Syrie : l’après Daesh une situation encore plus explosive ? (2)
Lisez la première partie de cet article
5 – La situation est devenue explosive
Le président turc a annoncé que l’opération « Rameau d’Olivier » s’étendrait jusqu’aux frontières irakiennes et que les Turcs ne partiraient pas de Syrie avant d’avoir éradiqué les « terroristes » jusqu’au dernier. Il a précisé : « Après cela, nous continuerons jusqu’aux frontières de l’Irak et nous poursuivrons la guerre contre les terroristes. Et sur cette voie, nous demandons aux adversaires des terroristes de se ranger de notre côté. » Erdogan a affirmé que sa plus grosse déception était que les terroristes portent le drapeau américain : « Comment peut-on justifier cela ? Monsieur le président Trump nous dit de ne pas trop le critiquer ! D’accord, mais comment un partenaire stratégique peut-il agir de la sorte ? Nos opérations se poursuivront jusqu’à l’anéantissement du dernier terroriste en Syrie et jusqu’à faire de ce pays un refuge pour ses habitants », a ajouté Erdogan. La Turquie envisage d’établir une zone tampon de 30 km² sur le sol syrien.
Cette situation est inacceptable pour le gouvernement du Président syrien Bachar al-Assad, soutenu par la Russie et l’Iran qui voit un danger à son intégrité. Comment le gouvernement syrien pourra-t-il conserver l’intégrité de son pays ?
6 – Les kurdes devant leurs responsabilités
Le Président Bachar Al-Assad a eu de bonnes actions envers les Kurdes. En effet, avant l’éclatement de la crise en Syrie, plus de 300.000 Kurdes turcs qui avaient fui les persécutions en Turquie, ont obtenu la citoyenneté syrienne, et ils ont été hébergés en Syrie où loin des pressions et dangers ethniques et sectaires, ils menaient une vie tranquille. En dépit de tout cela, les Kurdes ont planté un clou dans le dos du gouvernement syrien et pris part aux plans américains pour le démembrement de la Syrie.
Le Parti de l’Union démocratique (PYD), qui a pris le contrôle des deux villes d’Afrin et de Manbij et leurs alentours à l’aide des Unités de protection du peuple, a agi, durant ces six dernières années, de façon indépendante par rapport à Damas, et n’a jamais reconnu la souveraineté syrienne sur ces deux villes du nord du pays, d’autant plus qu’il a rejeté la proposition russe portant sur l’acheminement des forces de l’armée syrienne à Manbij et Afrin en vue d’enrayer toute attaque turque, préférant s’appuyer sur le soutien de son allié américain.
Or maintenant, certains commandants des Unités de protection du peuple (YPG) – après le rejet des États-Unis de leurs demandes d’aides – ont sollicité l’aide du gouvernement et de l’armée syriens, réclamant leur intervention à Afrin, pour protéger ses frontières et ses habitants face aux attaques d’occupation Turque. Si les Kurdes avaient accepté l’arrivée de l’armée syrienne à Afrin et Manbij et s’ils s’étaient opposés à la présence des Américains, ils auraient pu éviter l’offensive turque et ne seraient pas restés seuls face aux Turcs. Mais le problème des Kurdes est qu’ils font confiance aux États-Unis et à Israël qui les utilisent comme un atout pour des règlements de compte avec certains pays de la région, dont la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Irak.
Les Kurdes doivent donc choisir définitivement leur camp et ne plus passer d’un camp à l’autre au fil des événements, sinon ils ressortiront broyés par cette nouvelle guerre : Syrie-USA-Turquie.
7 – La Turquie face à deux dilemmes au moins
Du fait de l’invasion turque dans la zone occupée par les Kurdes, les USA sont placés devant un dilemme. Si les États-Unis ne changent pas de cap et ne cessent pas de soutenir les Kurdes, la Turquie continuera alors à dénouer ses liens avec l’OTAN. L’armée turque avait jusqu’à présent empêché cette rupture, mais désormais, il y a même des officiers anti-Erdogan qui seraient d’accord pour quitter cette alliance.
Erdogan est peut-être tenté de quitter l’OTAN et de rejoindre une alliance avec la Russie, la Chine et l’Iran. Cependant si les États-Unis font une vraie offre à la Turquie en abandonnant leur projet d’un Kurdistan indépendant, ils pourraient réussir à retourner la Turquie et à la ramener dans le giron de l’OTAN.
Mais la Maison-Blanche de Trump est-elle capable de défier les voix pro-Israël/pro-kurdes et de revenir à une approche plus réaliste ? La balle est dans le camp de Trump osera-t-il affronter la Turquie à moins que la Turquie ne se couche ?
Or, l’OTAN a également besoin de la Turquie pour l’accès à la mer Noire pour toute opération future contre la Russie et la Crimée. C’est tout le dilemme.
Pour conclure, la Turquie s’est placée opportunément au centre de cette guerre. Il dépendra donc de la Russie et de l’Iran pour sa fourniture d’énergie, et de Moscou pour construire des centrales électriques et livrer un système de défense antimissile S-400 à Ankara pour faire basculer la Turquie dans un camp ou dans l’autre.
Enfin le commerce turc regarde vers la nouvelle route de la soie de la Chine et l’Union économique eurasiatique d’Iran, de Russie, d’Asie centrale et de Chine.
En raison de tout cela la Turquie risque de choisir définitivement son camp : hors de l’OTAN.
8 – Les cousins kurdes irakiens – le péril Barzani toujours présent
Après le référendum sur l’indépendance du Kurdistan d’Irak, organisé 25 septembre 2017 qui a tourné au fiasco, le 28 octobre 2017, Massoud Barzani, a annoncé qu’il se retirait de la présidence à compter du 1er novembre, date à laquelle étaient initialement prévues des élections.
Il n’en demeure pas moins que Massoud Barzani est toujours le président du PDK (qui détient les deux tiers du Kurdistan irakien) et qu’il est aussi dirigeant du Haut conseil politique, une sorte d’assemblée parallèle qui tire toutes les ficelles du pays. Son objectif est de transmettre le pouvoir au sein de la famille Barzani, en l’occurrence à son neveu, le premier ministre Nerchivan Barzani. La dynastie Barzani n’est pas prête de s’arrêter…
Barzani veut faire du Kurdistan indépendant un second Israël
Maintenant Masoud Barzani tend de plus à plus à s’aligner sur les positions hostiles à l’unité et à l’intégrité territoriale irakienne.
En effet, Masoud Barzani a mis sur pied un quartier général militaire conjoint en collaboration avec les hauts gradés israéliens, américains et saoudiens. Le QG emploierait une milice terroriste du nom de « Drapeaux blancs » ainsi que des résidus de Daech. Ainsi depuis quelque temps, les attaques des séparatistes kurdes qui ont jusqu’à présent coûté la vie à des dizaines de civils, deviennent quotidiennes.
À l’approche de l’élection irakienne, le maximalisme de Barzani pourrait effectivement déstabiliser l’Irak par des actions de guérillas avec ses Peshmergas dans le but d’obtenir l’indépendance de la province autonome du Kurdistan.
Sous prétexte de lutter contre Daech, l’administration américaine verse chaque année une somme substantielle aux forces des Peshmergas (essentiellement affiliées au Parti démocratique du Kurdistan irakien dirigé par Massoud Barzani) et aux miliciens kurdes en Syrie.
Ainsi, selon le ministère des Peshmergas du Kurdistan irakien, le département de la Défense des États-Unis a fourni 365 millions de dollars à ces forces kurdes pour l’année 2018.
Les forces américaines continuent d’organiser, d’équiper et de former les forces des Peshmergas dans le Kurdistan irakien en vue d’un État indépendant. Cet État serait viable grâce au pétrole et serait une excellente place militaire pour attaquer l’Iran qui aura une frontière commune. Ainsi l’Iran serait pris en tenaille entre le nouvel Kurdistan et l’Afghanistan contrôlé par les USA.
En résumé, le projet US-Israélien est de réunir dans un grand Kurdistan indépendant la zone occupée par les FDS en Syrie avec le Kurdistan irakien.
Conclusion
Comment serait-il possible qu’un État comme les USA qui a créé Al-Qaïda puis Daech, qui a protégé Daeh et l’a soutenu et qui continue à se battre pour lui sur le sol syrien… un État qui viole militairement la souveraineté syrienne sur son sol en défiant ostensiblement toutes les chartes, les lois et les conventions internationales… comment serait-il possible que cet État puisse parler d’une issue politique et d’avenir en Syrie ?
La seule réponse qu’ont les USA au sujet de la Syrie est la doctrine Brzezinski & Wolfowitz, qui consiste à semer le chaos en Asie centrale, à isoler l’Iran de la Russie et les deux de la Chine.
Ainsi, une Syrie atomisée ou accommodante serait le coin qui mettrait une Turquie docile aux frontières sud de la Russie.
De plus ce serait le tremplin pour déstabiliser davantage l’Arménie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Irak et tenter d’empêcher l’établissement de la nouvelle route de la soie. L’influence régionale de l’Iran serait aussi repoussée à l’intérieur de ses propres frontières, coupé du monde.
Pour toutes ces raisons, il est clair que les USA et Israël feront tout pour que la Syrie ne retrouve pas sa légitime intégrité.
Voici quelques témoignages sur la responsabilité des USA concernant la création d’Al-Qaïda et de DAECH :
– Général Wesley K. Clark (1) : « Nos amis & alliés ont créé Daesh »
– Général Wesley K. Clark (1)
– La tête de la DIA (2) admet que les USA ont créé Daesh
– Hillary Clinton admet que les États-Unis ont créé Al Qaida
(1) Le Général Wesley Clark a été commandant suprême des forces de l’OTAN en Europe (1997-2000).
(2) Defense Intelligence Agency (DIA,) Agence du renseignement de la défense est une des agences du renseignement des États-Unis qui fonctionne sous la juridiction du département de la Défense (DoD)
yogaesoteric
22 mai 2018