2. Méditer profondément comme une montagne

                                                                                    
                                                                                                      Selon Jean-Yves Leloup, „Écrits sur l’hésychasme”

Ainsi commençait pour le jeune philosophe une véritable initiation à la méthode d’oraison hésychaste. La première indication qui lui était donnée concernait la stabilité. L’enracinement d’une bonne assise. En effet, le premier conseil que l’on peut donner à celui qui veut méditer n’est pas d’ordre spirituel, mais d’ordre physique : assieds-toi.

S’asseoir comme une montagne, cela veut dire aussi prendre du poids : être lourd de présence. Les premiers jours, le jeune homme avait beaucoup de mal à rester ainsi immobile, les jambes croisées, le bassin légèrement plus haut que les genoux (c’est dans cette posture qu’il avait trouvé le plus de stabilité).

Un matin, il sentit réellement ce que voulait dire méditer comme une montagne. Il était là de tout son poids, immobile. Il ne faisait qu’un avec elle, silencieux sous le soleil. Sa notion du temps avait complètement changé. Les montagnes ont un autre temps, un autre rythme. Être assis comme une montagne, c’est avoir l’éternité devant soi, c’est l’attitude juste pour celui qui veut entrer dans la méditation : savoir qu’il a l’éternité derrière, dedans et devant lui. Avant de bâtir une église, il fallait être pierre et sur cette pierre (cette solidité imperturbable du roc), Dieu pouvait bien bâtir son Eglise et faire du corps de l’homme son temple. C’est ainsi qu’il comprenait le sens de la parole évangélique : ” Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église. “

Il resta ainsi plusieurs semaines. Le plus dur était pour lui de passer ainsi des heures ” à ne rien faire “. Il fallait réapprendre à être, à être tout simplement – sans but ni motif. Méditer comme une montagne c’était la méditation même de l’Être, ” du simple fait d’Être “, avant toute pensée, avant tout plaisir et avant toute douleur. La montagne t’apprend qu’elle existe vraiment… C’est en réalité sa méditation.

Le père Séraphin lui rendait visite chaque jour, partageant avec lui ses tomates et quelques olives. Malgré ce régime des plus frugal, le jeune homme semblait avoir pris du poids. Sa démarche était plus tranquille. La montagne semblait lui être entrée dans la peau. Il savait prendre du temps, accueillir les saisons, se tenir silencieux et tranquille comme une terre parfois dure et aride, mais aussi parfois comme un flanc de colline qui attend sa moisson.

Méditer comme une montagne avait également modifié le rythme de ses pensées. Il avait appris à ” voir ” sans juger, comme s’il donnait à tout ce qui pousse sur la montagne ” le droit d’exister “.

Un jour, des pèlerins le prenant pour un moine, impressionnés par sa qualité de présence, lui demandèrent une bénédiction. Il ne répondit rien, imperturbable comme la pierre. Ayant appris cela, le soir même, le père Séraphin commença à le rouer de coups . . . Le jeune homme est restée immobile sous la pluie de coups et à un moment donné se mit alors à gémir.

” Ah bon, je te croyais devenu aussi stupide que les cailloux du chemin. . . La méditation hésychaste a l’enracinement, la stabilité des montagnes, mais son but n’est pas de faire de toi une souche morte, mais un homme vivant “.

Il prit le jeune homme par le bras et le conduisit dans le fond du jardin où parmi les herbes sauvages on pouvait voir quelques fleurs. ” Maintenant, il ne s’agit plus de méditer comme une montagne stérile. Apprends à méditer comme un coquelicot rouge, mais n’oublie pas pour autant la montagne . . . “.
 
 
 
 
 


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2007

 

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