9. Comment nous rapporter au centre spirituel de l’être
un article de Gregorian Bivolaru
Pour revenir à l’exemple avec la roue qui tourne autour d’un centre Suprême, auquel nous parvenons par la révélation dans notre être du vide béatifique, nous pouvons dire qu’il existe trois façons pour nous situer par rapport à ce centre.
La première consiste à ignorer ce centre Suprême, ou le considérer comme étant négligeable. Il est tellement abstrait pour la raison que même l’idée qu’il existerait ne peut donner naissance, dans certaines situations, qu’au mépris. C’est la position de l’autruche qui se cache la tête dans le sable, attitude couramment adoptée par les matérialistes ou les paresseux ; cette conception est celle du dualisme, sans la moindre référence consciente.
La deuxième consiste en nous situer au centre Suprême de la roue, considérée comme étant la réalité exclusive et s’y identifier ; autrement dit cela implique la réalisation de la transcendance. Elle représente en fait la rétraction dans la conscience inconditionnée, solution déjà proposée par le non-dualisme védantique. Sans doute nous pouvons nous contenter de cette solution ; une fois fixée la conscience de témoin, nous pouvons devenir ensuite le témoin de la conscience (en fait c’est d’elle dont on parle), ce qui représente déjà une finalité et une solution de libération. Mais alors nous ne faisons pas autre chose que d’escamoter la roue.
La troisième manière, qui appartient au tantrisme, la plus exigeante, est un dénouement global, une émancipation géniale qui ne modifie pas du tout l’ordre du monde ni la réalité des « apparences » : cette modalité signifie alors être placé au centre Suprême de la roue, c’est-à-dire réaliser par révélation directe la perception du Soi Suprême (ATMAN), et suivre ensuite avec détachement comment la roue tourne, sans interrompre l’activité (en offrant à Dieu, de manière inconditionnée, le résultat de toutes les actions) et vivre en même temps, pleinement, la manifestation et le Soi Suprême (ATMAN) comme étant en permanence intégrés en totale simultanéité. Seulement alors tous les actes de l’état de veille, de rêve et de sommeil, et finalement même le moment de la mort, deviennent des actes de conscience et ainsi se manifeste ininterrompue la cohérence du “Je suis”.
Pourtant nous devons souligner qu’il n’existe aucun terme qui puisse définir avec une totale précision cette ineffable immersion dans la supra-conscience où n’existe même plus l’attention ou la vigilance, qui sont alors littéralement digérées.
En effet, ici nous devons nous rendre compte que d’une part, l’attention permanente, la continuité de cette conscience d’être que nous prouvons lorsque nous vivons la sensation extrêmement raffinée du « je suis » et qui conduit à la non-action – est antérieure à toute notion, y compris celle d’Absolu. Elle est donc l’unique réalité accessible, la seule constante importante, l’unique possibilité d’émancipation et de libération spirituelle. Mais d’autre part, quoi qu’elle soit essentielle, elle se maintient dans le domaine de l’expérience. Elle est la conscience subtile d’être témoin de la Conscience Entière. Ici il n’existe plus d’expérience, ni de désir d’atteindre un but, ni de discipline, ni d’attention, ni même le « je suis ». Ce n’est que le présent éternel qui reste, pour un temps aboli, sans référence historique ou mémoire et qui cependant, comprend parfaitement et en profondeur le monde dans tout son déroulement et dans tous ses devenirs. Tout est maintenant en ordre total. Rien n’a changé, mais nous le savons pas encore.
Ou tel que le disait le grand tantrique de l’école KAULA, du XI-e siècle, Abhinavagupta: “l’expérience plénière dans l’indifférencié, dans l’Un (DIEU), en laissant libre la manifestation du différencié, du multiple, voilà la suprême réalisation du yogi ”.
Lisez de même La Continence sexuelle, un exemple parfait pour la vision et la pratique spirituelle tantrique…
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