un certain temps. Ils se battront. Ils l’ont dit.
Al-Tanf a une importance tactique, mais l’armée américaine l’élève au rang d’atout stratégique. Ce qui n’est manifestement pas le cas. On ne comprend pas quelles raisons les États-Unis ont de défendre cet endroit en plein désert. Il n’y en a aucune, mais le défendre pour le « principe » pourrait évidemment provoquer une guerre beaucoup plus importante.
« La garnison de Tanf est encerclée par des forces hostiles. Les forces des États-Unis dans la région devraient traverser les positions de régime pour se rendre à al Bukamal, ce qui risque de provoquer une escalade.
Qu’en va-t-il se passer maintenant? Les États-Unis sont-ils prêts à protéger ces forces à perpétuité? Est-ce que les États-Unis vont fournir une couverture aérienne à des forces qui se battent directement avec des alliés du régime en dehors de la zone de 55 kilomètres? Les trois dernières frappes ont-elles provoqué une contre-escalade qui a nui aux intérêts des États-Unis? Malheureusement, la réponse à la dernière question est oui. […]
La stratégie devrait commander la tactique quand on a affaire à des forces soutenues par l’Iran en Syrie, et non l’inverse. […]
Les États-Unis ont la capacité de défendre une garnison dans le désert syrien. Cependant, il n’y a aucune raison stratégique de le faire, ce qui rend impossible une évaluation des avantages et des inconvénients.
Le département de la Défense et le commandement américain sur le terrain n’ont à l’évidence pas encore compris cela. Le commandant local des États-Unis a fait venir de Jordanie à al-Tanf un système d’artillerie à longue portée étasunien HIMARS. HIMARS a une portée de 300 kilomètres. Cela ne fait aucune différence d’un point de vue tactique s’il tire de Jordanie ou d’al-Tanf en Syrie à quelque 12 kilomètres à l’est de la frontière. C’est une démarche symbolique du type “ planter le drapeau ” à al-Tanf, mais elle expose le système d’artillerie à une attaque légitime des forces syriennes, russes et iraniennes. »
Comme le secrétaire d’État Tillerson l’a dit à juste titre: « les États-Unis n’ont aucune autorité légale pour attaquer les Syriens ni les Iraniens ni les forces russes. Pas la moindre. Ils ont envahi la Syrie sans motif légitime. La Syrie, en revanche, a le pouvoir légal de jeter dehors les troupes américaines. »
Faire venir les HIMARS à al-Tanf, a été tout à fait idiot. Il est grand temps que Washington arrête ses bêtises.
yogaesoteric
24 juillet 2017