Un juge britannique refuse d’annuler le mandat d’arrêt de Julian Assange

Emma Arbuthnot, juge principale du district, au tribunal de Westminster à Londres, a refusé le 13 janvier d’accepter un appel visant à annuler un mandat d’arrêt contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.

Arbuthnot se prononçait sur la proportionnalité du mandat d’arrêt britannique et sur l’éventualité d’une future inculpation en vertu des articles 6 et 7 de la Loi de 1976 sur la liberté sous caution et sur l’intérêt public de maintenir la situation actuelle.

Assange continue maintenant d’être menacé d’être arrêté pour avoir enfreint ses anciennes conditions de libération sous caution, ce qui a eu lieu en 2012, lorsqu’il a cherché l’asile politique à l’ambassade d’Équateur à Londres.

Il y chercha refuge pour contrecarrer une conspiration des gouvernements des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la Suède visant à le faire extrader en Suède pour des accusations d’agression sexuelle inventées de toutes pièces. Les allégations faisaient partie des efforts pour emprisonner Assange légalement, fournissant la base de son extradition aux États-Unis pour faire face à de possibles accusations d’espionnage et de trahison pouvant entraîner la peine de mort. Ni le gouvernement américain ni le britannique n’ont publiquement démenti l’existence d’une demande secrète d’extradition vers les États-Unis.

Les avocats d’Assange ont fait valoir que le mandat devrait être révoqué parce que la Suède a abandonné son mandat d’extradition l’année dernière et que son arrestation n’était plus « proportionnée » ou « dans l’intérêt public ».

En clôturant leur enquête, les procureurs suédois ont effectivement prouvé qu’il n’y avait jamais eu de base pour le procès contre Assange et que lui et WikiLeaks étaient la cible d’une opération qu’on peut qualifier de « coup fourré ».

Les avocats d’Assange ont déclaré que les cinq ans et demi pendant lesquels Assange a été confiné à l’ambassade étaient une punition « adéquate, sinon sévère » pour ses actions. La peine maximale pour n’avoir pas respecté les conditions d’une caution est de six mois de prison. Ils ont attiré l’attention sur le rapport du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire qui condamne la détention d’Assange comme « arbitraire, déraisonnable, inutile et disproportionnée ». L’ONU a appelé les gouvernements suédois et britannique à mettre immédiatement fin à sa « privation de liberté » et de lui payer une compensation.

L’équipe juridique d’Assange a déclaré que son client avait à plusieurs reprises proposé de coopérer avec l’enquête en Suède, mais que les procureurs avaient refusé de parler à Assange jusqu’en 2016. Il est apparu que le ministère public de la Couronne (CPS) britannique avait fait pression sur ses homologues suédois. Il a également encouragé les procureurs suédois à poursuivre les procédures d’extradition plutôt que de les abandonner, comme ils se préparaient à le faire dès 2013.

Il était justifié qu’Assange demande l’asile à l’ambassade, arguèrent ses avocats, parce qu’il craignait légitimement d’être extradé vers les États-Unis. Jennifer Robinson, a déclaré que l’administration américaine avait clairement annoncé son intention de poursuivre WikiLeaks. Une enquête du grand jury américain est en cours depuis mai 2010, dans le but de porter plainte contre Assange sur les publications de WikiLeaks.

« Le FCO britannique [Foreign and Commonwealth Office, Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth] refuse de confirmer ou de nier l’existence d’une demande d’extradition pour M. Assange », a-t-elle déclaré. « Dans notre récente contestation contre le CPS basé sur la loi pour la liberté de l’information […] le CPS a refusé de divulguer certains documents parce qu’ils auraient “ informé ” M. Assange au sujet d’une éventuelle demande d’extradition américaine. Il est temps de reconnaître que le vrai problème est, et a toujours été, le risque d’une extradition vers les États-Unis. »

La décision d’Arbuthnot, qui empeste le venin et l’hypocrisie de classe, sert les intérêts les plus profonds de l’État britannique. La juge Arbuthnot, dont le nom complet est baronne Arbuthnot d’Edrom, est mariée à Lord Arbuthnot, politicien conservateur, qui a présidé le comité spécial de la défense du Parlement de juillet 2005 à mai 2014. Le comité supervise le ministère de la défense et a légitimé ces mêmes crimes de guerre qu’Assange a exposés.

Dans la tradition séculaire de l’impérialisme britannique, Arbuthnot a traité Assange et ses avocats avec un mépris impitoyable et vindicatif. Selon cette juge bien éduquée, qui est la magistrate en chef de l’Angleterre et du Pays de Galles, cet homme qui a dénoncé des crimes contre l’humanité est lui-même un criminel de droit commun. Il devait tirer son chapeau et saluer bien bas ses supérieurs, manifester des remords pour avoir refusé d’obtempérer et accepter sa punition.

Elle a réprimandé Assange pour ne pas avoir comparu devant le tribunal : « Les accusés en liberté provisoire sous caution dans tout le pays, et les personnes faisant l’objet d’une procédure d’extradition, viennent se présenter devant les tribunaux pour faire face aux conséquences de leurs propres choix. Il devrait avoir le courage de faire la même chose. »

La décision d’Arbuthnot était un affront à la démocratie. Elle a ridiculisé les conclusions de l’ONU selon lesquelles l’incarcération d’Assange est une « privation de liberté ». La décision ne s’appliquait pas à lui, affirmait-elle, parce que son emprisonnement serait une vie de luxe auto-imposée !

« Primo, il peut quitter l’ambassade quand il veut ; secundo, il est libre de recevoir, semble-t-il, un nombre illimité de visiteurs et ces visites ne sont pas surveillées ; tertio, il peut choisir la nourriture qu’il mange, le temps qu’il dort et exerce. »

« Je ne crois pas qu’il n’y ait pas de soleil. Il peut s’asseoir sur le balcon (j’admets, probablement observé par la police et ses partisans) pour prendre l’air. Il n’est pas enfermé la nuit. Je suppose que si l’on demandait à l’un des hommes incarcérés à la prison de Wandsworth si les conditions dans l’ambassade équatorienne s’apparentaient à une détention, le prisonnier contesterait les affirmations du groupe de travail. »

Qu’est-ce que la Baronne Arbuthnot peut bien savoir des conditions à Wandsworth ? Sa description de l’enfermement d’Assange comme un hôtel sur la Côte d’Azur, avec un balcon ouvert, est méprisable. Arbuthnot a déclaré que la croyance d’Assange qu’il aurait été extradé vers les États-Unis depuis la Suède était « déraisonnable ».

Seulement la veille, le département américain de la Justice (DoJ) a confirmé à Reuters que son dossier contre Assange est en cours. Le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a qualifié WikiLeaks de « service de renseignement hostile », affirmant qu’Assange n’a « aucun droit du Premier Amendement » et que la CIA œuvre à « détruire » WikiLeaks. Le procureur général Jeff Session a déclaré l’année dernière que l’arrestation d’Assange était une priorité pour le ministère de la Justice.

Arbuthnot a rejeté les arguments des avocats d’Assange selon lesquels il n’était pas dans l’intérêt public de le poursuivre pour infraction à sa liberté sous caution, déclarant : « Je trouve que l’arrestation est une réponse proportionnée, même si M. Assange a restreint sa propre liberté pendant plusieurs années. »

Déformant totalement la réalité, Arbuthnot a qualifié Assange, qui a révélé les crimes de guerre de l’État, d’« homme qui veut imposer ses propres conditions sur le cours de la justice, que la justice soit dans cette juridiction ou celle de la Suède […] Il semble se considérer au-dessus des règles normales de la loi et ne veut la justice que si elle va en sa faveur. »

Une victoire pour Assange aurait forcé les autorités britanniques à divulguer tout mandat d’extradition actuel des États-Unis.

« Nous devons affronter le vrai problème dans cette affaire », a déclaré l’avocate d’Assange Jennifer Robinson, « qu’il risque d’être extradé vers les États-Unis pour être poursuivi pour avoir publié des informations dans l’intérêt du public » avec WikiLeaks.

« M. Assange reste prêt à affronter la justice britannique […] mais pas au risque d’être contraint de faire face à l’injustice américaine. »

Gareth Peirce, éminente avocate spécialisée dans les droits de l’Homme et membre de l’équipe juridique d’Assange, a déclaré qu’il serait possible de faire appel de cette décision. S’exprimant à la sortie du tribunal, elle a déclaré : « L’histoire de cette affaire est extraordinaire du début à la fin. Chaque aspect devient curieux et troublant à mesure qu’elle est examinée. »

En réponse à la décision, Assange a indiqué qu’un appel serait lancé : « Nous sommes surpris. La juge est allée au-delà de ce que les parties ont présenté devant le tribunal. Cela semble avoir conduit à des erreurs factuelles significatives. Le département américain de la Justice a confirmé à Reuters que son dossier était en cours. Il y a trois mois pour faire appel de la décision britannique. »

yogaesoteric

4 avril 2018 

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