USA : les représentants critiquent l’utilisation de technologie de reconnaissance faciale par le FBI
Aux États-Unis, les projets de loi relatifs aux questions de la protection de la vie privée sont de plus en plus nombreux, des plus intrusifs à ceux qui le sont moins, la liste continue de s’allonger. Cette fois, ce sont les technologies de reconnaissance faciale qui ont été au centre d’une discussion à un comité de surveillance de la Chambre des représentants des États-Unis.
L’un des premiers objectifs et usages les plus courants des technologies de reconnaissance faciale est d’authentifier les utilisateurs alors qu’ils essaient d’accéder à certains systèmes ou d’effectuer certaines opérations. Dans le secteur privé, la reconnaissance faciale peut par exemple être utilisée pour protéger les transactions financières, prévenir la fraude ou le vol d’identité. Son usage se développe également de plus en plus au sein des organismes chargés d’application de la loi, en complément des empreintes digitales, pour protéger des biens, des personnes, des nations. Mais la technologie de reconnaissance facile « peut aussi être utilisée par de mauvais acteurs pour harceler ou traquer des individus », a déclaré le président du comité, Jason Chaffetz. « Elle peut être utilisée pour limiter la liberté d’expression et de libre association en ciblant les personnes assistant à certaines réunions politiques, à des manifestations, dans des églises ou d’autres types de lieux publics », dit-il.
Chaffetz trouve la situation encore plus préoccupante avec l’avènement des technologies de reconnaissance faciale en temps réel qui permettent aux caméras de surveillance et appareils photo numériques de scanner les visages des personnes dans les rues. « Pour ces raisons et d’autres, nous devons mener une surveillance appropriée de cette technologie émergente », ajoute-t-il.
Comme l’explique Alvaro Bedoya, directeur exécutif du centre sur la vie privée et la technologie à Georgetown Law, aucune loi fédérale ne contrôle les technologies de reconnaissance faciale et aucune décision de justice ne limite son utilisation. « Cette technologie n’est pas maîtrisée », dit-il ; ce qui facilite les abus par les organismes qui utilisent des systèmes de reconnaissance faciale.
La base de données biométriques du FBI est sans doute ce qui a incité les membres de la Chambre des représentants à réfléchir sur cette question. Lors du comité, les défenseurs de la vie privée ont critiqué le FBI pour son usage de technologies de reconnaissance faciale pour alimenter sa base de données biométriques, sans le consentement des Américains.
En 2010, le FBI a décidé d’enrichir sa base de données d’empreintes digitales grâce à de nouvelles capacités, y compris la reconnaissance faciale. C’est ainsi que le bureau fédéral a lancé sa base de données biométriques avancées, pour laquelle des photos d’individus innocents ont été collectées de manière proactive sur le net, dans les rues et par d’autres moyens, sans leur consentement. Environ la moitié des Américains adultes a des photos stockées dans les bases de données de reconnaissance faciale du FBI. Lesdites bases de données sont consultées pour la recherche de criminels présumés, alors qu’environ 80 % de ces photos sont des entrées non criminelles.
L’un des problèmes mis en avant avec le système de reconnaissance faciale du FBI est qu’il est sujet à d’importantes imperfections. Dans 15 % des cas, le système n’est pas capable de faire une correspondance exacte pour identifier des individus. Comme conséquence, « des innocents pourraient supporter le fardeau d’être accusés à tort, y compris l’implication de voir des enquêteurs fédéraux se présenter à leur domicile ou entreprise », explique Diana Maurer du Government Accountability Office (GAO), un organisme d’audit, d’évaluation et d’investigation du Congrès des États-Unis.
Le système du FBI serait également plus susceptible de mal identifier les Noirs, en plus, les Afro-Américains seraient soumis de manière disproportionnée aux systèmes de reconnaissance faciale de la police. « Si vous êtes noir, vous êtes plus susceptible d’être soumis à cette technologie, et la technologie est plus susceptible d’être fausse », a déclaré Elijah Cummings, un membre du Congrès, qui a appelé le FBI à tester sa technologie pour partialité raciale ; ce que le FBI a jugé inutile. Le bureau fédéral souligne par ailleurs que son système de reconnaissance faciale a « amélioré la capacité de résoudre le crime » et qu’il n’était pas utilisé pour identifier les suspects, mais plutôt pour générer des pistes d’enquête.
En France, des inquiétudes similaires ont été évoquées en novembre 2016, après que le gouvernement a annoncé le lancement d’un fichier biométrique pour la quasi-totalité des Français. Le Conseil national du numérique a demandé que ce « fichage biométrique » soit suspendu estimant que l’existence d’un tel fichier laisse la porte ouverte à des dérives. À terme, cela pourrait en effet permettre l’identification systématique de la population grâce à des technologies de reconnaissance faciale ou de reconnaissance d’image, et à des fins policières ou administratives. Mais cette peur semble s’être dissipée étant donné qu’il a été annoncé qu’il ne sera plus question de transmettre automatiquement les empreintes digitales dans le fichier, mais seulement et impérativement après le « consentement exprès et éclairé » de chaque individu.
yogaesoteric
15 décembre 2018
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