7. Méditer comme Jésus
Selon Jean-Yves Leloup, „Écrits sur l’hésychasme”
Le père Séraphin se montrait de plus en plus discret. Il sentait à distance (télépathiquement) les progrès que faisait le jeune homme dans sa méditation et sa prière. Plusieurs fois il l’avait surpris, le visage baigné de larmes, méditant comme Abraham et intercédant aec ferveur pour tous les hommes. ” Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs . . .? ”
C’est le jeune homme qui un jour vint vers lui et lui demanda : ” Père, pourquoi ne me parlez-vous jamais de Jésus ? Quelle était sa prière à lui, sa forme de méditation? Dans la liturgie, dans les sermons, on ne parle que de lui. Dans la prière du coeur, telle qu’on en parle dans la philocalie, c’est bien son nom qu’il faut invoquer. Pourquoi ne me dites-vous rien ? ”
Le père Séraphin eut l’air troublé. Comme si le jeune homme lui demandait quelque chose d’indécent, comme s’il lui fallait révéler son propre secret. Plus grande est la révélation divine que l’on a reçue, plus grande doit être l’humilité pour la transmettre. Sans doute ne se sentait-il pas assez humble : ” Cela, il n’y a que l’Esprit-Saint qui peut te l’enseigner. Nul ne sait qui est le Fils, si ce n’est le Père, ou qui est le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler ” (Luc 10, 22).
Il faut que tu deviennes UN (par identification totale) avec le Fils pour prier comme le Fils et entretenir avec Celui qu’il appelle son Père et notre Père (Dieu) les mêmes relations d’intimité que Lui, et cela c’est l’oeuvre de l’Esprit-Saint, il te rappellera tout ce que Jésus a dit. L’Évangile deviendra vivant en toi et il t’apprendra à prier comme il faut.
Le jeune homme insista. Dites-moi encore quelque chose. Le vieillard lui sourit. ” Maintenant, dit-il, je ferais mieux d’aboyer. Mais tu prendrais encore cela pour un signe de sainteté. Mieux vaut te dire les choses simplement.
Méditer comme Jésus, cela récapitule toutes les formes de méditation que je t’ai transmises jusqu’à maintenant. Jésus est l’homme cosmique. Il savait méditer comme la montagne, comme le coquelicot, comme l’océan, comme la colombe. Il savait méditer aussi comme Abraham. Le coeur sans limites, aimant jusqu’à ses ennemis, ses bourreaux: ” Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font “.
Pratiquant l’hospitalité à l’égard de ceux qu’on appelait les malades et les pécheurs, des paralysés, des prostituées, des collabos . . . La nuit il se retirait pour prier dans le secret et là, il murmurait comme un enfant ” abba “, ce qui veut dire ” papa ” . . . Cela peut te sembler tellement dérisoire, appeler ” papa ” le Dieu transcendant, infini, innommable, au-delà de tout !
C’est presque ridicule et pourtant c’était la prière de Jésus, et dans ce simple mot, tout était dit. Le ciel et la terre devenaient terriblement proches. Dieu et l’homme ne faisaient qu’un . . . peut-être faut-il avoir été appelé ” papa ” dans la nuit pour comprendre cela . . .
Mais aujourd’hui ces relations intimes d’un père et d’une mère avec leur enfant ne veulent peut-être plus rien dire. Peut-être que c’est une mauvaise image ? . . .
C’est pour cela que je préférais ne rien te dire, ne pas employer d’image et attendre que l’Esprit-Saint mette en toi les sentiments et la connaissance qui étaient dans Jésus-Christ et que cet ” abba ” ne vienne pas du bout des lèvres mais du fond du coeur. Ce jour-là, tu commenceras à comprendre ce qu’est la prière et la méditation des hésychastes “.
yogaesoteric
2008