Les tests spirituels et les pratiquants avancés

                                                                                                                            
                                                                                                                                                      de Mihai Stoian
 
Les tests spirituels qui marquent notre évolution sur la voie de l’achèvement de soi sont inévitables. On dit que Jésus non plus n’a pas été dispensés de les passer, donc nous sommes tous soumis aux épreuves spirituelles. On parle le plus souvent des situations qui trient les aspirants débutants et moins des épreuves de ceux qui sont déjà sur la voie spirituelle depuis un certain temps.
 
Bien sur, les tests qui apparaissent aux premiers pas sont plus évidents et influencent de nombreux pratiquants, en sélectionnant ceux qui sont vraiment prêts à continuer. Une discussion au sujet de ce genre d’épreuves peut être plus compréhensible justement parce qu’elle fait référence aux étapes du début, plus largement accessibles. Pourtant, les épreuves spirituelles des aspirants avec expérience sur la voie spirituelle sont au moins aussi intéressantes et du fait qu’elles apparaissent pendant les étapes avancées de la pratique elles sont plus subtiles et plus difficile à déchiffrer.
 
Le test spirituel apparaît suite à une nécessité divine, ce n’est pas une situation aléatoire, à laquelle nous sommes confrontés pour atteindre le niveau acquis. Le test spirituel a pour rôle de valider une certaine réalisation intérieure, c’est comme un examen suite auquel nous obtenons un diplôme. S’il a échoué, l’aspirant sera confronté à un état de régression. Par contre, en passant le test avec brio, le disciple atteint un niveau supérieur de conscience. L’état plus élevé que celui précédent est par lui-même une preuve du fait qu’il a passé l’examen spirituel.
 
La régression du disciple, l’occultation du maître
 
“Lorsque le disciple est prêt, le maître apparaît”, on dit à ceux qui commencent l’évolution intérieure et expriment parfois le souci pour la façon dont ils seront guidés. Justement le triomphe sur les premiers feed-back subtils représente le critère de sélection de nouveaux aspirants. Le maître apparaît seulement pour ceux qui ont réussi, comme une confirmation qu’ils ont passé le test et sont prêts pour les étapes suivantes.
 
Pour un certain temps tout coule dans le nouveau ruisseau, l’aspirant commence à voir les choses sous une nouvelle perspective et découvre la valeur de vérité de cette expression. L’inverse peut également se manifester : “lorsque le disciple ne passe pas certains tests spirituels majeurs, il régresse, en conséquence il arrête d’être et le maître “disparaît”, s’occulte. Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de la situation où le maître se retire concrètement de la vie de l’aspirant, à cause d’une conjoncture “apparemment objective” (il quitte le plan physique, il va habiter dans une autre ville ou dans un autre pays, il est empêché de voir ses disciples). Il s’agit de la situation plus fréquente où il est physiquement présent avec les aspirants, mais certains d’eux régressent et changent radicalement de point de vue, ne pouvant plus le percevoir en tant que maître.
 
Le disciple regarde différemment, le maître est le même 
 
Ce phénomène bizarre d’“occultation” du maître est uniquement du au fait que l’aspirant change complètement de point de vue intérieur, et non pas du fait que son maître ait changé. Celui qui se trouve dans une telle situation dramatique commence à faire des projections bizarres, méchantes, il tend à trouver toute sorte de justifications qui ne sont pas vraisemblables et dit le “maître n’est plus comme au début”, même si – paradoxalement – pour les autres il fait preuve de la même aide divine et demeure le même imprévisible ennemi de l’ego, lorsque c’est nécessaire.
 
Comment est-il possible qu’une telle distorsion de la perception se produise ? Un disciple qui excelle, par exemple, dans le contrôle de l’énergie sexuelle est confronté, après une certaine période de temps, à des tests sérieux à cet égard. S’il échoue à l’examen spirituel, il a tendance à “descendre la barre”.  Et il fera cela en tant que mesure de protection instinctive, en espérant être défendu des risques des déceptions ultérieures. Sans s’en rendre compte, il restreint son horizon intérieur, et les conseils et les actions du maître lui apparaissent sous une autre perspective, plus sombre, plus terne. Lorsque le maître le déterminera à mobiliser toutes ses forces pour réussir dans le contrôle des énergies sexuelles, l’aspirant répondra avec moins d’enthousiasme, même avec des ironies ou des blagues à l’adresse de ces conseils, manifestant parfois de l’insolence ou même une familiarité dépourvue de transfiguration. Si le maître lui conseille de jouir sans préjugés des jeux amoureux avec sa bien-aimée, justement pour apprendre à contrôler l’énergie sexuelle, l’aspirant pourra avoir la sensation qu’il est poussé et forcé vers quelque chose qu’il ne comprend plus de la même façon. Pour cette raison, il aura tendance à considérer l’action du maître spirituel comme un acte exagéré, comme une immixtion dans la vie personnelle. Tout ceci risque d’apparaître, justement à cause de la régression qui suit l’échec à l’examen. L’aspirant ne comprend plus l’importance de la réutilisation de l’énergie sexuelle sur la voie spirituelle, maintenant il regarde les choses plus “relaxé”, s’imaginant que l’utilisation systématique des énergies sexuelles sur la voie de la transmutation et de la sublimation est une option facultative secondaire. 
 
Un autre disciple veut explorer, par exemple, les mystères de la méditation. Au début il réalise de l’effort chaque jour, inspiré aussi par les mots du maître et par l’exemple que celui-ci lui offre. Après un certain temps, il devient plus paresseux, il ne pratique plus aussi assidûment, même si ses résultats spirituels ne sont pas un argument pour diminuer le rythme. Maintenant il est tenté d’accorder plus d’importance à des aspects communs de la vie, qui auparavant lui semblaient éphémères.
 
Si pendant un tel moment il lui semble qu’il doit choisir entre la pratique spirituelle et une certaine position sociale tentante qui lui offre des satisfactions financières, mais lui confisque tout son temps et toute son énergie, il est presque certain qu’il va opter pour la position sociale. Trompé par la vision qui est redevenue profane, l’aspirant choisit la position sociale, étant convaincu qu’après avoir réalisé une carrière et disposé un compte bancaire, il trouvera du temps pour méditer. Après avoir échoué à ce test, l’aspirant considère qu’il a agit correctement et il s’imagine que les demandes de son maître en ce qui concerne le détachement des aspects matériels de la vie étaient étranges et exagérées.
 
Ainsi il peut même commencer à critiquer avec passion certains des conseils de son guide spirituel et conseiller aux autres à faire de même. Cette attitude le fait fondre encore plus dans la faute que l’échec au test spirituel met en évidence. Dans une telle situation, la distance entre l’aspirant et son mentor spirituel augmente de plus en plus, sans que l’attitude du maître ne change.
 
Le jeu de la statue 
 
Pour les pratiquants avancés, l’une des épreuves les plus difficiles est celle de leur position et de leur importance sur la voie spirituelle. À mesure qu’il apprend davantage, une partie de l’entraînement spirituel d’un disciple suppose de partager sa connaissance avec les pratiquants de la même école d’évolution. Ceux-ci se trouvent au début, il les aidera à avancer. Le don de soi pour impulser et soutenir les autres offre une nouvelle profondeur au devenir spirituel, pour cette raison il est embrassé par la plupart de ceux qui arrivent à un certain niveau de pratique spirituelle.
 
Du travail significatif et désintéressé par lequel il aide les autres à évoluer, pourrait prendre naissance une sorte d’“importance de plus en plus grande de soi” très fine, sans signes évidents. C’est ainsi que l’orgueil spirituel s’éveille et commence à s’amplifier.
 
Lorsque la conscience de l’importance de soi est liée à des réalisations ou des situations strictement individuelles et surtout très mondaines, elle peut facilement être dépistée et éliminée. Mais lorsqu’il s’agit de ce que l’aspirant fait pour aider les autres du point de vue spirituel, l’état est insidieux et glisse de façon plus subtile dans son âme et souvent c’est un test important sur la voie de l’achèvement intérieur.
 
“Les cimetières sont pleins par des gens irremplaçables”, dit le peuple pour faire comprendre à quelqu’un qu’il est trop vaniteux. Mais en réalisant des choses vraiment positives et très importantes pour les autres il est possible de facilement oublier que ce n’est pas toi qui agit, mais c’est Dieu qui agit à travers toi et réaliser en permanence ce qu’il faut.
 
Pour cette raison, les aspirants avancés doivent être attentifs à appliquer avec une grande maîtrise les principes de Karma yoga et pratiquer intensément, attentivement et consciemment l’humilité. Ce n’est pas par hasard que les communautés monacales insistent sur l’état d’humilité, l’allié des moines et spécialement de ceux qui ont déjà obtenu certaines réalisations spirituelles. Derrière cette importance de soi peut rapidement croître le germe d’une déviation de la voie spirituelle. Comment ? Les collègues que l’aspirant aide ont tendance à faire une statue à celui-ci. L’aspirant avancé doit être très lucide, ne pas s’identifier à cette image, la détruire à nouveau et à nouveau dans son âme. Le disciples peut considérer ces choses simples comme des jeux inoffensifs, mais lorsqu’elles arrivent à se cristalliser en des attitudes intérieures c’est déjà trop tard, car elles le conduiront à des contradictions graves, à des crises intérieures sérieuses et à des erreurs douloureuses. Et il ne commet pas ces erreurs à cause de son manque d’habileté, mais justement parce qu’il a déjà perdu la liberté intérieure pour devenir la statue avec laquelle il a joué auparavant.
 
La bougie est le résultat de la flamme qui brûle
 
Un autre test important pour les pratiquants avancés est celui de l’“assurance” devant les réactions du maître. Tout guide spirituel authentique a un effet destructif sur la nature de l’ego. Pour cette raison, dès premiers pas sur la voie du devenir intérieur, l’action du maître effraye les disciples qui s’accrochent encore à l’ego. Du fait que la transcendance de cette structure illusoire apparaît plus tard, au cours de l’évolution, il est possible que l’aspirant garde dans les profondeurs de son subconscient une sorte d’épouvante que le maître vienne l’“attaquer” à nouveau un jour, le heurtant dans les profondeurs de son être, où la dernière trace d’ego s’est réfugiée.
 
C’est ainsi qu’une fois qu’il a acquis une certaine „importance” dans la structure du groupe spirituel, l’aspirant a des espoirs subconscients que la position „gagnée” lui assurera une sorte de protection devant l’œil objectif et sans compromis de son guide. Le test auquel il est soumis maintenant consiste dans la façon dont il va s’opposer à la tendance de se baser sur la soi disante position illusoire à laquelle il accordera une valeur imaginaire. Cette tendance apparaît parce que la société actuelle nous apprend qu’il faut prouver son utilité pour survivre. L’ego réagit de même dans son essai désespéré de consolider et même de régénérer ses derniers traces, après que l’aspirant ait progressivement conquis presque tous les territoires intérieurs avec ses griffes.
 
“Pour celui se trouvant encore dans l’ignorance, la flamme est le résultat de la bougie qui brûle, pour celui qui est devenu sage, la bougie est le résultat de la flamme qui brûle”. C’est le test de la pratique individuelle couronnée de succès. Si nous voyons les choses d’une perspective limitée, après que l’euphorie des résultats de début soit passée, une sorte de conflit majeur tend à apparaître entre ce que nous avons partiellement compris et ce que le maître voit de manière universelle et qu’il nous montre avec lucidité et détachement.
 
Si nous n’envisageons pas de nous “élever” au niveau auquel nous devrons être en conformité avec les choses que nous avons appris jusqu’alors, il est possible de perdre graduellement la vision d’ensemble qui nous est ouverte à partir de premières étapes de la voie spirituelle en ayant totalement confiance dans le maître et en croyant à sa parole. C’est ainsi qu’une sorte d’aliénation par rapport au maître apparaît, sentiment qui se manifeste sous la forme de critiques apparemment “justifiées”,de mécontentements fantasmagoriques, d’une sélectivité méchante et exagérée envers tout ce qu’il fait. Dans cette situation, ses actions commencent à nous apparaître de moins en moins pourvues du sens divin réel, que nous avons perçu au début de la voie spirituelle. Pourquoi ? Parce que nous n’avons plus la même vision. Nous vivons avec l’impression fausse que la flamme apparaît maintenant à cause de la bougie et nous considérons comme absurde d’agir sur elle si nous voulons modifier la forme de la bougie.
 
Dans le miroir déformant on voit déformé 
 
Ces aspects semblent inimaginables pour ceux qui se trouvent sur les premières étapes de la voie spirituelle (justement parce qu’au début la vision intérieure est en grande partie empruntée à celle du maître et représente une partie de la grâce que nous recevons afin de pouvoir avancer). Pourtant, dans le cas des aspirants avancés que tendent naturellement à s’éclaircir, à former leur vision spirituelle, il est possible, si cette cristallisation n’a pas lieu sur les coordonnées spirituelles les plus hautes qui ont été indiquées, que l’aspirant perde graduellement le contact avec son maître par une évidente aliénation d’idées.
 
Si l’aspirant a compris dans les phases de début la révélation (transmise par son guide spirituel) que l’univers entier est de l’amour et se laisse stimuler par la nouvelle perspective, avec le temps il est possible qu’il ne valide plus cette compréhension par ses expériences personnelles et dans la vie quotidienne. Le scepticisme, le doute, la régression, les difficultés de toute sorte font à nouveau leur apparition dans le cœur du disciple, mais maintenant il a d’autres perspectives „sures” et personne ne tire plus le signal d’alarme. L’aspirant qui régresse construira dans son subconscient la conviction que ce n’est pas vraiment ainsi, que ce n’est pas seulement de l’amour dans l’univers, et les choses deviennent pour lui „autrement”, plus nuancées. Il aura même tendance à ironiser, pour jouer, cette révélation “pour les débutants”. Peu à peu il commence à vivre à nouveau selon ce principe, en revenant sans s’en rendre compte à une vision profane, cachée derrière une conduite imaginaire de “saint”, de grand „sage” ou même (pourquoi pas ?!) il s’auto proclamera avec une insidieuse vanité « maître » (qui, comble de l’impertinence, donnera des leçons au guide spirituel qui lui avait appris le peu qu’il connaît).
 
Mais le maître continuera à se manifester avec détachement et à appliquer partout ce principe. S’il entre en contact avec le disciple et il désirera le corriger, celui-ci aura tendance à juger en conformité avec sa perversité les faits du guide spirituel selon des intérêts humains limités, même abjects, et non pas selon le principe universel de l’amour auquel il avait renoncé sans s’en rendre compte, le temps qu’il faisait le passage du soutien direct du maître aux résultats obtenus par la pratique individuelle. Surtout alors il lui semblera que le maître agit comme étant dirigé par des intérêts personnels et interprètera de façon déformée et méchante l’intention et l’action de correction.
 
Voilà une partie des tests les plus connus auxquels les aspirants avancés sur la voie spirituelle sont confrontés. Ces situations sont le plus souvent difficile à comprendre si nous n’avons pas le point de vue intérieur, elles sont difficile à comprendre surtout pour ceux qui ne se trouvent pas encore à ce niveau de pratique et de réalisation spirituelle.
 
un article tiré de la revue Yoga Magazin n° 66
 
yogaesoteric
2007
 

Also available in: Română

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