Syrie : l’après Daesh une situation encore plus explosive ? (1)
L’année 2017 a vu l’armée syrienne et ses alliés reconquérir la presque totalité du territoire occupé par Daesh (cf : carte ci-dessous). Mais une douche froide a sapé les espoirs projetés par cette victoire : le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a déclaré, mercredi 17 janvier 2018, que la défaite de Daech ne mettra pas fin à la présence militaire américaine en Syrie.
L’armée US s’est solidement implantée à l’est de la Syrie (entre l’Euphrate et la frontière irakienne, zone jaune) grâce à des accords avec Daech. Pour conquérir ce territoire la coalition militaire dite « anti-Daech » sous le commandement des États-Unis a introduit : 2800 GI + 1300 membres de l’OTAN en Syrie.
La coalition US a constitué une milice appelé Force Démocratique Syrienne (FDS) composée pour moitié de Kurdes syriens du YPG/PKK et l’autre moitié étant des anciens de Daech recyclés . La milice kurde syrienne YPG est la branche armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le mouvement séparatiste kurde de Turquie. Cette force FDS est financée par les États-Unis qui lui ont récemment fourni plus de 4000 camions d’armement.
Légende :
– Zone grise occupée par Daech
– Zone rose sous contrôle du gouvernement syrien ou irakien.
– Zone verte, zone de désescalade depuis mi-2017 occupée par Al-Qaïda, Daech ou l’ASL
– Zone jaune sous contrôle des USA avec les Forces Démocratiques Syriennes FDS
1 – Rappel historique depuis 2014
En 2014, les USA ont pris la tête d’une coalition comptant 59 pays pour contenir DAECH, mais sans l’éliminer. Pendant près d’un an et à l’inverse de la Russie, cette coalition n’a effectué que des attaques aériennes symboliques contre le groupe terroriste sans mettre à mal sa principale source de subsistance : le financement.
Les USA se sont davantage employés à détruire l’infrastructure de la Syrie mais ils ont épargné les longues colonnes de Daech qui s’étendaient sur plusieurs Kms. Ainsi Daech s’est déplacé en toute tranquillité et a pu commercialiser avec l’Occident le pétrole volé à la Syrie.
Quand Barack Obama a déclaré la guerre à Daech, ses forces armées ont jugé que mettre un frein à la principale source de capitaux – le pétrole – du groupe terroriste n’était pas une priorité !!!
La production de brut dans le territoire tenu par DAECH se situait entre 34.000 et 40.000 barils / jour. Le pétrole est vendu par Daech entre 20 $ et 45 $ le baril.)
Daech a donc bénéficié de plus de 1,5M$ par jour en revenus pétroliers tirés de l’extraction illégale d’or noir provenant de nombreux gisements en Syrie et en Irak, et ce, sans être importuné !!!.
Daech gagnait annuellement de 2,9 milliards de dollars grâce à ses différentes activités, soit plus que le PIB du Burundi.
Obama a voulu faire croire au monde qu’il se préoccupait de lutter contre le terrorisme. Mais pourquoi la coalition de 59 pays dirigée par le plus puissant État de la planète s’est gardée de réduire à néant les principales sources de financement de l’organisation terroriste et surtout sur le plan militaire de ne pas pouvoir arrêter l’expansion de Daech !!!
La politique d’Obama était bien dé finie : nous ne sommes pas pressés de vaincre Daech, car le groupe sert l’intérêt national des USA et est devenu un fardeau pour l’Iran. De même pour Israël : « Nous préférons Daech à l’Iran », a dit son ministre de la défense, Moshe Yaalon.
Donald Trump, à son tour, suit le chemin tracé par Obama pour la destruction de l’État syrien.
2 – Actuellement les USA arment les forces kurdes-Fds pour la partition de la Syrie.
Les Américains font tout leur possible pour diviser le pays en zones d’influence, les Russes d’un côté, eux de l’autre, tentant pour cela de s’accrocher à toute partie du territoire qu’ils pourraient grignoter, oubliant vite que la Syrie n’est pas un pays vaincu et qu’elle a encore le choix et les moyens de refuser de se faire coloniser.
Pour arriver à leurs fins, les États-Unis multiplient leurs bases (ils en seraient déjà à 14), en parlent comme de territoires conquis et prétendent en interdire l’accès à quiconque n’est pas de leur bloc, y compris à ceux qui en sont les propriétaires légitimes. Ainsi les USA ont bombardé à plusieurs reprises l’armée syrienne qui s’était approchée à moins de 50 KM d’une base US.
Les USA font tout pour diviser la Syrie en deux en créant une nouvelle force :
Ainsi la coalition militaire dite « anti-Daech » sous le commandement des États-Unis travaille avec les groupes rebelles en Syrie à la formation d’une nouvelle « Force de sécurité aux frontières », forte de 30.000 miliciens composée pour moitié de Kurdes syriens et l’autre moitié étant des anciens de Daech recyclés.
L’idée de Trump est de créer un ancrage permanent pour les États-Unis et Israël dans un Kurdistan indépendant stratégique, économiquement autosuffisant, où se rejoignent les frontières de la Turquie, de l’Irak et de la Syrie, et qui pourrait éventuellement aller jusqu’à la frontière occidentale de l’Iran avec le nord de l’Irak.
La libération de la Syrie risque de passer par une guerre encore plus étendue que l’actuelle.
Cette situation est insupportable pour la Syrie et l’Irak, mais aussi pour la Turquie qui aurait un État terroriste indépendant à sa frontière. La réaction ne s’est pas fait attendre : la Turquie a envahi une partie de la zone jaune occupée par les Kurdes.
3 – La négociation avec les kurdes avant l’invasion du nord de la Syrie par l’armée turque
Le gouvernement syrien et ses alliés russes ont proposé aux Kurdes d’Afrin de les protéger contre les attaques turques : « Il y a eu une réunion entre des responsables russes et des dirigeants kurdes. Moscou a suggéré que l’État syrien devienne l’unique entité responsable de la frontière nord. Les Kurdes ont refusé.
Donner à l’État syrien le contrôle de sa frontière nord n’était pas la seule exigence russe. L’autre était que les Kurdes rendent les champs pétrolifères de Deir al Zor. Les Kurdes ont refusé en laissant entendre que les États-Unis ne le permettraient pas de toute façon. La réunion s’est terminée par un échec. »
Ce témoignage a été confirmé par les négociateurs kurdes :
Aldar Xelil (@Xelilaldar), membre de la Société Libre Démocratique Tev-Dem : « Au cours d’une réunion, la Russie a dit à l’administration d’Afrin que si Afrin était gouvernée par le régime syrien, la Turquie ne l’attaquerait pas. L’administration du canton d’Afrin a refusé cette proposition. »
Les Kurdes ont fait une contre-offre très méprisante. En effet, ils proposaient de mettre des drapeaux syriens et de rendre la base aérienne de Menagh (qui est presque entièrement détruite), mais ils ne voulaient surtout pas renoncer au contrôle des frontières de la Syrie avec la Turquie et l’Irak. Demandant ainsi au gouvernement syrien d’abandonner de fait le contrôle de la souveraineté de la Syrie.
L’offre du gouvernement syrien était la seule solution pour que la Turquie n’intervienne pas, car la Russie n’aurait jamais toléré un affrontement direct entre les armées syrienne et turque.
Après l’échec des négociations entre la Russie/Syrie et les Kurdes d’Afrin, la partie russe a conclu un accord avec la Turquie.
4 – L’invasion du nord de la Syrie par l’armée turque
La Turquie est farouchement opposée aux efforts américains pour créer un Kurdistan dans le nord de la Syrie. Le président turc, Recep Erdogan a ouvertement menacé début janvier 2018 que Washington « ne pourra jamais transformer le nord de la Syrie en un corridor pour les terroristes », promettant de « les frapper très durement ».
Le 20 janvier a eu lieu le lancement de l’opération « Rameau d’Olivier » contre les milices kurdes positionnées dans la région d’Afrin. Immédiatement Damas a fermement condamné les actions d’Ankara, rappelant qu’Afrin était une partie indissociable de la Syrie. Moscou a pour sa part appelé toutes les parties belligérantes à la retenue et a exhorté à respecter l’intégrité territoriale de la Syrie.
La principale raison de l’attaque de la Turquie est la décision des États-Unis d’occuper le nord-est de la Syrie avec l’aide du YPG/PKK kurde et des Arabes qui avaient combattu sous les ordres de Daech.
La seconde raison de l’opération turque est le succès remporté par l’armée syrienne à l’Est de la province d’Idlib qui était occupée par Al-Qaïda et par l’ASL « l’Armée Syrienne Libre » (soutenu par la Turquie).
Vu du côté syrien : il ne serait pas bon pour la Syrie que la Turquie prenne le contrôle d’Afrin. Le gouvernement syrien n’aime pas du tout l’accord que les Russes ont conclu en son nom, d’autant qu’un accord avec l’instable président turc Erdogan ne tiendra probablement pas longtemps. Mais voir les Kurdes s’allier aux États-Unis dans une occupation permanente du nord-est est encore pire pour la Syrie.
Lisez la deuxieme partie de cet article
yogaesoteric
18 mai 2018